Pauvreté : quel est l'impact de la redistribution ?

Si le taux de pauvreté n’a pas diminué en 2022, il n’a pas non plus augmenté. Dans trois publications récentes, l’Insee et la Drees analysent l’évolution du niveau de vie médian et des inégalités, du taux de pauvreté et de privation sociale et matérielle et les effets des mécanismes de redistribution et des mesures anti-inflation sur la situation des plus modestes. 

L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees, ministères sociaux) ont récemment publié de nouvelles données sur l’évolution du niveau de vie, de la pauvreté et des inégalités et sur l’impact de la redistribution.

En 2022, le niveau de vie médian annuel s’est élevé à 24.330 euros, selon l’Insee. Ce niveau de vie médian en euros constants s’est stabilisé, "dans un contexte de forte hausse de l’inflation (+5,2% en 2022 en moyenne annuelle, après +1,6% en 2021) et de recul du chômage". L’impact de l’inflation sur le niveau de vie a été contrebalancé "par l’amélioration de l’emploi salarié, par les revalorisations successives du salaire minimum (+0,9% en janvier 2022, +2,6% en mai et +2,0% en août) et par les mesures prises dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat", observe l’Insee, qui rappelle le détail de ces mesures dans sa publication. 

Stabilisation du taux de pauvreté et de privation "à un niveau élevé"

Du fait de certaines mesures de soutien, "le niveau de vie des ménages les plus modestes augmente très légèrement en 2022, après la forte baisse de 2021", indique encore l’Insee. Cette légère amélioration ne suffit toutefois pas à faire baisser le taux de pauvreté qui "se stabilise à un niveau relativement élevé" : 14,4% de la population de France métropolitaine était sous le seuil de pauvreté (de 60% du niveau de vie médian) en 2022. Il s’agit selon l’Insee d’un taux "globalement stable depuis 2018 (excepté en 2020, année qui présente des fragilités compte tenu des difficultés de production)". Le niveau des inégalités se stabilise aussi à un niveau considéré comme élevé (après une forte augmentation en 2021), "pour deux des trois indicateurs suivis". 

L’Insee met également l’accent sur la "privation matérielle et sociale", qui également "se stabilise à un niveau élevé". Le taux de privation (renvoyant aux "personnes ne pouvant pas couvrir les dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie courante parmi treize") s’élevait à 13,6% début 2023 en France, à 13,1% en France métropolitaine. Malgré les aides mises en place, deux types de privation avaient "fortement" augmenté début 2023 : ne pas pouvoir "manger un repas avec des protéines tous les deux jours" (+3 points) de ne pas pouvoir "chauffer suffisamment son logement" (+2 points). D’autres privations sont stables (une personne sur quatre déclare ne pas pouvoir partir une semaine en vacances) et certaines diminuent (personnes déclarant des impayés). 

Si l’écart se réduit, les territoires ruraux sont moins concernés (9 à 12% des personnes se déclarant en situation de privation) que les territoires urbains (14 à 15%).   

Le nombre de personnes pauvres réduit d’un tiers par la redistribution 

Sur l’année 2021, une étude de la Drees porte enfin sur l’impact de la redistribution sur le niveau de vie. "14,5% de la population métropolitaine est pauvre, contre 21,4% (soit 13,5 millions de personnes) qui le serait si ces prestations et les impôts directs n'existaient pas", soit une diminution d’un tiers, estime la Drees. La redistribution renvoie ici à la "fiscalité directe" (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG, CRDS) et aux "prestations sociales non contributives" (minima sociaux, aides au logement, prestations familiales, prime d’activité, principalement). "Les prestations sociales non contributives représentent 38% du revenu disponible des ménages pauvres", selon la Drees. L’effet le plus marqué porte sur les familles monoparentales : "-20,3 points pour celles avec au moins 2 enfants". 

Logiquement, la redistribution "réduit nettement les inégalités" : en 2021, "le rapport entre le niveau de vie total des 20% des individus les plus aisés et celui des 20% les plus modestes passe grâce à la redistribution de 8,2 à 4,5".