Patrick Appéré (Andes) : "On est au rendez-vous olympique, mais…"
Alors que l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) tient son congrès à Marseille ces 2 et 3 mai, son président, Patrick Appéré, revient pour Localtis sur l'actualité des politiques sportives. S'il loue l'effort budgétaire en faveur des équipements, il estime qu'il est encore insuffisant pour faire face à la demande des Français en cette année olympique où le sport est Grande Cause nationale.
Localtis - Lors de votre congrès 2023, à Pau, vous réclamiez une impulsion forte de l'État en faveur des équipements sportifs. Depuis, le plan 5.000 équipements s'est élargi aux équipements structurants et les moyens de l'Agence nationale du sport ont crû de façon importante. Cela correspond-il à vos attentes ?
Patrick Appéré - Les budgets mis en place sont très importants. Au vu de la période, on ne va pas s'en plaindre. Mais cela tourne autour des Jeux olympiques et du plan 5.000 équipements. La vraie question qui est posée est celle des équipements structurants. Il y a eu un peu plus de sous, mais nous sommes extrêmement loin de ce qu'il faudrait faire. L'effet levier n'est pas suffisant pour entraîner les collectivités. D'un côté, le président de la République annonce, et cela nous fait chaud au cœur, que le sport est désigné Grande Cause nationale 2024, de l'autre, on nous dit au printemps qu'il faut faire des économies, alors même que nous accueillons les Jeux olympiques. On a retiré 50 millions d'euros au budget des sports. C'est un mauvais signal, même si le ministère a fait en sorte que ce soit le moins douloureux possible. Ensuite, on a des déclarations de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, qui annonce encore des économies. Chez les maires que je rencontre, on craint que les budgets des collectivités ne soient touchés. Car quand cela arrive, les municipalités vont à l'essentiel, elles s'occupent des écoles et le sport ne vient qu'après. Nous continuons de dire que la France doit être un grand pays sportif mais cela nécessite un véritable engagement à travers un plan Marshall pour les équipements. On ne voit pas pourquoi on n'aurait pas, comme d'autres, 1% du budget réservé au sport, contre 0,18% actuellement.
Les Jeux olympiques seront le point d'orgue de cette année 2024. Comment les élus locaux les ont-ils préparés ?
Les adjoints aux sports ont été d'extraordinaires ambassadeurs, les communes ont beaucoup travaillé sur ce sujet, les départements ont bossé sur le parcours de la Flamme. Il faut apprécier l'instant. Avoir les Jeux olympiques en France, c'est formidable. On est au rendez-vous, mais pour autant la ministre des Sports vient d'envoyer un courrier aux fédérations, car il y aura probablement un afflux de 20% des demandes d'inscriptions dans les clubs à l'issue des Jeux. Elle leur demande de préparer un grand projet pour y faire face, comme si nous n'y avions jamais réfléchi. Cette question est évidemment traitée à chaque fois qu'il y a de grandes compétitions.
Cet afflux dans les clubs est récurrent après une grande compétition et sera amplifiée cette année avec des Jeux à la maison. Récemment, la Fédération française de basketball disait avoir refusé 180.000 licenciés l'an passé faute d'éducateurs, tandis que la fédération de handball en a refusé 100.000. Travaillez-vous sur cette question parallèlement à celle portant sur les équipements ?
Bien sûr, cela pose les deux questions. Nous avons à traiter celle des équipements, en mauvais état et vieillissants, on y travaille déjà. Reste à savoir si on peut trouver des accords avec l'Éducation nationale pour améliorer l'utilisation des créneaux. Mais dans tous les cas, c'est fait depuis très longtemps. Les créneaux dans les équipements sportifs, c'est comme du Tétris ! Tout est réparti. Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a pas de marges de manœuvre, mais elles sont modestes. Et quand on discute avec les clubs, l'autre blocage, c'est effectivement la question de l'encadrement. On me dit : "Patrick, j'ai cinq cents licenciés, mais je ne peux pas en prendre six cents, je n'ai pas l'encadrement pour." Les deux questions se posent donc en même temps. Il faut des équipements de qualité et des emplois de qualité dans le sport, mais on n'y est pas, ni sur l'un ni sur l'autre.
