Pédiatrie et santé de l’enfant : vingt mesures pour refonder le système
Dans leur rapport issu d’une large concertation, Adrien Taquet et Christèle Gras-Le Guen appellent à sauver les services de protection maternelle et infantile (PMI) en les transformant en "maisons des 1.000 jours et de l’enfant" aux moyens considérablement renforcés. Ils plaident également pour la mise en place d’un nouveau "service de santé des élèves" et pour la création d’un statut de médecin de fonction publique revalorisé et permettant un "exercice public territorialisé".
"Ma santé, notre avenir – Investir dans la santé de l’enfant : une urgence nationale". Daté du 21 juin 2023, le rapport de l’ancien secrétaire d’État à l’enfance Adrien Taquet et de la pédiatre Christèle Gras-Le Guen n’a été remis au ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, que le 23 avril 2024 et rendu public le 29 avril. Il est issu de la démarche de concertation des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, souhaitée par l’ancien ministre François Braun fin 2022, en pleine crise des urgences pédiatriques.
Exacerbée à l’hiver 2022 par une triple épidémie (bronchiolite, grippe et Covid-19), cette crise n’était "que la face immergée de maux bien plus profonds qui affectent la santé globale de l’enfant aujourd’hui, tant en amont qu’en aval de l’hôpital", selon le rapport. Services de protection maternelle et infantile (PMI) connaissant des difficultés chroniques et "dans des situations très hétérogènes d’un territoire à l’autre", pénurie de médecins scolaires, de pédopsychiatres et d’autres spécialistes de la santé de l’enfant, "délais d’attente dans les CMP [centres médico-psychologiques] infanto-juvéniles [variant] entre 6 et 12 mois", situation aggravée pour les enfants des outre-mer, de la protection de l’enfance, pour les enfants en situation de précarité, de handicap…
Transformer les PMI pour les sauver
Face à ces "difficultés systémiques", les auteurs proposent vingt "mesures phares" pour "refonder" le système de prise en charge de la santé de l’enfant. Ils appellent notamment à "transformer les PMI pour mailler le territoire de maisons des 1.000 jours et de l’enfant". Pour fonctionner, ces maisons auraient des moyens considérablement renforcés : "2.150 médecins contre 1.700 actuellement (+ 450 ETP)", "6.300 IPDE [infirmières puéricultrices] contre 4.500 actuellement (+ 1.800 ETP)", "1.400 sages-femmes contre 1.100 actuellement (+ 300 ETP)", "un exercice pluriprofessionnel coordonné" et "une pratique plus développée de l’aller-vers". Ces "maisons des 1.000 jours" auraient également la possibilité d’effectuer "tous les vaccins". Il est proposé de financer ces nouvelles PMI "par dotation populationnelle adaptée au nombre d’enfants par territoire et à leurs indicateurs de vulnérabilité" et de les intégrer "dans le périmètre des schémas départementaux des services aux familles coprésidés par le préfet" – soit un changement de gouvernance, qui n’est pas détaillé.
Les mesures adoptées ces dernières années pour renforcer les PMI n’ont pas été suffisantes, justifient les auteurs qui appellent à "aller plus loin" pour "sauver ces acteurs majeurs de cette période de la vie des enfants et de leurs parents".
Autre proposition : la création d’un nouveau "service de santé des élèves", dédié au bien-être des enfants et des adolescents et qui impliquerait "tous les professionnels de santé du territoire sous la coordination du médecin scolaire".
Les statuts seraient également réformés, avec l’établissement d’un statut de "médecin de fonction publique commun à la santé scolaire, aux maisons des 1.000 jours et de l’enfant, aux centres de santé publics, à l’hôpital, autorisant un exercice mixte et partagé". Cet "exercice public territorialisé" serait "possiblement mixte (public/privé) et partagé (au sein des fonctions publiques)" et serait revalorisé sur la base d’une grille des salaires "ville/hôpital/prévention/médecine scolaire" harmonisée sur celle du praticien hospitalier.
Des annonces lors des Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant le 24 mai
Sans surprise, plusieurs propositions portent sur les moyens : "créer un choc d’attractivité" des métiers par des revalorisations reconnaissant le "caractère chronophage de la médecine de l’enfant", "augmenter la quantité et la qualité de temps médical disponible", "sanctuariser le nombre de lits de réanimation pédiatrique et néonatale", "renforcer les capacités en pédopsychiatrie", etc.
D’autres recommandations ont trait à la santé environnementale ("Faire des écoles des 'bulles vertes' pour les enfants" avec un soutien financier et en ingénierie aux collectivités locales), aux écrans (inscription dans la loi de l’interdiction des écrans avant trois ans), au sommeil ou encore à la nécessité de "lutter contre les pertes de chance qui touchent les enfants ayant des besoins particuliers (maladies chroniques, précarité, handicap, maltraitances) et les enfants des outre-mer". Il est également proposé d’instaurer un bilan de santé mentale à l’entrée au collège et de revaloriser le forfait "MonPsy".
Les Assises de la pédiatrie et la santé de l’enfant "se tiendront à Paris le 24 mai 2024", indique le ministère de la Santé, qui promet l’annonce "de nombreuses mesures" à cette occasion.