Une adolescence précaire multiplie le risque de pauvreté à l'âge adulte

C'est ce que confirme et mesure une étude de France Stratégie intitulée "La vie devant soi : adolescence précaire, avenir incertain ?" publiée ce 22 juillet.

Les personnes ayant vécu dans une situation de précarité à l'adolescence ont davantage de risque d'être pauvres une fois devenues adultes. Ce fait ne surprendra guère. Une étude publiée lundi 22 juillet par France Stratégie vient en tout cas mesurer "le poids de la transmission de la pauvreté" en France et, tout en s'appuyant sur les nombreux travaux existants, proposer "un nouvel éclairage" afin de comprendre "dans quelle mesure faire face à une situation de précarité durant cette période [de l'adolescence] aff­ecte les parcours de vie, et par quels canaux cette précarité peut se transmettre jusqu’à l’âge adulte". Ceci en établissant un indicateur des conditions de vie de l'adolescent (centré sur les restrictions en matière de besoins nutritifs, scolaires et culturels) et en le reliant pour l'âge adulte à l'indicateur désormais traditionnel de "pauvreté en conditions de vie".

Parmi les anciens adolescents précaires, presque un sur quatre est pauvre une fois adulte, contre environ un sur dix chez les ex-ados non précaires, soit un risque de pauvreté 2,25 fois plus élevé, d'après cette étude réalisée sur un échantillon de quelque 5.500 adultes âgés de 30 à 54 ans.

À environnement familial comparable à l'adolescence (niveau de diplôme des parents, origine migratoire, type de ménage, etc.), le risque de pauvreté reste 1,6 fois plus élevé. Avec un risque encore plus important pour les femmes (1,9 fois par rapport à une femme non précaire à l'adolescence) que pour les hommes (1,2).

L'étude souligne néanmoins que "si près d'un ancien adolescent précaire sur trois a un niveau de vie parmi les 20% les plus faibles à l'âge adulte, 30% se situent parmi les 40% les plus aisés", témoignant ainsi d'une diversité des parcours, avec une possibilité d'ascension sociale.

Quelque 13% des adultes de l'échantillon étaient en situation de précarité à l'adolescence, une situation liée au fait de subir au moins deux critères sur les quatre suivants : un sentiment de précarité financière, une incapacité à partir en vacances au moins une semaine par an, un manque quotidien de protéines et un manque de matériel scolaire. Ces adolescents vivaient dans des environnements beaucoup moins favorables : mère souvent inactive, ménage monoparental, un parent absent ou décédé, famille nombreuse. Des écarts importants sont aussi liés au fait d'avoir au moins un parent diplômé du supérieur (près de sept fois moins fréquent), d'avoir deux parents immigrés (plus de deux fois plus fréquent), ou d'être né à l'étranger. Liés, aussi, au "lieu de vie" défini par le "degré d'urbanisation", de la grande ville au village. Ainsi, selon France Stratégie, "les trois facteurs liés à l’environnement qui jouent le plus fortement sur la probabilité d’être pauvre à l’âge adulte sont le fait d’avoir des parents avec un faible niveau de diplôme, de ne pas être né en France, et le fait de vivre dans une petite ville ou un village".

La reproduction de la pauvreté s'explique notamment par les parcours éducatifs : près d'un ancien adolescent précaire sur quatre n'a obtenu que le brevet ou moins, contre un sur dix pour les autres. Ils sont également deux fois moins nombreux à être diplômés du supérieur. Plus de six anciens adolescents précaires sur dix sont aujourd'hui employés ou ouvriers, contre environ quatre sur dix chez les autres. Ils vivent plus souvent dans des ménages associés à un risque accru de pauvreté (ménage monoparental, famille nombreuse) et sont deux fois plus nombreux à vivre dans un logement surpeuplé. "Chez les femmes, la reproduction de la pauvreté s’explique aussi par des différences de configurations familiales à l’âge adulte. Les anciennes adolescentes précaires ont ainsi, à environnement familial comparable à l'adolescence, 1,4 fois plus de risque de vivre à l’âge adulte dans un ménage monoparental", ajoute la note.

"Effectivement, on a malheureusement au quotidien de nouvelles familles ou d'anciens jeunes qui arrivent, issus de familles qu'on avait aidées par le passé", confirme auprès de l'AFP Jean Stellittano, secrétaire national du Secours populaire français. "La pauvreté entretient la pauvreté, de génération en génération". Et celui-ci d'évoquer les études que l'on est parfois obligé d'arrêter faute de moyens : "Dans nos antennes étudiantes, on observe des décrochages, parce que les jeunes sont obligés de travailler, pas seulement pour financer leurs études mais aussi pour subvenir aux besoins de la famille. Et au bout d'un moment, il y a échec scolaire et ils abandonnent".

 

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