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Maires de banlieue : une feuille de route pour que l'avenir des quartiers redevienne prioritaire

L'association Ville & Banlieue a élu mercredi son nouveau président : Thierry Falconnet, maire de Chenôve. Et a adopté une feuille de route pour le mandat municipal qui débute - un ensemble de propositions et revendications, pour la plupart adressées à l'Etat, sur tous les sujets jugés cruciaux pour l'avenir des quartiers politique de la ville : éducation, associations, logement et renouvellement urbain, emploi, sécurité... Les maires auront l'occasion de les aborder dès le 24 septembre avec Nadia Hai, la ministre déléguée chargée de la ville.

Nouveau président, nouveau bureau, nouvelle feuille de route… et beaucoup de choses à dire en ce début de mandat municipal, à l'heure du plan de relance et à l'approche de la présentation du projet de loi de finances. Une vraie rentrée, en somme, pour l'Association des maires Ville & Banlieue de France (AMVBF). C'est Thierry Falconnet, maire PS de Chenôve (Dijon-Métropole), que l'association a élu à sa présidence ce mercredi 16 septembre à Paris lors de son assemblée générale. Thierry Falconnet succède à Marc Vuillemot, ancien maire de la Seyne-sur-Mer. Autour de lui, une 1e vice-présidente, Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-les-Vignes, et trois autres vice-présidents : Yasmine Boudjenah (1e adjointe PCF au maire Bagneux), Driss Ettazaoui (vice-président Modem de l'agglo Évreux Portes de Normandie) et Hélène Geoffroy (maire PS de Vaulx-en-Velin, ancienne secrétaire d'Etat chargée de la ville). Gilles Leproust, maire PCF d'Allonnes (Sarthe), reste secrétaire général.

Ville & Banlieue rassemble une soixantaine de communes et intercos. Mais entend porter la voix des quelque 859 communes comptant un ou des quartiers politique de la ville (QPV). Soit plus de 1.500 quartiers. Et pas moins de 6 millions d'habitants. Elle a à ce titre de nombreux "combats" à mener, prévient Thierry Falconnet. Le premier de ces combats : "Nous revendiquons des moyens à la hauteur des besoins sociaux de nos populations". Des populations "plus pauvres qu'ailleurs". Et souvent plus pauvres encore depuis que la crise sanitaire a soufflé. L'association demande d'ailleurs aujourd'hui au gouvernement "la compensation intégrale des frais engagés" par ces communes durant la crise – autrement dit des surcoûts liés à la crise. Un seul exemple : "Nous avons tous dû augmenter notre soutien aux associations de solidarité", notamment pour l'aide alimentaire, témoigne Gilles Leproust. Ou encore : "Nous avons envoyé une centaine d'enfants de plus que d'habitude en colonies de vacances cet été, or nous ne savons toujours pas combien nous allons toucher…".

Pour une "dotation de surcharge scolaire"

Le premier axe des "propositions" ou revendications de Ville & Banlieue concerne d'ailleurs l'éducation et l'accès à l'éducation populaire, aux loisirs… Elle souhaite notamment la création d'une "dotation de surcharge scolaire", là encore pour compenser les surcoûts inhérents aux QPV (démographie scolaire plus importante que sur les autres territoires, dédoublement des classes, etc.). Ce "geste de l'Etat" devra être "déconnecté des crédits des cités éducatives", précise Thierry Falconnet, sachant qu'on ne compte que 89 cités éducatives. Alors que l'on ne sait que très peu de choses de la réforme annoncée de la géographie de l'éducation prioritaire, Ville & Banlieue y sera évidemment "très attentive" et espère que les maires seront "associés localement" à ce qui devra relever d'un travail de dentelle. Car dans ce domaine, "dès qu'on bouge une ligne, cela peut avoir des conséquences importantes".

Il s'agirait aussi de doter les associations culturelles et sportives de ces quartiers de "subventions exceptionnelles" liés à l'utilité sociale de leurs activités. On sait que la ministre de la ville, Nadia Hai, a annoncé le 10 septembre la mobilisation de 20 millions d’euros à destination des associations de proximité à travers le fonds d’urgence "Quartiers Solidaires". "20 millions pour toutes les associations sportives et culturelles de France ?"… Le faible montant laisse Thierry Falconnet sceptique.  Ville & Banlieue réitère en outre un vœu récurrent : rétablir les emplois aidés pour les associations… mais aussi pour les communes en tant qu'employeurs.

