Pauvreté : "une nouvelle dégradation en 2024" sur l’énergie et le logement, selon le Secours populaire

La diminution de l’inflation ne se traduit pas encore par une amélioration de la situation sociale des Français, selon les résultats du dernier baromètre de la pauvreté et de la précarité Ipsos/Secours populaire français rendu public ce 12 septembre. Le Secours populaire met l’accent sur l’aggravation des difficultés des plus modestes, en particulier dans les communes rurales. 

"On observe une nouvelle dégradation en 2024 sur de nombreux postes budgétaires essentiels tels que l’énergie, le logement ou l’accès à une mutuelle santé", alerte le Secours populaire, sur la base de cette enquête conduite en mai 2024 auprès de 996 personnes représentatives de la population française âgée de 16 ans et plus. 

Aggravation des difficultés financières des personnes aux revenus modestes 

La part des répondants déclarant rencontrer des difficultés à payer les dépenses d'énergie (électricité, chauffage...) s’est ainsi élevée à 47% (dont 19% "beaucoup de difficultés") : "un nouveau record" (+2 points par rapport à 2023). Aggravation également des difficultés à payer le loyer ou l’emprunt (38%, après 34% en 2023), à "partir en vacances au moins une fois par an" (48%, +2 points), à pratiquer une activité sportive ou de loisirs (35%, +3 points), à prendre soin de son apparence physique (31%, +2 points) et à disposer d’une mutuelle santé (29%, +3 points). 

Dans les autres domaines, les difficultés perçues stagnent (39% sur les frais de transport) ou diminuent (43% après 45% en 2023 sur le fait de "payer certains actes médicaux mal remboursés par la sécurité sociale", 45% après 46% sur les dépenses liées aux enfants, 38% après 43% sur le fait de "consommer des fruits et légumes frais tous les jours", 30% après 32% sur le fait d’avoir une alimentation saine et 3 repas par jour et 33% après 35% sur le fait de disposer d’équipements numériques fonctionnels et de payer les abonnements internet et téléphonie). 

Dans la plupart des domaines, les difficultés perçues s’aggravent nettement en 2024 pour les personnes dont les revenus du foyer sont inférieurs à 1.200 euros par mois : 69% sur les dépenses d’énergie et 70% sur les vacances (+5% sur ces deux postes par rapport à 2023), 71% sur les frais de transports (+10%), 64% sur les loyers ou l’emprunt (+5 points) ou encore 61% sur les trois repas par jour (+4 points). Les seules légères améliorations concernent les difficultés sur les actes médicaux mal remboursés (62%, -1%), les fruits et légumes frais (65%, -2%) et les équipements et abonnements liés au numérique et à la téléphone (60%, -1%). 

Vacances, logement, alimentation : des difficultés plus marquées dans les territoires ruraux 

Les habitants des territoires ruraux se distinguent également par des difficultés perçues plus importantes que le reste de la population dans plusieurs domaines : l’accès aux vacances (57% rencontrent des difficultés contre 44% dans les grandes métropoles), le paiement du loyer ou de l’emprunt (44% contre 33%), les équipements et abonnements liés au numérique et à la téléphonie (40% contre 29%), la consommation de fruits et légumes frais (47% contre 35%) et les trois repas par jour (36% contre 23%). 

Le Secours populaire estime que ces résultats contrastés témoignent "d’une aggravation des inégalités d’accès aux besoins essentiels", notamment "entre habitants des grandes villes, globalement plus aisés, et des petites communes rurales, où les catégories populaires sont très représentées". L’association accompagne les résultats de son baromètre d’un reportage intitulé "les oubliés du Vexin", présentant l’action hebdomadaire d’une antenne mobile à Magny-en-Vexin. "Il y a deux ans, une quinzaine de familles venaient retrouver [les bénévoles du Solidaribus]. Désormais, dans cette périphérie rurale du Val-d’Oise, elles sont une centaine", est-il illustré. "Femmes isolées avec enfant, actifs en recherche d’emploi, travailleurs handicapés, jeunes et célibataires aux petits boulots à temps partiel, des retraités ‘aux revenus au ras des pâquerettes’" : les profils sont variés. Le reportage mentionne des situations de surendettement, des personnes en incapacité de travailler après avoir exercé des emplois ouvriers ou d’aides à domicile ou encore les difficultés de transport qui limitent le périmètre des emplois que l’on peut exercer. 

Le "seuil de pauvreté subjectif" atteint le niveau du Smic 

Le baromètre renseigne enfin sur la perception de la pauvreté, avec un "seuil de pauvreté subjectif" qui "continue d’augmenter", même si cette hausse est "plus faible cette année, dans un contexte de baisse de l’inflation". Ce seuil de pauvreté subjectif s’élève à 1.396 euros (+19 euros par rapport à 2023), soit quasiment le niveau du Smic (1.398 euros pour 35 heures). Il est rappelé que, selon le seuil de pauvreté de l’Insee à 1.158 euros (60% du revenu médian), 9,1 millions de personnes sont pauvres en France. 

La part des personnes déclarant "avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître" augmente également de 4 points par rapport à 2023 : 62% des répondants (dont 40% qui déclarent "avoir connu" cette situation). Cette proportion atteint 80% parmi les répondants ouvriers et 69% parmi les répondants habitant dans une commune rurale. Enfin, les risques que leurs enfants "connaissent un jour une situation de pauvreté" sont jugés plus élevés qu’à leur génération par 79% des répondants (dont 40% estimant que ces risques sont "beaucoup plus élevés"), traduisant selon le Secours populaire "un manque de confiance dans le futur au vu de la calcification continue des processus de reproduction des inégalités".