Patrick Appéré (Andes) : "On attend une impulsion de l'État pour les équipements sportifs"
L'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) tenait son 25e congrès à Pau ces 8 et 9 juin. À cette occasion, Patrick Appéré, son président, et Vincent Saulnier, son secrétaire général, réélus pour un nouveau mandat, ont abordé pour Localtis leurs principaux sujets de préoccupation.
Localtis - Votre congrès a abordé les thèmes de la réduction de l’empreinte carbone dans la pratique sportive, de la collaboration public-privé, de l’aménagement de l’espace public, etc. S'il y avait une priorité aujourd'hui, quelle serait-elle ?
Patrick Appéré - La priorité sur laquelle nous avons le plus travaillé, c'est la mise en place d'un plan Marshall en faveur des équipements sportifs. Il y a eu cette bonne idée du président de la République de lancer un plan en faveur de 5.000 petits équipements de proximité. Les villes ont suivi car cela en valait la peine, mais cela ne doit pas faire écran aux grands moyens de développer le sport aujourd'hui : nos gymnases, nos piscines, nos stades sont, soit en mauvais état, et il faut faire des réparations, soit en demande d'accompagnement pour aller vers la sobriété énergétique. Il faut aussi se poser la question de savoir si on veut faire du ludique-sportif ou du sport, une vraie activité physique que l'on peut développer. Nous sommes d'accord avec le mouvement sportif pour dire que les équipements structurants sont une base forte pour l'activité sportive sur un territoire. Et là-dessus on est en difficulté. Nous, nous sommes prêts, il y a beaucoup de projets dans les tuyaux du côté des villes, encore faut-il que les effets de levier apparaissent. Il faut une impulsion forte de l'État, et maintenant, car après les Jeux olympiques…
Pour financer de tels investissements, il faut des moyens. Quel regard portez-vous sur la trajectoire budgétaire du sport ?
Patrick Appéré - On peut se raconter ce qu'on veut, mais à 0,2% du budget de l'État, on n'y est pas. L'an passé, tous les candidats à l'élection présidentielle nous ont dit : "À moins de 1%, on n'est pas bien." Le 1%, il n'est pas là. Et on nous annonce qu'en 2025 le financement du sport par l'État diminuera encore. Alors même que les deux tiers du sport ne sont pas financés par des financements classiques mais par des taxes affectées : FDJ, taxe Buffet et paris sportifs. Il faut déplafonner ces taxes et nous donner l'argent, là on pourra faire. Aujourd'hui, des athlètes s'esquintent la santé à cause des installations, des sols sportifs. On ne peut pas dire que ce n'est pas notre affaire. On doit trouver les meilleures solutions, et pour cela, il faut un carnet de chèques. On nous dit, le sport c'est le "carrefour des solutions". Grâce au sport, on est en bonne santé, on améliore l'emploi, on règle les problèmes dans les quartiers. On veut bien, mais avec quoi ? Y a-t-il une vraie prise de conscience ? Se pose-t-on la question des moyens qu'il faut pour que le sport fonctionne bien ? Nous, les villes, on est plutôt bonnes dans nos financements, on est propriétaires des équipements, on fait notre boulot. À Brest, j'ai deux cents salariés aux sports, il faut les payer tous les mois.
La question du déplafonnement des taxes affectées est sur la table depuis des années. L'avez-vous abordée avec la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra ?
Patrick Appéré - On est plutôt satisfait du travail réalisé avec le ministère des Sports, comme on l'a vu récemment avec le décret BNSSA (lire notre article du 5 juin). La ministre est soucieuse de ce qu'on dit et elle essaie de faire du mieux possible, mais on sent bien qu'ailleurs [au gouvernement], ce n'est pas la priorité.
Vincent Saulnier - Je pense que la ministre va plaider le déplafonnement auprès de Bercy. Sur la taxe Buffet [qui affecte au sport une partie du produit de la diffusion audiovisuelle des rencontres sportives, ndlr], il y a une mutation qui fragilise la professionnalisation d'une partie des disciplines, comme le basket, le volley, le hand, notamment sur les pratiques féminines. La fiscalité de la diffusion n'est donc pas nécessairement le meilleur levier. En revanche, la dynamique constatée sur les paris sportifs est profitable au sport. C'est le cercle vertueux que nous défendons : le sport amateur contribue à former les champions du sport professionnel et doit obtenir un retour sur investissements. Ce levier, clairement le plus rentable en termes de fiscalité, doit être travaillé. On pousse la ministre pour qu'elle soit active sur le sujet. On ne peut pas nous dire en permanence qu'il n'y aura pas d'impôt olympique, alors qu'on constate à chaque grand évènement sportif une croissance des paris sportifs. Il est donc paradoxal que le mouvement sportif et les collectivités ne bénéficient pas de ce qu'ils ont porté et produit en termes de richesses.
Vous avez aussi récemment été reçus à Matignon pour parler du prochain projet de loi de finances. Qu'en est-il ressorti ?
