Planification écologique : Christophe Béchu veut asseoir le rôle de l'ANCT dans les territoires
Le ministre de la Transition écologique veut renforcer l'action de l'Agence nationale de la cohésion des territoires dans deux directions : la territorialisation de la planification écologique et les ruralités. C'est ce qu'il a déclaré lors de l'ANCTour, au palais des Congrès à Paris, le 23 mai, devant de très nombreux élus. Les rencontres nationales de deux des programmes phares de l'agence, Action coeur de ville et Petites Villes de demain, se tenaient en même temps. L'occasion d'en savoir plus sur l'utilisation des 24 millions d'euros du nouveau fonds de requalification commerciale.
Objet de quelques critiques, venant notamment des bancs sénatoriaux, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) "a fait preuve de son utilité et de sa nécessité dans le paysage", a tenu à affirmer le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, en ouverture de l'ANCTour, mardi 23 mai, à Paris. Quelque 4.800 personnes étaient inscrites à ce "salon des solutions", organisé au palais des Congrès pour marquer les trois ans de l'agence et lui donner la visibilité dont elle semble manquer. Le ministre en a profité pour saluer le nouveau tandem formé à la tête de l'agence par son président, Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France (APVF), et son directeur général, Stanislas Bourron, "arrivés en même temps pour inaugurer un nouveau cycle", mais aussi "regarder ce qui a bien marché et ce qui a moins bien marché".
Quelques jours après que Stanislas Bourron a dévoilé les orientations qu'il souhaite impulser dans la future feuille de route 2023-2026 (qui devrait être validée fin juin), Christophe Béchu a souhaité imprimer deux nouvelles directions : la déclinaison territoriale de la planification écologique et les ruralités. Pour ces dernières, il faudra attendre le plan France ruralités préparé depuis des mois par Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Ce plan d'actions, censé prendre la suite de l'Agenda rural, sur un format plus resserré, devrait enfin être dévoilé courant juin, après des mois de retard. La ministre, présente à cette journée, n'en a toujours rien défloré.
Territorialiser la planification écologique
Christophe Béchu a en revanche insisté sur le rôle de l'agence dans la planification écologique, au lendemain des annonces d'Élisabeth Borne devant le Conseil national de la transition écologique (voir notre article du 23 mai). Le principal défi pour la France sera de passer de 408 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2e) en 2022 à 270 millions en 2030, a-t-il rappelé, sachant qu'une grande part de ces émissions dépendent des collectivités, ne serait-ce que pour les transports. "Derrière chacune de ces baisses, il y a la territorialisation des actions dont nous avons besoin." Installations de bornes de recharge, réalisation de pistes cyclables, objectifs de sobriété foncière… tout cela "nécessite une ingénierie particulière dans laquelle l'ANCT peut pleinement se retrouver", a soutenu le ministre.
"La chance de notre pays c'est d'avoir 36.000 communes. Il faut s'appuyer sur ces vitalités locales. C'est très exactement le job de l'agence", a encore déclaré l'ancien maire d'Angers.
À l'heure du zéro artificialisation nette (ZAN), la sobriété foncière est déjà ce qui guide les programmes portés par l'ANCT : les Territoires d'industrie, dont la carte va être prochainement révisée (voir notre article du 22 mai 2023), ou les programmes de revitalisation Petites Villes de demain (PVD) et Action cœur de ville (ACV). Les rencontres nationales de ces deux programmes étaient d'ailleurs organisées concomitamment lors de l'ANCTour. L'occasion pour Dominique Faure de saluer le "vrai succès" de PVD. 53% des 1.643 villes du programme "ont moins de 3.500 habitants", a-t-elle pu constater lors de ses déplacements, se disant "effarée de voir le nombre de communes de moins de 3.500 habitants qui ont entre 200 et 300 logements vacants". "C'est énorme !" Un enjeu important pour l'Anah, qui a déjà contractualisé avec 500 des 1.643 villes du programme. "On fait du ZAN, on revitalise ce qui est existant, on évite d'urbaniser de l'espace", a souligné Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Anah. "80% des logements de 2050 existent déjà."