Une Anru "plus agile"

Côté logement, comment donner accès à "un logement digne et adapté aux besoins" (composition familiale, ressources, âge) ? Parmi les leviers : une aide à la rénovation des copropriétés dégradées, une pleine application de la loi SRU… sans oublier la transition écologique et énergétique, Ville & Banlieue demandant à ce titre que 15% des 35 milliards d'euros qui y sont dédiés dans le plan de relance soient "fléchés vers les quartiers". Soit 4 milliards.

Un "effort" supplémentaire est de même naturellement attendu sur le renouvellement urbain. Ville & Banlieue appuie ainsi une demande de l'Union sociale pour l'habitat (USH) : que 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires soient "injectés dans la rénovation et la construction". En les "ventilant" entre parc HLM, parc privé, équipements et espaces publics. "La rénovation urbaine, cela concerne aussi les bâtiments publics", souligne Thierry Falconnet. Plus globalement, le nouveau président plaide pour une Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) "beaucoup plus agile dans la mise en œuvre du PNRU2" et pour la possibilité de "retravailler nos projets" (clause de revoyure).

Le fait que logement et ville se situent maintenant dans deux ministères différents (Emmanuelle Wargon chargée du logement côté Transition écologique d'une part, Nadia Hai chargée de la ville côté Cohésion des territoires d'autre part), avec du coup une double tutelle sur l'Anru, ne risque-t-il pas de compliquer le travail ? "Effectivement cela ne va pas nous aider, les choses sont intimement liées, notre première interlocutrice sera bien Nadia Hai", répond Thierry Falconnet, sachant que son association plaidait pour que ce portefeuille dépende directement de Matignon. Ville & Banlieue juge que le dialogue avec l'ancien ministre Julien Denormandie (logement et ville…) avait été plutôt fructueux. Ainsi, au cœur de la crise sanitaire, l'idée d'une allocation spéciale pour les familles les plus précaires, portée par Marc Villemot, avait pu se concrétiser. Tout comme les alertes de Ville & Banlieue sur la nécessité de prévoir des dispositifs spécifiques pour l'été (vacances apprenantes, Quartiers d'été…) avait été entendu par le gouvernement.

Les représentants de Ville & Banlieue ont d'ailleurs rendez-vous avec Nadia Hai la semaine prochaine, le 24 septembre. Mais ont aussi demandé à rencontrer Jean Castex.

"Le FIPD, aujourd'hui, c'est one shot"

Sur le terrain de l'emploi, outre le redéploiement des emplois aidés, les maires souhaiteraient une généralisation du dispositif Territoires Zéro Chômeur à tous les QPV, au moins les QPV d'intérêt national. Autre mesure proposée : des clauses d'insertion obligatoires dans tous les marchés publics… et pour toutes les entreprises qui bénéficieront des dispositifs du plan de relance.

Le maire de Chenôve, dont la ville a été le théâtre de "six mois de violences urbaines" l'an dernier, accompagnées de destructions d'équipements publics, n'a bien-sûr pas éludé l'enjeu de la sécurité et de la "tranquillité publique". "Nous avons tous des problèmes, ces questions ne sont l'apanage de personne ; au-delà de nos divergences politiques, nous avons tous le même sentiment", juge-t-il. Certes, des nuances s'expriment, par exemple sur les polices municipales. Tous souhaitent en tout cas des moyens supplémentaires pour la police, la justice, la prévention spécialisée… En exigeant que les départements ou les EPCI consacrent une partie de leur budget à cette prévention spécialisée. Les quartiers de reconquête républicaine ? "Les QRR sont intéressants, mais ils sont si peu nombreux", regrette Hélène Geoffroy. Ils demandent aussi une "pérennisation" des fonds du FIPD (fonds de interministériel de prévention de la délinquance). "Le FIPD, aujourd'hui, c'est one shot" et "nous dépendons trop de la bonne volonté du préfet", explique Thierry Falconnet.

Quels que soient les sujets, les moyens d'action manquent. De quoi inciter Ville & Banlieue à exhumer certaines des idées du "plan Borloo" qui n'a jamais vraiment vu le jour. Dont celle d'une "Cour d'équité territoriale" qui, sous la houlette de la Cour des comptes, veillerait à "la mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des politiques publiques sur les territoires carencés". "Nos territoires sont vulnérables, sont frappés par les inégalités, or aujourd'hui les collectivités n'ont pas les moyens d'interpeller l'Etat", insiste son président.

Parmi les propositions purement financières, les maires de banlieues prônent notamment une fusion de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation politique de la ville (DPV), ainsi qu'une contractualisation avec l'Etat sur les ressources pour toute la durée du mandat municipal. Tout en espérant un plus fort investissement des autres niveaux de collectivités sur la politique de la ville… ce champ des politiques publiques qui, jugent certains des maires, semble aujourd'hui très peu "prioritaire" dans l'agenda de l'exécutif.

 

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