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Projet de loi Egalité et Citoyenneté - Plec : en plénière, les députés enrichissent encore les titres I et III

Examinant du 27 juin au 1er juillet 2016 le projet de loi Egalité et Citoyenneté en première lecture, les députés réunis en plénière se sont inscrits dans les pas de la commission spéciale concernant les titres I et III : en confirmant globalement le texte élaboré par cette dernière, en débattant d'une grande diversité de sujets et en relançant certaines initiatives parlementaires inabouties - au risque de perdre parfois en cohérence... - et en évitant de se prononcer sur certains sujets jugés délicats tels que l'abaissement du droit de vote à 16 ans. A noter, en particulier, une mesure votée contre l'avis du gouvernement : l'expérimentation d'un service civique obligatoire pour tous les jeunes de 18 à 25 ans. Alors que le vote solennel du projet de loi est prévu pour ce 6 juillet, retour sur certaines nouveautés.

(A lire également, notre article de ce jour : "Plec : les députés adoptent en séance une nouvelle avalanche d'amendements sur le titre II 'logement'")

TITRE I - EMANCIPATION DES JEUNES, CITOYENNETE ET PARTICIPATION

ENGAGEMENT

Réserve civique – Sur proposition du gouvernement, la possibilité de réquisitionner les membres de la réserve civique a été supprimée. Rejoindre la réserve civique - à l'exception de la réserve de l'Education nationale - serait possible dès l'âge de 16 ans, sous réserve de l'accord des parents.

Congé d'engagement –
Au-delà des publics cibles élargis en commission – responsables associatifs bénévoles et membres des conseils citoyens -, le congé d'engagement bénéficierait également aux "titulaires de mandats mutualistes autres qu'administrateurs". "L'engagement militant au sein des organismes mutualistes" constitue "un engagement citoyen fort qu'il convient d'encourager au même titre que l'engagement associatif", ont justifié les auteurs de l'amendement.

Associations d'intérêt général - En vertu d'un amendement socialiste porté par Yves Blein (Rhône, socialiste), une association pourrait solliciter le préfet de son département "afin qu'il se prononce, après avoir sollicité l'avis des services de l'État concernés et des représentants d'associations ayant le même objet social, sur le caractère d'intérêt général de l'association". "Dans une perspective de sécurisation et de simplification", il s'agirait, selon l'exposé des motifs, de stabiliser l'appréciation de la qualité d'intérêt général entre les différents services de l'Etat et les collectivités locales, pour qu'une association puisse faire valoir pendant une certaine durée les droits liés à cette qualification – dons et legs notamment (voir notre article "Préciser la notion d'intérêt général pour sécuriser les acteurs associatifs" du 30 mai 2016).
Ajustant l'article 15 quinquies introduit en commission, le gouvernement a proposé d'utiliser l'ensemble des "immeubles confisqués en matière pénale" à des fins d'intérêt général en les confiant à des "associations reconnues d'intérêt général", et non à des entreprises de l'économie sociale et solidaire.

