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Performance énergétique des bâtiments tertiaires : le nouveau décret dévoilé

Dès la publication de la loi Elan qui lui a servi de socle législatif en traçant les nouveaux contours de l’obligation de performance énergétique du parc tertiaire public et privé, la co-construction du "décret tertiaire" avec les professionnels a été remise sur le métier. Sa mise en consultation, ce 10 avril, devrait permettre de parachever enfin ce chantier amorcé il y a près de dix ans.  

Les ministères de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires viennent de mettre en consultation, jusqu'au 2 mai prochain, un projet de décret relatif aux obligations d'amélioration de la performance énergétique dans le parc tertiaire (responsable du tiers de la consommation totale des bâtiments), traduction réglementaire de la loi Elan. Le feuilleton juridique dont a été l’objet le précédent décret en date du 9 mai 2017 - censé décliner les objectifs tracés par la loi Grenelle 2 puis la loi de Transition énergétique - est désormais bien connu. Le Conseil d’État y a mis un point final en annulant dans sa totalité ce texte à la gestation difficile (huit ans), considérant qu’il portait atteinte "au principe de sécurité juridique", compte tenu de la date butoir fixée alors au 1er janvier 2020. Beaucoup de temps perdu. Dans l’intervalle, diverses initiatives ont néanmoins été lancées dans le tertiaire, souligne le Cler, comme le "bail vert" (2011) et la "charte tertiaire' animée par le plan Bâtiment durable (2013), tandis que d’autres acteurs se concentrent sur la réalisation de rénovations de bâtiments tertiaires au niveau BBC (Effinergie par exemple)". 
La loi Elan a finalement pris le relais, en reportant la première échéance pour atteindre une baisse de consommation d’énergie d’au moins 40 % à 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010. L’autre option aménagée étant d’atteindre un niveau de consommation d'énergie finale fixée en valeur absolue - par arrêté à venir - en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. Pour s’assurer d’une rédaction pragmatique, "une large concertation portant sur le contenu technique du décret a été entreprise d’octobre 2018 à mars 2019" avec l’ensemble des parties prenantes. Différents groupes de travail thématiques propres à chaque secteur d’activité et des groupes méthodologiques transversaux ont été à l’œuvre pour co-construire les bases du futur décret et d’un guide d’accompagnement.  

Panel d’actions

Les propriétaires concernés par ces efforts d’efficacité énergétique pourront, le cas échéant avec les preneurs à bail ou occupants, déployer tout le panel de leviers à disposition, c’est-à-dire non seulement réaliser des travaux mais aussi mener des actions plus simples en adaptant par exemple leurs comportements ou la maintenance des équipements. Les catégories de bâtiments ou de parties de bâtiments assujettis sont déterminés exclusivement en fonction de leur surface et du type d’activités qui y sont exercées. Il pourra donc s’agir de bâtiments publics comme de bâtiments privés, à la condition qu’ils soient "en service". Trois cas de figure - assez peu lisibles il faut l’avouer - sont retenus par le projet de texte : surface de plancher d’une activité tertiaire unique supérieure à 1.000 m² (quel que soit l’usage principal du bâtiment) ; cumul des surfaces des activités tertiaires supérieur à 1.000 m² (bâtiment à usage principalement tertiaire) ; activités sur une unité foncière sur plusieurs bâtiments (à usage principalement tertiaire) dont le cumul des surfaces est supérieur à 1.000 m². Pour rappel, l’ancien plafond de 2.000 m² excluait, selon l’étude d’impact, de fait 80% d’entre eux. 

Modulation de l’obligation

Si la définition des exemptions est "à ce stade" limitée à celles prévues dans le cadre de la Directive sur la performance énergétique des bâtiments (constructions provisoires, lieux de culte, usage opérationnel à des fins de défense, de sécurité civile et de sûreté intérieure), le projet de décret n’est pas avare en dérogations. Un principe de modulation de l’obligation est aussi prévu, pour tenir compte de "contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales relatives au bâtiment", du volume de l’activité exercée ou de coûts d’actions "manifestement disproportionnés" par rapport aux réductions de consommation attendues. La méthode d’analyse repose sur un indicateur économique, le fameux "temps de retour brut sur investissement" (TRB) sur lequel "un consensus " a été trouvé et dont les seuils, "différenciés selon le type d’action", seront précisés par arrêté. Même attente concernant la nature des justificatifs requis à l’appui de ces modulations, en particulier sur l’étude technique et énergétique établie par une personne qualifiée sous la responsabilité du propriétaire. Une seule certitude, ce dossier technique alimentera la plateforme numérique, gérée par l’Ademe, dédiée au recueil et au suivi des données de consommation d’énergie qui devrait voir le jour dés 2020, contraignant les obligés à la renseigner dans ce délai contraint. Un défaut de transmission pourrait déclencher la procédure de sanction administrative décrite dans le dernier volet du décret. C’est une des nouveautés sachant que le décret de 2017 ne prévoyait pas une telle procédure. Pour les mauvais élèves, "il sera procédé à une publication sur un site internet des services de l’État, du document retraçant les mises en demeure restées sans effet (…)". A défaut de dépôt du programme d’actions, "après une seconde mise en demeure", une sanction pécuniaire pourra être prononcée d’un montant ne dépassant pas celui d’une contravention de cinquième classe (1.500 euros pour les personnes physiques, 7.500 euros pour les personnes morales). Le cas échéant, une procédure de carence sera diligentée par le préfet, en conclusion "de non poursuite du programme d’actions". 
 

 

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