À travers votre congrès 2024, vous souhaitez délivrer un message pour "plus d'Andes et plus de travail commun avec d'autres". Actuellement, ce travail en commun se fait notamment à travers les instances décentralisées de l'Agence nationale du sport. Comment la gouvernance du sport, revue depuis 2019, évolue-t-elle à vos yeux ?
On a revisité la gouvernance du sport, mais cela reste une question mal établie. Du côté descendant et de l'ANS, ça marche plutôt bien. Du côté des conférences régionales et des conférences des financeurs, il faut avouer que ça pédale un peu dans la choucroute. On a ajouté les entreprises à la gouvernance mais elles ne mettent pas de moyens. Le financement des équipements repose à 80% sur les collectivités. La question posée est aussi de savoir comment, au regard des propositions et des besoins d'équipements sur un territoire, on met quatre étoiles à tel projet et trois étoiles à un autre. Mais ça, on ne le fait pas, ça reste aux mains des préfets. C'est un système qui reste à parfaire. On ne peut pas dire que les élus ou les acteurs du sport soient contents. Il y a une frustration.
En janvier, une note d'orientation de l'ANS prenait acte des retards de la nouvelle gouvernance territoriale du sport et déplorait que certains membres des conférences régionales n'y siègent pas régulièrement. De leur côté, les élus jouent-ils le jeu ?
Oui, je le pense. Mais dès le début, à côté de l'état des lieux de chaque territoire qu'on nous a demandé de faire, j'avais suggéré que soit repéré dans les territoires ce qui allait se réaliser, notamment après les élections, de façon à tout mettre sur une carte pour regarder ce qui était bien ou non, ce qu'il faudrait financer. On n'a pas fait ce travail, on n'a pas évolué. Et en tout état de cause, la conversation n'existe pas, nous continuons à participer à des réunions dominées par l'État. Il y a besoin d'un peu plus d'oxygène, de laisser remonter les propositions des territoires au niveau national.
Un point positif tout de même : le 23 avril, lors du comité interministériel de la transformation publique, Gabriel Attal a annoncé la fin, dès 2024, de l’obligation de vidange annuelle des piscines. C'était un vieux combat de l'Andes…
Joli, magnifique ! Quelle belle victoire ! La question des vidanges est traitée définitivement, après qu'on s'est beaucoup bagarré. Dans tous les cas, on reste sur une obligation de résultats. L'eau doit de toute façon être traitée et de grande qualité. Quand des vidanges seront nécessaires, on les fera, car il ne s'agit pas d'une annulation. On est très fiers de ce résultat qui montre que, groupés, en étant dans une posture constructive de propositions, nous parvenons à bien travailler avec l'ensemble des acteurs. Cela fait plaisir.
Comment voyez-vous l'avenir des politiques publiques du sport en France ?
Certains me disent : "Tu veux 1% pour le sport, mais il n'y a plus d'argent public, c'est cuit. Il faut trouver de l'argent privé." Mais si les entreprises mettent plus d'argent, elles en assumeront la gouvernance. On ne sera plus sur le service public local du sport, essentiel pour le développement global de notre société. Je m'inquiète, on pourrait très bien demain avoir des services des sports qui ne s'occupent que des personnes en difficulté. Et les autres, ceux qui ont les moyens, iraient dans des salles de sport dont les entreprises s'occuperaient. J'ai eu la chance de rencontrer des présidents de fédération sportive à l'international. Ils me parlaient souvent de la chance d'avoir en France un service public du sport qu'ils avaient perdu chez eux. La question se pose de savoir si on va le conserver…