Service civique –
De nombreux amendements relatifs au développement et à l'encadrement du service civique (art.10) ont été adoptés. Contre l'avis du gouvernement, un nouvel article à l'initiative de Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle, socialiste), autoriserait ainsi l'expérimentation pendant trois ans d'un service civique obligatoire. Entre 18 et 25 ans, tous les jeunes devraient réaliser "un service civique universel d'une durée de neuf mois répartie en deux périodes distinctes". Une première période de trois mois, intitulée "classe républicaine", permettrait aux jeunes de 18 ans d'acquérir les "fondamentaux de la République" et serait l'occasion d'une "mise à niveau sur les acquis de base, notamment l'alphabétisation et l'accès à la santé". Puis, avant 25 ans, les jeunes devraient effectuer un service civique de six mois, éventuellement "en deux périodes de trois mois librement choisies". Dans l'esprit des auteurs de l'amendement, si le service civique devient un passage obligé, il bénéficiera à tous – actuellement, "trop peu de jeunes habitant dans des quartiers populaires connaissent le service civique" – et permettra un brassage souhaitable.
Le caractère volontaire du service civique est un "point fondamental", pour le gouvernement comme pour les "partenaires, associatifs en particuliers", a répondu Patrick Kanner, ministre de la Jeunesse, en séance. Dans un communiqué du 1er juillet, le Mouvement associatif a confirmé son opposition au dispositif tel que proposé par les députés. "Construites sur le principe de libre participation, les associations ne veulent pas être les opérateurs d'un nouveau service national obligatoire."
Le gouvernement a en outre souhaité limiter l'élargissement des organismes d'accueil aux acteurs "traditionnels" de l'économie sociale et solidaire pouvant être agréés entreprises solidaires d'utilité sociale (Esus) – "associations, coopératives, mutuelles, fondations reconnues d'utilité publique, entreprises d'insertion, entreprises adaptées notamment" –, au lieu de l'ensemble de ces entreprises Esus tel que l'avait formulé la commission. Selon l'exposé des motifs, "6.300 organismes agréés de droit Esus sont sous statut associatif" et "1.400 autres ont d'autres statuts traditionnels de l'économie sociale". Toujours sur proposition du gouvernement, une "organisation internationale dont le siège est implanté en France", type l'Unesco, pourrait accueillir des volontaires.
D'autres amendements sont autant de formules ou de dispositions visant à sécuriser encore davantage le régime du service civique et, en particulier, son caractère non substituable à un emploi "ou à un stage" : "seule la motivation" devant compter au moment de la sélection, "quel que soit [le] niveau de qualification" des jeunes candidats, information sur les effectifs de volontaires à fournir aux représentants du personnel, etc.
Sur les autres formes d'engagement des jeunes, un nouvel article (art. 12 septies) donnerait un cadre au programme des "Cadets de la Défense" (1), concernant actuellement 300 jeunes, et permettrait une expérimentation à plus grande échelle.

Reconnaissance des expériences salariées ou entrepreneuriales dans la formation – A l'article 14 dédié à la valorisation des compétences acquises à travers différentes formes d'engagement, "les compétences, connaissances et aptitudes acquises par un étudiant dans le cadre d'une activité salariée ou d'une activité entrepreneuriale" seraient aussi "validées au titre de sa formation".

Mobilité internationale des apprentis – Un nouvel article (après l'art. 14) favoriserait la mobilité européenne ou internationale des apprentis, par le maintien de l'inscription au centre de formation et la possibilité de percevoir une allocation pendant la période de suspension du contrat d'apprentissage (voir aussi notre article "Les propositions du gouvernement pour renforcer la mobilité européenne des jeunes" du 16 juin 2016).

VIE CITOYENNE

Reconnaissance du parrainage civil – Des députés ont trouvé opportun de greffer au texte un article (après l'art. 15) offrant un cadre législatif au parrainage civil. Dans l'exposé des motifs, ils indiquent que le baptême républicain, inventé "au lendemain de la Révolution française", a connu "ces dernières années un engouement croissant en France" mais que l'absence de texte l'encadrant laisse jusqu'à présent les maires recevant des demandes "libres d'y donner suite ou de les refuser". L'idée s'appuie sur la proposition de loi du sénateur Yves Daudigny (Aisne, socialiste) "votée avec un large consensus par le Sénat en première lecture le 21 mai 2015" (voir notre article Le baptême républicain bientôt mieux reconnu juridiquement ? du 18 mai 2015) (après art.15).


Conseils de développement – Le seuil de mise en place d'un conseil de développement dans les établissements publics à fiscalité propre (EPCI) serait abaissé à 15.000 habitants, au lieu de 20.000 actuellement (nouvel article 16 decies). Le cadre des conseils de développement a été stabilisé par l'article 88 de la loi Notr du 7 août 2015.

DIVERS

Sport – Parmi les ajouts les plus exotiques de ce titre I consacré à l'engagement et à la jeunesse, un amendement de Régis Juanico (Loire, socialiste) approuvé par le gouvernement est destiné à parfaire l'arsenal juridique de la lutte contre le dopage (après l'art. 13).

