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Pauvreté : le "plan" prévu pour la mi-octobre sera-t-il à la hauteur ?

Les associations de lutte contre la pauvreté ont rencontré Jean Castex. Elles espéraient l'annonce de nouvelles mesures en faveur des plus démunis. Il faudra en fait attendre le 17 octobre. Selon elles, il y a urgence. Entre autres sur la revalorisation des minima sociaux. Le Premier ministre pourrait proposer d'amender le PLF et le PLFSS, et de "réorienter" certaines lignes du plan de relance.

Les associations de lutte contre la pauvreté étaient reçues vendredi 2 octobre à Matignon. Si elles ont salué la tenue de cette "première rencontre" et l'écoute attentive du Premier ministre, ce rendez-vous n'a guère permis de lever leurs inquiétudes. Or celles-ci sont plus fortes que jamais. "Nous sommes extrêmement inquiets, très impatients, en colère aussi", a résumé Christophe Devys, président du collectif Alerte (35 fédérations et associations nationales de solidarité), lors d'une conférence de presse organisée dans la foulée. Les acteurs associatifs comptaient en effet sur "des réponses"… et ne les ont pas eues. Le chef gouvernement attendait quant à lui de ce rendez-vous "des remontées du terrain" pour ensuite "ajuster des mesures" devant faire partie d'un "acte 2" de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, explique Matignon. Les réponses ou annonces, ce sera dans une petite quinzaine de jours, en principe le 17 octobre. Jean Castex présentera ce jour-là un "plan d'action".

Ce premier rendez-vous, qui a duré près de deux heures, réunissait autour du Premier ministre deux membres du gouvernement - Olivier Véran et Brigitte Klinckert -, la déléguée interministérielle Martine Jeantet et des représentants des grandes associations de lutte contre la pauvreté : Samu social, ATD Quart Monde, Médecins du monde, Emmaüs, fondation Abbé-Pierre, Secours populaire.

"Inverser le cours des choses, sinon c'est foutu"

Rappelant que les associations avaient "beaucoup travaillé" en amont et en aval de la présentation en 2018 de la stratégie pauvreté, Christophe Devys parle de "déception" quant au bilan qui peut en être fait deux ans plus tard. Les mesures prises depuis par le gouvernement sont pour la plupart jugées "modestes". Et d'autres n'en sont qu'au stade de l'expérimentation (sur le service unique de l'insertion notamment) voire d'un futur hypothétique (tel le revenu universel d'activité, RUA, pour lequel "les travaux n'ont toujours pas repris"…).

Or il y a désormais urgence. La crise sanitaire est passée par là et tous les voyants sont au rouge. Christophe Devys cite par exemple "l'explosion du recours aux aides alimentaires" pendant le confinement. Pendant… et après, puisque ce recours "repart à la hausse aujourd'hui". "Toutes les associations le ressentent : si rien n'est fait, un grand nombre de personnes vont passer de la précarité à la pauvreté", prévient-il.

Au cœur de la crise au printemps dernier, un travail entre associations et services de l'État s'est utilement mis en place, témoignent-elles. Celles-ci ont alors supposé que le plan de relance comprendrait un important volet social. Or le plan est pour elles "une vraie déception". Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, complète : "Il y a eu des efforts très conséquents de l'État, nous les avons salués. Il ne s'agit pas de remettre en cause ce qui a été fait. Mais toute une partie de la population est toujours en dehors de tout cela. Et ces personnes-là se sont enfoncée encore davantage. Il faut maintenant inverser le cours des choses, sinon c'est foutu."

"Que le RSA soit donné sans aucune contrepartie"

Première des demandes formulées par les acteurs associatifs auprès de Jean Castex : la revalorisation des minima sociaux. "On ne peut pas vivre dignement avec le RSA aujourd'hui", commente Christophe Devys. La demande n'est pas nouvelle. Et vaut aussi pour l'AAH. Tout comme pour l'Aspa (minimum vieillesse), souligne Alain Villez, le président de Petits Frères des pauvres, attirant l'attention sur les personnes âgées les plus pauvres et sur leur isolement social actuel.

Ils attendent aussi une extension du RSA ou RUA aux jeunes. "Certes il y a le plan jeunes. Mais un grand nombre de jeunes vont rester à côté", craignent-ils. Ils considèrent que même si le RUA devait ne pas être mis en place (ils pressentent son "probable enterrement"…), des mesures peuvent être prises dans le cadre actuel du RSA : extension aux jeunes donc, mais aussi "continuité des droits, automaticité"… "Il faut que le RSA soit donné sans aucune contrepartie, en tout cas actuellement", insiste Véronique Fayet, présidente du Secours catholique. Autrement dit, hors de question de priver quelqu'un de RSA en ce moment simplement parce qu'il n'aurait par exemple "pas répondu à une convocation", illustre-t-elle.

"Nous appelons aussi à un fonds exceptionnel pour aider au paiement des loyers et charges", ajoute Christophe Robert évoquant, malgré les vertus des mesures prises sur l'hébergement d'urgence, les "3.000 personnes qui appellent chaque jour le 115".

La situation des migrants a par ailleurs été évoquée. Et fera quant à elle l'objet d'un rendez-vous spécifique avec le ministre de l'Intérieur le 20 ou le 21 octobre. Il a été accordé aux associations qu'Olivier Véran y participe.

"Le Premier ministre dit que la crise est encore devant nous", selon Véronique Fayet. Jean Castex se serait montré attentif aux propos des associations et serait disposé à amender le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour y inscrire de nouvelles mesures. Et à "réorienter" certains volets du plan de relance. De telles "inflexions" sont indispensables, juge Patrick Doutreligne, le président de l'Uniopss. "La dernière chance, c'est dans quinze jours", tranche Christophe Robert.