Le nouveau fonds de 24 millions d'euros lancé "dans les prochains jours"
Conformément aux orientations données par Emmanuel Macron en septembre 2021, la deuxième phase d'ACV va elle aussi être placée sous le signe de la sobriété foncière en s'intéressant prioritairement aux "entrées de villes", ces alignements de "boîtes" héritées d'un modèle reposant sur l'automobile, aujourd'hui tant décrié. Attention à ne pas "stigmatiser" ce que l'on désigne parfois comme "la France moche", a insisté Stanislas Bourron, lors d'un atelier. Il faudra "mixer les fonctions", apporter de la "qualité architecturale et paysagère", travailler sur les mobilités, a-t-il énuméré. Rien de vraiment nouveau, comme l'a malicieusement fait remarquer l'animateur de cet atelier, l'urbaniste Pascal Madry, directeur de l'Institut pour la ville et le commerce, évoquant un colloque qui s'était tenu dans ce même lieu sur ce thème dans les années 1990. Et en 2000, la Ligue urbaine et rurale avait lancé un concours sur les entrées de villes (voir notamment cet article de 2013)…
Concrètement, les 234 communes du programme ACV pourront décider de prolonger ou pas leur convention et de l'élargir ou non aux entrées de villes. Elles passeront alors un avenant à leur convention qui vaudra "ORT (opération de revitalisation de territoire) élargie". Déjà 45 villes se sont portées volontaires, les autres auront vocation à les rejoindre plus tard. Ces villes pilotes vont bénéficier d'un soutien méthodologique, technique et financier, sur le modèle des "sites pilotes de la sobriété foncière" (voir notamment notre article du 9 mars 2022). Sachant que les montants en jeu seront très importants. Alors que l'acquisition d'une boutique de centre-ville se monte en moyenne à 500.000 euros, il en coûte 5 millions pour une "boîte" de périphérie, a indiqué Pascal Madry. De nouveaux moyens vont être mis sur la table à travers le fonds de requalification commerciale de 24 millions d'euros cogéré par la direction générale des entreprises (DGE) et l'ANCT. Découlant des recommandations des assises du commerce de 2021 restées en partie en jachère, ce fonds va pouvoir être lancé "dans les prochains jours", a indiqué Stanislas Bourron.
Il repose en réalité sur une "expérimentation sur la transformation des zones commerciales périphériques" qui consistera à "sélectionner entre 30 et 40 sites pilotes pour préfigurer une future politique publique", a précisé Christelle Breem, experte commerce à l'ANCT. Pas forcément des villes ACV. Il pourra s'agir de villes plus petites ou plus grandes… La signature d'une ORT est un plus. Les candidats retenus devront "améliorer le cadre de vie par la diversification des usages", "contribuer à la sobriété foncière" et "favoriser un urbanisme responsable avec des constructions bas carbone, des mobilités douces, une renaturation des espaces". "On va financer les déficits d'opérations commerciales [jusqu'à 50%] et trouver une articulation avec le fonds friches et le fonds vert", a expliqué Christelle Breem.
Faire de la "densification agréable"
Dans le programme ACV 2, la Banque des Territoires mobilisera de son côté 15 millions d'euros d'ingénierie (sur une enveloppe totale de 2,5 milliards d'euros) pour travailler avec 120 sites sur les entrées de villes, les quartiers de gares, la sobriété foncière, l'adaptation au changement climatique et la renaturation… Une première promotion de 30 sites pilotes sera dévoilée en fin d'année, ils bénéficieront chacun d'une enveloppe de 150.000 euros. "Il n'est pas envisageable en quatre ans de traiter l'ensemble d'une entrée de ville, il s'agira de se concentrer sur une partie", a toutefois averti Frédéric Gibert, responsable du programme ACV et du plan commerce de la Banque des Territoires.
Connue pour ses interventions dans l'habitat ancien dégradé, l'Anah compte aussi faire de la "densification agréable" dans les secteurs pavillonnaires. "Si on réinvestit ces espaces, on va leur redonner de la valeur", a expliqué Jessica Brouard-Masson.
En clôture de cette rencontre, Dominique Faure a annoncé vouloir créer des "petits ANCTour en province". Trois ans, ce sont les "noces de froment", a rappelé Christophe Bouillon, souhaitant faire de son agence, le "fertilisant des territoires".