Petite enfance - Par un autre amendement, un nouvel article (avant l'art. 16) prévoit la remise, par le gouvernement au Parlement, d'un "rapport sur la mise en place d'un service public décentralisé de la petite enfance". Si l'amendement à l'initiative des rapporteurs de la commission n'a pas fait l'objet de commentaire en séance, l'exposé des motifs met en avant la nécessité d'aborder dans le Plec l'enjeu de "la réduction des inégalités qui se cristallisent dès les premiers âges de l'enfant".

TITRE III - POUR L'EGALITE REELLE

Politique de la ville

Contrats de ville – Les établissements d'enseignement supérieur pourraient être signataires des contrats de ville (après art. 34) afin, d'après l'exposé des motifs de l'amendement, de mieux informer les jeunes des offres de formation existantes.

Conseils citoyens – Selon un amendement notamment porté par François Pupponi (Val d'Oise, socialiste), les organismes HLM devraient transmettre au conseil citoyen les documents – déjà en théorie transmis aux "signataires du contrat de ville" - portant sur les actions entreprises pour l'amélioration des conditions de vie des habitants en contrepartie de l'abattement fiscal dont ils bénéficient au titre de la taxe foncière des propriétés bâties (après art. 34 bis).

FONCTION PUBLIQUE

Recul de la limite d'âge du Pacte – Afin de "favoriser l'accès des jeunes peu ou pas diplômés aux corps et cadres d'emplois de la fonction publique", le Parcours d'accès aux carrières territoriale, hospitalière et de l'Etat (Pacte) serait assoupli, en permettant à des jeunes âgés de 28 ans au plus - contre 25 ans aujourd'hui - de pouvoir en bénéficier. Par ailleurs, les missions du tuteur seraient modifiées : il interviendrait pour guider le jeune et suivre son parcours d'insertion, et ne serait plus chargé de suivre son activité dans le service, cette mission incombant au supérieur hiérarchique (après l'article 36).

Collecte de données relatives aux candidats et lauréats des concours –
Il serait instauré une collecte obligatoire des données relatives aux candidats et à aux lauréats des concours – ou des recrutements sans concours – lors de la phase d'inscription, afin de permettre aux administrations de disposer d'une connaissance aussi précise que possible "de la sélectivité de leur processus de recrutement, depuis la diversité des personnes qui se portent candidates jusqu'à celle des personnes effectivement recrutées". Les données collectées, qui ne seraient que des données "non-sensibles" au sens de la loi "Informatique et Libertés", seraient utilisées à des fins exclusivement statistiques et ne pourraient être accessibles ni aux jurys ni aux recruteurs (après l'article 36).

Orientation - La mission d'orientation du service public de l'enseignement supérieur serait étendue à l'orientation vers la fonction publique (après l'article 36).

Lutte contre les discriminations

Langue régionale et formation professionnelle - Il serait précisé dans la loi que le fait d'organiser des actions de formation professionnelle en langue régionale ne saurait être appréhendé comme une mesure de discrimination. Paul Molac, député du Morbihan, relate les délivrances de Bafa et BAFD refusées "au motif, entre autres, que 'l'ouverture des sessions de formation à tous les publics sans discrimination n'était pas respectée' (il est prévu des sessions de formation en breton)" (art.35).

Restauration collective publique – Une nouvelle section (après art. 47) serait destinée à favoriser "un égal accès à une alimentation saine et de qualité pour les citoyens sur les territoires". La restauration collective publique – dont celle assurée par les collectivités territoriales – devrait intégrer à partir de 2020 40% de produits locaux, de qualité et de saison et 20% de produits issus de l'agriculture biologique et de l'agriculture "en conversion". L'amendement porté notamment par la députée Brigitte Allain (Dordogne, écologiste) reprend la proposition de loi de cette dernière qui n'avait pas pu aboutir au Sénat (voir notre article du 11 mars 2016 "Bio dans les cantines : les sénateurs suppriment l'objectif des 20%").

