Industrie - Plan automobile : les collectivités au volant
La région Poitou-Charentes, qui a beaucoup misé sur la voiture électrique en investissant dans la Mia, l'attendait avec impatience : le plan gouvernemental de soutien à la filière automobile est résolument tourné vers les véhicules verts. Pour l'heure, la voiture électrique ne pèse que 0,1% du marché français, un marché lui-même très déprimé : 2 millions de voitures seront produites en France en 2012, contre 3,5 millions en 2005, rappelle Bercy. Avec ce plan, le ministre du Redressement productif entend ni plus ni moins que "réinventer l'automobile française" qui doit devenir "propre et populaire". Ce qui se fera "avec le soutien des pouvoirs publics, des collectivités locales, des constructeurs et de tous les Français", a-t-il souligné, mercredi 25 juillet, à l'issue du Conseil des ministres au cours duquel ce plan a été présenté. Pour autant, nombre des mesures ont un air de déjà vu... et ressemblent au plan national du 1er octobre 2009, qui se fixait déjà l'objectif de deux millions de voitures électriques et hybrides à l'horizon 2020 !
Le gouvernement souhaite tout d'abord encourager l'achat de véhicules propres encore très chers, tout en rendant plus dissuasif l'achat de véhicules polluants. En d'autres termes, actionner le système du bonus-malus. Principale mesure : l'augmentation des bonus déjà existants. Arnaud Montebourg veut rendre les "véhicules propres accessibles à toutes les bourses" en portant de 5.000 à 7.000 euros le bonus maximal à l'achat de véhicules électriques. Le bonus relatif aux véhicules hybrides est doublé et porté à 4.000 euros. Il sera ouvert aux véhicules de sociétés et aux commandes publiques des collectivités. Les bonus relatifs aux véhicules thermiques faiblement polluants seront doublés de 100 ou de 200 euros. Le coût de ces mesures, soit 490 millions d'euros, sera en partie compensé par la hausse du malus à compter de 2013 dans des conditions qui seront précisées dans la future loi de finances. "Les bonus sont à effet immédiat, les malus sont à effet de quelques mois", a résumé Arnaud Montebourg.
Bornes de recharge
Dans le même temps, le système de bonus-malus sera étendu aux acheteurs publics. L'Etat montrera l'exemple : le quart de véhicules qu'il achètera devront être hybrides ou électriques. "Les collectivités territoriales et les entreprises publiques seront incitées à adopter la même démarche", précise Bercy.
Le gouvernement entend parallèlement accélérer le déploiement de bornes de recharge. Une mission confiée à un inspecteur général des Mines, Philippe Hirtzman, qui assurera un "commandement opérationnel unique". Dans un délai de six à huit mois, douze villes et agglomérations (Bordeaux, Rennes, Grenoble, Angoulême, Orléans, Nancy, Le Havre, Rouen, Paris, Aix-en-Provence, Strasbourg et Nice) devront s'être équipées. En réalité, cette mesure n'est pas vraiment une nouveauté. Elle avait fait l'objet d'un accord entre Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Ecologie, et Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, les douze villes en question et les constructeurs Renault et PSA... le 13 avril 2010.
Par ailleurs, le gouvernement a annoncé que 350 millions d'euros de crédits "d'investissements d'avenir" non encore engagés allaient être réorientés, afin d'aider les constructeurs à innover. L'argent sera déployé "en lien avec les pôles de compétitivité, la banque publique d'investissement [qui sera mise en place à la fin de l'année, NDLR], la Banque européenne d'investissement et le Programme cadre R&D de l'Union européenne". Un institut de recherche technologique dédié à l'automobile sera lancé avant fin 2012.
Pérennisation des sites
Mais à côté de ce coup de pouce à la filière, le gouvernement demande des contreparties aux constructeurs. "Cet argent public doit être utilement dépensé", a souligné Arnaud Montebourg. "Nous demandons la pérennisation des sites hors crise de PSA (qui fait l'objet d'un traitement à part, ndlr)", a-t-il déclaré. Les laboratoires de recherche qui perçoivent des financements devront être maintenus sur place. Les mesures feront en outre l'objet d'une évaluation périodique de l'usage de l'argent public. Enfin, les constructeurs devront apporter une meilleure visibilité sur les volumes et les prix, sur leurs orientations technologiques et sur leur soutien aux sous-traitants, qualifiés de "soldats invisibles" par Arnaud Montebourg. "C'est là que les sinistres sont les plus importants dans des régions parfois rurales comme la Haute Moselle dans les Vosges", a évoqué le ministre.
La banque des PME Oséo mobilisera 150 millions d'euros pour soutenir leur trésorerie. Les sous-traitants pourront solliciter plus de 450 millions d'euros de financements dédiés à la modernisation des sites et à l'investissement industriel. Par ailleurs, le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) sera prorogé pour devenir "le fer de lance d'un développement des sous-traitants stratégiques". Il pourra investir immédiatement 260 millions d'euros pour accompagner durablement les entreprises de taille intermédiaire et PME "dans leurs projets internationaux, d'innovation, de consolidation ou de développement". Le crédit impôt recherche (400 millions d'euros en 2011) doit également être recentré vers les PME….
Enfin, Arnaud Montebourg demande à l'Union européenne des mesures de surveillance sur la concurrence déloyale. Il vise explicitement l'accord de libre échange signé avec la Corée du Sud en 2010 (un accord semblable doit être signé avec le Japon cette année). Le ministre a évoqué une activation possible des clauses de sauvegarde comme cela avait le cas pour l'acier américain et russe.
Enfin, cerise sur le gâteau, après le temps des "assureurs militants", voici venu le temps des "cinéastes militants", a plaisanté le ministre : des cinéastes sont invités à réaliser des clips vantant la voiture française. Luc Besson et Cédric Klapisch ont déjà répondu à l'appel.
De son côté, le ministre du Travail, Michel Sapin, a annoncé le lancement "mi-septembre" d'une négociation des branches de la filière automobile sur "l'adaptation de l'outil automobile en France".
"C'est un plan stratégique complet, aussi bien économique que sociétal, voire culturel", se réjouit Michel Destot, le maire de Grenoble où le CEA travaille à la batterie du futur pour les véhicules électriques. Selon lui, deux aspects sont très importants : "Le rôle des collectivités et celui de l'Europe qui a beaucoup à faire. Le bonus-malus est un système national mais il faut prendre en compte la dimension européenne avec une réciprocité forte dans les accords commerciaux."