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Patrick Appéré (Andes) : "Il faut un plan Marshall des équipements sportifs structurants locaux"

Conséquences de la crise sanitaire, déploiement du Pass'Sport, mise en place de la nouvelle gouvernance du sport, financements des équipements : l'actualité des politiques sportives est plus dense que jamais. Élu à la présidence de l'Association nationale des élus en charge du sport(Andes) en juin dernier, Patrick Appéré, adjoint au maire de Brest chargé des sports, fait le point pour Localtis.

Localtis - Comment se porte le sport dans les collectivités en cette fin d'année 2021 ?
Patrick Appéré -
 Je trouve que le sport reste convalescent. Dans le cadre de la crise sanitaire, la plupart des équipements sportifs étant fermés, nos services des sports ont été très sollicités. On a eu besoin d'eux partout, pour faire de l'animation dans les écoles notamment. Et quand les gymnases ont rouvert, la reprise de nos équipes de collaborateurs a pu être complexe car elles étaient devenues indispensables là où elles avaient été affectées. Actuellement, la reprise sportive est plutôt forte. Le sport a retrouvé sa place mais plusieurs facteurs ont pu limiter son rattrapage au niveau de 2019. Dans certains territoires carencés, on a constaté quelques difficultés à redémarrer les activités faute de bénévoles encadrants. En matière de sport de haut niveau, la fréquentation des stades et des salles a rapidement progressé, avec un vrai plaisir de se retrouver et de partager le spectacle du sport. La crise du Covid a agi comme un révélateur et fait la démonstration que le sport joue un rôle essentiel dans la vie de nos concitoyens. Le sport devient un fait social majeur et cela nécessite une attention renforcée de tous les acteurs du sport, et en particulier de l'État, en matière d'investissement.

La rentrée 2021 a été marquée par la mise en place du Pass'sport, une aide de 50 euros de l'État pour l'adhésion dans un club. Les débuts ont été timides et le ministère des Sports a récemment élargi le dispositif pour pouvoir utiliser les 100 millions d'euros de crédits. Comment les collectivités ont-elles réagi ?
Nous nous sommes retrouvés dans une situation que nous ne maîtrisions pas. Ce sont les CAF départementales qui ont averti les familles bénéficiaires du dispositif. Les Cdos (comités départementaux olympiques et sportifs) ou les offices des sports se sont concentrés sur les comités et clubs locaux. Nous avons tout de suite vu que la question du compte "asso" [qui permet de faire des demandes de subventions au ministère des Sports, ndlr] posait problème dans les clubs. Quand ils avaient des salariés à plein temps, les choses se faisaient. Mais à Brest, par exemple, la moitié des clubs ne fonctionnent qu'avec des bénévoles. Il a été contraignant de créer ce compte, puis de remplir l'ensemble des formulaires. Après des débuts extrêmement compliqués, les clubs se sont adaptés et ont fait un sacré boulot. Aujourd'hui, le résultat n'est pas si mal que ça. Mais les crédits n'étant utilisés qu'à 50% seulement, on a demandé à la ministre des Sports que les fonds restants soient consacrés au sport. L’élargissement récent est donc un bon signal, comme le renouvellement des 100 millions d’euros consacrés au dispositif dans le projet de loi de finances 2022.

L'Agence nationale du sport a été créée il y a maintenant deux ans et demi avec l'ambition de mettre en place une nouvelle gouvernance du sport, partagée entre tous les acteurs. Répond-elle à vos attentes ?
Partiellement. La nouvelle gouvernance du sport a enfin reconnu la place légitime des collectivités locales et des acteurs économiques du sport marchand. Si des actes encourageants ont été enregistrés pendant la crise sanitaire, avec un dialogue régulier et respectueux des partenaires, force est de constater que la mise en œuvre territoriale n’a pas suivi la même trajectoire que l’échelle nationale. Nous restons dans un format transitoire d’installation des conférences régionales du sport. La situation sanitaire et les élections territoriales de 2020/2021 ont ralenti la mise en œuvre territoriale de la nouvelle gouvernance du sport et les services de l’État ont trop largement gardé la main pendant cette période. Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué et nous percevons de nombreux signaux de démobilisation des acteurs dans les régions avec cette approche trop verticale, trop préfectorale, qui laisse craindre un CNDS deuxième génération. L’élaboration des projets sportifs territoriaux doit être l’occasion de relancer l’esprit originel de la gouvernance territoriale du sport, ascendante et décentralisée. Aujourd’hui, ce n'est clairement pas à la hauteur de nos espérances.

L'effet de levier des crédits équipements de l'ANS est-il suffisant ?
Non, et les deux rapports, de l’Assemblée nationale et du Sénat, relatifs à la loi de finances pour 2022 en attestent. Le budget progresse certes, conformément aux engagements de préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, et au maintien du Pass'sport, mais le diable est dans les détails. D’ailleurs, à ce stade, le financement des 5.000 équipements de proximité annoncés par le président de la République n’apparaît pas. Pour la programmation des équipements de l’ANS en 2021, dans les territoires, nous avons constaté que l’équation budgétaire était souvent impossible. Un exemple concret, en Pays de la Loire : 650.000 euros de crédits disponibles pour plus de 9 millions d’euros de demandes de crédits pour des équipements structurants locaux (gymnases, terrains synthétiques, vestiaires…). Résultat : une profonde frustration des élus locaux qui ne perçoivent aucune valeur ajoutée à cette nouvelle organisation de l’agence. Si, globalement, les crédits ont progressé en 2021 avec la relance, en 2022, les crédits dédiés aux équipements structurants des territoires restent nettement insuffisants. C’est pourquoi, nous proposons pour le prochain quinquennat une loi de programmation du sport, pour garantir un haut financement pluriannuel du sport, a minima à hauteur d’un milliard d’euros.

Cette nouvelle gouvernance prévoit également la mise en place de conférences des financeurs. Croyez-vous à leur utilité et à leur efficacité ?
Aujourd’hui, ce sont clairement les services de l’État en région qui gardent la main sur le budget de l’agence, faisant ainsi perdurer l’esprit du CNDS. Il existe peu de "comités techniques et financiers" transitoires, préfigurant les futures conférences des financeurs en région et partageant les répartitions de crédits déconcentrés. En l’absence de projets sportifs territoriaux, pas de conférences des financeurs. Les convergences budgétaires souhaitées restent à ce stade très théoriques. Les maires élus en 2020 veulent mettre en œuvre leurs projets sans attendre les injonctions nationales ou régionales.

Quelles vont être les priorités de l'Andes en 2022 ?
Un véritable plan Marshall des équipements sportifs structurants locaux. Il faut absolument faire grandir l'idée du développement de l'activité physique et sportive au quotidien. Il faut donc un vrai plan d'investissement sur ces questions pour arriver aux Jeux olympiques et paralympiques avec la fierté d'accueillir ces Jeux, mais surtout la fierté d'une France qui fait du sport dans de bonnes conditions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs, il existe une prise de conscience autour de la nécessité de se retrouver collectivement. La semaine dernière, j'ai réuni plus de 70 adjoints aux sports en Normandie. Il y a de l'enthousiasme et de l'envie. Il y a un super état d'esprit dans les territoires. L'État et les acteurs doivent s'appuyer sur cette dynamique pour faire avancer la question centrale du sport dans notre beau pays.

(Cet entretien a été relu et corrigé, à sa demande, par Patrick Appéré)