Sport - Gestion des piscines : la Fédération française de natation pousse les clubs dans le grand bain
"Pendant des années nous avons été de simples usagers. Aujourd'hui, nous pouvons prétendre faire ce métier-là." Ce métier-là, c'est celui de gestionnaire de piscine. Et ces "simples usagers", ce sont les clubs membres de la Fédération française de natation (FFN). Lors de son congrès de Reims, en novembre 2011, la FFN a entendu cet appel du pied de la base. En avril 2012, son assemblée générale validait un positionnement nouveau pour elle et ses clubs : se porter candidats aux appels d'offres pour la gestion des piscines, notamment en cas de délégation de service public (DSP).
Aujourd'hui, les clubs qui administrent des équipements sont rarissimes : le Cercle des nageurs de Marseille est propriétaire de son établissement ; à Mulhouse, l'intercommunalité a mis à disposition exclusive du Mulhouse Olympic Natation et de ses mille licenciés le centre d’entraînement et de formation à la natation de haut niveau ; à Paris, le Cercle des nageurs de Paris gère en DSP un établissement et le fait vivre dans toute la diversité de la délégation de service public : outre les nageurs du club, on y accueille des scolaires et des nudistes !
"Nous avons quatre axes d'intervention : la compétition, l'éveil et l'apprentissage, la nage forme et santé, et le développement durable car l'eau est une denrée à laquelle il faut faire attention, explique Louis-Frédéric Doyez, directeur général de la FFN. Puisque la fédération et les clubs ont vocation à être présents sur ces quatre axes, il n'est pas incongru de prétendre gérer les piscines publiques."
"Progresser sur les aspects plus techniques"
Gérer une piscine revient à maîtriser un certain nombre de savoir-faire dans des métiers très différents. Une partie technique, pour bénéficier d'une eau aux normes et bien chauffée ; une partie sécurité et propreté ; et encore une partie planning par laquelle on gère les flux et les demandes des différents publics ; et enfin une partie management des équipes, économique et promotionnelle. "De toutes ces activités, on pense déjà détenir le savoir-faire en animation, plaide Louis-Frédéric Doyez. L'aquaforme, ça peut se faire en mettant de la musique et en faisant danser des jeunes femmes sans connaître leur état de forme. Mais nous avons une approche de qualité et pensons être plus crédibles à tous les niveaux pour l'apprentissage de la natation. Et contrairement à d'autres disciplines, à travers le brevet d'Etat, un club est obligé d'avoir des salariés pour gérer ses activités. Nous avons donc généré un corps professionnel." "Mais on doit progresser sur les aspects plus techniques, et être crédibles sur l'enjeu économique", reconnaît le directeur général de la FFN.
Pour se persuader de la justesse de son positionnement, la FFN prend l'exemple de l'UCPA qui répond à des appels d'offres et gère déjà des piscines. "Personne n'est allé leur dire qu'ils n'étaient pas compétents pour le faire", justifie Louis-Frédéric Doyez. Quant à l'obsession du haut niveau qu'on pourrait lui opposer, la FFN la balaie également : "Si notre cœur de métier est la performance, cette performance doit être déclinée à tous les niveaux : un bébé-nageur ou une personne en surpoids qui vont dans l'eau, c'est une performance." Globalement, Louis-Frédéric Doyez se montre donc confiant : "L'élu voit bien qui anime sa piscine depuis des années et qui a une légitimité sur le territoire. Quand on discute avec les élus et qu'ils voient le profil de nos dirigeants, ils nous prennent très au sérieux."
"Connus et légitimes à partir de 2016"
Sûre de son ambition, la FFN n'en a pas pour autant des positions arrêtées sur tous les obstacles qui pourraient surgir. Alors que ses clubs ont un statut associatif, la création de sociétés anonymes à objet sportif (SAOS) est envisagée. "La FFN a créé une SAOS qui gère les grands événements et prévoit qu'il ne peut pas y avoir de redistribution aux actionnaires. Tous nos profits sont réinjectés dans d'autres manifestations", lance Louis-Frédéric Doyez, qui voit dans ce statut "une garantie pour les collectivités d'être sûres que notre démarche ne sera pas de faire du profit pour faire du profit".
Et comme tous les clubs et tous les dirigeants n'ont pas vocation à gérer des équipements, la FFN envisage de s'appuyer sur ses ligues régionales, où ses équipes sont déjà professionnalisées : "On peut se donner pour objectif d'avoir une ou deux piscines dans chaque région, puis avec le temps gagner en légitimité et en compétence. Les ligues pourraient être les têtes de pont."
Gagner en légitimité et en compétence, cela sera précisément le prochain objectif. Pour cela, la FFN a un plan : "Sur les deux premières années de l'olympiade [2012-2016, ndlr], nous travaillons sur la structuration et la formation des dirigeants. Lors des deux années suivantes, nous commencerons à répondre à des appels d'offres pour travailler sur des expériences concrètes. A partir de 2016, nous serons connus et légitimes", expose Louis-Frédéric Doyez.
Dans sa démarche, la FFN compte sur l'appui de Valérie Fourneyron qu'elle a rencontrée la semaine dernière. "Elle est plutôt sensible à notre discours, se réjouit Louis-Frédéric Doyez. Elle souhaite que lorsque l'on octroie des fonds du CNDS, on soit bien sur un usage pour tous les publics. C'est un peu caricatural, mais aujourd'hui avec un opérateur privé et un cahier des charges mal ficelé, la demande sociale est moins prise en compte. La ministre s'est dite prête à nous accompagner si nous sommes dans une démarche de service public."
Et le directeur général de conclure : "Il y a dix ans, nous n'existions pas en termes de résultats, de grands événements, de siège social. En 2012, nous sommes là. En 2022, où serons-nous ? Peut-être à gérer un certain nombre d'équipements." C'est ce qu'on appelle se jeter à l'eau !