Piscines publiques : la concession, une solution, pas la solution
Les modèles de gestion des projets de piscines et autres centres aquatiques se sont diversifiés et complexifiés ces dernières années. Lors du dernier Salon des maires, deux spécialistes ont tenté d'éclairer les collectivités sur le contrat concessif… pour se jeter à l'eau en toute connaissance de cause.
Les solutions de financement et de gestion des piscines publiques ressemblent parfois à des îlots perdus dans un océan brumeux. Pour lever le voile sur cet univers complexe, une table ronde intitulée "La concession : une solution d'avenir pour les piscines ?" était organisée le 20 novembre dernier dans le cadre du Salon des maires.
Cyril Mallit, avocat en droit public des affaires, est le premier à se tremper les orteils en tentant une présentation d'ensemble. Ce spécialiste estime qu'"il y a un regain d'intérêt pour les montages complexes, de type concession, intégrant en tout ou partie des prestations de conception, construction, exploitation technique et exploitation commerciale". Jean-Pascal Gleizes, directeur général d'Opalia, a complété le tableau : "C'est un marché relativement récent qui connaît une accélération depuis quelques années. Vingt et un équipements sont en exploitation sous ce régime, sept en phase de conception et huit en phase d'appel d'offres, dont le centre aquatique olympique de Paris 2024."
"Sécurité contractuelle, visibilité financière"
Entre l'avocat qui accompagne les collectivités territoriales dans leurs projets de construction ou de réhabilitation de piscines et le dirigeant d'une société dédiée aux projets de partenariat public-privé pour les équipements de sports et de loisirs, la vision commune pourrait s'arrêter là. Pourtant, tous deux s'accordent sur la plupart des avantages et inconvénients du recours à la concession.
Pour Cyril Mallit, le portage financier par le partenaire privé et le respect dans la planification des travaux donnent tout son intérêt à cette solution. Jean-Pascal Gleizes a évoqué une "procédure globalisée avec un intervenant unique, qui évite une dilution de responsabilités et assure une sécurité contractuelle ainsi qu'une visibilité financière". Il a également précisé que les contraintes de service public étaient fixées par le concédant et que la concession restait éligible aux subventions publiques.
Durant la vie du projet, a ensuite souligné le dirigeant, "il n'y a pas de vide contractuel pour les opérations de maintenance. On voit actuellement se mettre en place des contrats Crem [conception, réalisation, exploitation, maintenance] ou REM [réalisation, exploitation, maintenance), dont l'un des inconvénients est d'avoir un opérateur chargé de la maintenance aux côtés d'un exploitant commercial, qui n'est pas censé s'en occuper mais doit tout de même effectuer certaines tâches d'entretien. Or il est souvent difficile de fixer la limite entre l'exploitant animateur et celui qui s'occupe de l'entretien et de la maintenance. Dans le cas d'un schéma concessif, la collectivité n'a plus à gérer la problématique de limite de prestations entre opérateurs car l'opérateur est unique".
Quand les banques enfilent une bouée
Si les avantages sont nombreux, les inconvénients le sont tout autant. Les deux intervenants s'entendent d'abord sur la difficulté à gérer un contrat sur le long terme – vingt à trente ans –, en raison parfois d'une certaine faiblesse des fonds propres investis pas le concessionnaire mais aussi de la nécessité de recourir à des avenants. Cyril Mallit a en outre déploré "un environnement concurrentiel limité" où l'on retrouve à chaque fois "les quatre ou cinq mêmes candidats".
D'une manière générale, les griefs les plus importants faits aux contrats de concession en matière d'équipements aquatiques aboutissent à alourdir les coûts. Le transfert des risques au concessionnaire ? Plus il sera important, plus la prime d'assurance sera élevée, et plus le coût à la charge de la collectivité augmentera. La complexité de l'appel d'offres ? Elle entraîne des frais d'études incompressibles que les banques ont du mal à amortir. "On s'est aperçu qu'en dessous de dix millions d'euros, cela n'intéressait pas les banques ou peu", précise Jean-Pascal Gleizes. Or cet aspect est primordial quand on sait qu'en moyenne, 90% des investissements proviennent d'un emprunt bancaire.
Les montages financiers autour des contrats de concession ont d'ailleurs eu un effet inattendu : le retour de la "cession Dailly", par laquelle le concessionnaire accepte qu'une partie de la subvention liée au financement de l'investissement soit versée directement par la collectivité à la banque.
Coûts pour coûts
Bilan de ces échanges ? Tout d'abord un avertissement. Pour Cyril Mallit, "il faut démystifier l'idée [sic] selon laquelle quand on concède cela ne coûte rien à la collectivité". Et l'avocat d'expliquer : "Je ne vais pas révéler un secret d'État. À ma connaissance, il n'y a pas d'équipement aquatique public qui trouve le 'petit équilibre', soit la couverture des charges par les recettes en exploitation exclusivement commerciale, même si certains y tendent. Quant au 'grand équilibre', qui intègre les coûts d'investissement à la charge du concessionnaire plus la maintenance, le renouvellement, etc., il ne pourra être atteint que si et seulement si la personne publique intervient financièrement." La concession n'est donc pas une solution miracle. Non seulement, elle n'est pas adaptée à tous les projets, mais surtout, elle s'accommode mal des aléas, en particulier sur des réhabilitations lourdes.
Les collectivités ont conscience des coûts engendrés par la concession. Et depuis un an ou deux, certaines demandent à l'opérateur privé de participer au financement sur des espaces jugés rentables (spas, bien-être…). "Je ne suis pas certain que cette approche soit pertinente car ces espaces viennent compenser les coûts de fonctionnement du service public, a confié Jean-Pascal Gleizes. Si on demande au concessionnaire de financer ces espaces rentables, leur rentabilité servira à rembourser ses investissements et cela se fera au détriment des espaces non rentables."
Et puis les coûts des contrats de concession posent également une difficulté aux partenaires privés eux-mêmes. Les temps d'études s'allongent, les scénarios se complexifient, et présenter une offre devient un choix économique autant que stratégique. Si dans les contrats de type affermage, soit 60 à 70 appels d'offres par an, le coût moyen de réponse est de 25 à 30.000 euros, sans qu'aucune indemnité ne soit prévue, les frais de préparation des offres sont beaucoup plus élevés dans les schémas concessifs et les indemnités, quand elles existent, sous souvent faibles. "Cela devient un problème, nous menons tous de front plusieurs appels d'offres et pour certains on se pose souvent la question de savoir si l'on va ou non répondre compte tenu des coûts de développement nécessaires à la création et à la présentation d'une offre", a expliqué le directeur général d'Opalia. Et quand aucune indemnité n'est prévue, le choix peut être plus radical encore. "Je connais un cas où un opérateur a appelé la collectivité pour demander si le principe indemnitaire était acquis et qui a finalement refusé de s'engager dans l'appel d'offres devant une réponse négative", a conclu Cyril Mallit. Une façon de dire que, dans la concession, collectivités et partenaires privés sont dans le même bain…