Pôles de stages - Les pôles de stages seraient inscrits dans le Code de l'éducation. Généralisés depuis la rentrée 2016 au sein de chaque académie, par bassin d'éducation et de formation (équivalent des bassins d'emploi) ou par filière professionnelle, les 300 pôles de stages en cours de déploiement ont pour objet d'aider les établissements d'enseignement à accompagner leurs élèves dans la recherche de lieux de stages et de période de formation en milieu professionnel (après art.47).

Observation des collégiens et lycéens dans les administrations - L'accueil des collégiens et des lycéens en période d'observation en milieu professionnel serait favorisé dans les administrations. Les établissements scolaires devraient informer les élèves que les lieux d'accueil peuvent être une administration. Par ailleurs, les boursiers et les élèves d'un établissement en éducation prioritaire pourraient "à leur demande" accomplir cette période d'observation dans une administration de l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public (après art.47).

Dispositif type "Sciences Po" pour élèves méritants de REP - Le dispositif de recrutement sélectif destiné aux élèves méritants issus d'établissements situés en zone d'éducation prioritaire (ZEP, aujourd'hui "REP"), mis en place par l'Institut d'études politiques de Paris en 2001, serait élargi à d'autres établissements d'enseignement supérieur public recrutant après le baccalauréat. Le dispositif serait encadré par décret et la participation des établissements serait décidée par leur conseil d'administration (après art.47).

Mixité scolaire - Chaque année, le recteur d'académie présenterait devant le conseil départemental de l'Education nationale, l'évolution de la mixité sociale et scolaire de tous les établissements scolaires de chaque secteur (après art.47).

Gens du voyage - La disposition dérogatoire qui permettait aux gens du voyage de bénéficier des prestations sociales à leur élection de domicile est abrogée, la "commune de rattachement" disparaissant avec l'abrogation de la loi de 1969 prévue dans le projet de loi et adoptée par les députés. Pour rappel, l'abrogation de la loi de 1969 implique la suppression du livret de circulation imposé aux gens du voyage, et le renforcement des pouvoirs des préfets pour la construction d'aires d'accueil et pour lutter contre les occupations illicites. Elle reprend les dispositions de la PPL Raimbourg arrêtée en plein parcours parlementaire (voir notre article du 11 juin 2015) (article 48).

Emplois soumis à condition de nationalité – Un nouvel article relancerait la réflexion, avec la réalisation d'un rapport, sur l'accès des étrangers extra-communautaires à la fonction publique (après art. 54).

Marchés publics – Les actions menées par les entreprises en matière de lutte contre les discriminations deviendraient, au même titre que la protection de l'environnement et l'insertion de personnes en difficulté, un critère d'attribution des marchés publics (après art. 60).

Emploi dans les quartiers – Un nouveau dispositif visant à améliorer les processus de recrutement dans les quartiers prioritaires est esquissé par l'amendement 1602 (après art. 61). Des "potentiels d'embauche par bassin d'emploi" seraient identifiés par le Préfet en lien avec l'ensemble des partenaires concernés, dont Pôle emploi et les collectivités locales, et des partenariats spécifiques seraient noués localement pour accompagner les entreprises et atteindre les objectifs fixés.

Médiation sociale – Un nouvel article 67 définirait la mission de médiateur social, affirmerait son articulation avec les métiers du travail social et poserait les bases d'un cadre de référence destiné à être développé par décret. Dans le contexte de la refonte de l'architecture des diplômes en travail social, "il est indispensable de penser la professionnalisation de la médiation sociale", selon l'exposé des motifs de l'amendement.

Caroline Megglé, Valérie Liquet et Laurent Terrade

(1) Selon cet article, "le programme des Cadets de la Défense est un programme civique mis en œuvre par le ministère chargé de la Défense pour renforcer la cohésion nationale, la mixité sociale et le lien entre la Nation et son armée", "il est accessible aux Français âgés de douze à dix-huit ans" et "comporte une découverte des armées et de leurs métiers, un enseignement moral et civique en complément de celui délivré par l'Education nationale, ainsi que la pratique d'activités culturelles et sportives".

 

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