Vincent Saulnier - Nous avons évoqué le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) dans la mise en œuvre du plan 5.000 petits équipements. Il est paradoxal que, par la seule mécanique de l'automatisation des comptes publics, des investissements qui précédemment permettaient de récupérer la TVA ne soient plus éligibles. De nombreuses collectivités ont réalisé des équipements avant de s'apercevoir qu'elles ne pourraient pas récupérer la TVA. Sur l'exercice 2022, 40 millions d'euros ont été perçus. C'est quand même incroyable ! L'Élysée et plusieurs ministères sont inondés de courriers sur ce sujet que personne n'avait vu venir. Sur le FCTVA, je pense que les choses ont été entendues. Par ailleurs, le plan 5.000 petits équipements est aussi victime de son succès et il peut y avoir une déception énorme. Au titre de 2023, 2.380 dossiers ont été déposés auprès des conférences régionales du sport, soit un investissement potentiel de 398 millions d'euros face aux 198 millions d'euros du dispositif [dont 109 millions sur l'année 2023, ndlr]. On n'y est pas du tout. Nous attendons un signal fort sur le sujet dans le cadre de la loi de finances.
Une nouvelle gouvernance du sport a été mise en place à partir de 2019. Elle est maintenant installée sur tous les territoires. Comment la jugez-vous ?
Patrick Appéré - Dans tous les cas, on part de loin. Du temps du CNDS [Centre national pour le développement du sport, de 2006 à 2019, ndlr], il y avait un face-à-face entre le mouvement sportif et l'État. Les collectivités n'y étaient pas mais elles payaient. Il était donc important de revisiter la gouvernance du sport. C'est fait et c'est extrêmement positif. Après, faut-il que les petits oiseaux du territoire ouvrent le bec et attendent que l'intelligence parisienne envoie de bonnes idées ? Bien sûr que non. Il y a un cadre national, mais on ne vit pas la même chose dans tous les territoires. Les outils ne doivent pas être uniquement descendants mais aussi ascendants. On va voir qui va faire la loi à l'intérieur des conférences régionales du sport (CRS). Nous, on y est et on a l'intention de peser de tout notre poids. Ensuite, il y a la question de l'efficacité de ces outils. C'est un peu tôt, mais il va falloir qu'à un moment, au-delà des grands éléments de réflexion et d'analyse des fameux projets sportifs de territoire (PST), on fasse aussi du factuel. Dans les villes, les départements et les régions, les élus ont été élus sur un programme et on sait ce qu'on va faire dans les prochaines années. La seule difficulté est que nos trajectoires financières ne sont pas sécurisées.
Vincent Saulnier - Le sujet que l'on va formaliser est une demande de loi de programmation du sport. La pluriannualité est un enjeu essentiel, nous avons besoin de visibilité. Cela correspond, à échéance 2030, à un format de 500 millions d'euros par an, pour assurer une continuité et une modernisation du plan 5.000 petits équipements, des réalisations sur les enjeux de rénovation, le défi du relampage [remplacement des systèmes d'éclairage anciens par des LED, ndlr], ainsi que toute une série d'adaptations au défi climatique. Cela peut faire l'enjeu de financements croisés, différenciés. C'est cela qu'on veut porter. Notre philosophie générale est que le sport finance le sport, il n'empêche que beaucoup d'acteurs peuvent se mettre en mouvement. En revanche, on a besoin d'engagements de l'État pour des effets de levier attendus. Allons-y, c'est maintenant !
Les financements croisés, c'est précisément le rôle des conférences des financeurs de les mettre en place au sein des conférences régionales. Cela va-t-il se réaliser comme prévu ?
Patrick Appéré - Je rappelle que les maires et les présidents de département ou de région sont assez jaloux de leurs prérogatives. Si on commence à leur dire qu'on va financer ceci et cela et qu'ils devront participer mais qu'on ne financera pas ce qu'ils ont présenté dans leurs programmes, ça va chauffer dans le bourg. Il va falloir trouver des formules pour que cette négociation de territoire se fasse dans les meilleures conditions possibles. On doit réussir ça. En tout état de cause, la mise en œuvre a été très longue et il y a déjà un peu de désespérance sur les territoires. La promesse de regrouper plus de moyens n'est pas au rendez-vous pour l'instant. Les financements privés, je ne les vois pas. On est toujours dans la même situation que du temps du CNDS, sauf qu'on essaie de faire en sorte que ce ne soit pas le préfet qui décide. Il faut s'allier avec le mouvement sportif, trouver des cohérences de territoire, se mettre d'accord sur la notion d'urgence dans les projets qui vont tomber. Cela nécessite du faire-ensemble. Il faut jouer le jeu mais si c'est pour être président de la conférence de la misère… il y a peut-être mieux à faire.
Un mot sur l'héritage des Jeux olympiques. Comment se présente-t-il à vos yeux ?
Patrick Appéré - Après une Coupe du monde de football, les clubs sont en difficulté sur les équipements. Ils se demandent s'ils vont pouvoir faire jouer une ou deux nouvelles équipes. Mais aussi sur l'encadrement. C'est souvent sur la question de l'emploi que la difficulté apparaît. On va sortir des Jeux avec 20 à 25% de demandes en plus. Où va-t-on les mettre ? Comment va-t-on les encadrer ? On demande à nos clubs de faire de la santé, d'aller dans les écoles. Dans les clubs bien organisés, il y a des permanents qui travaillent sur ces sujets. Ils savent faire. Mais on a une autre moitié des clubs qui fonctionnent avec des bénévoles. Ils se lancent, car ils ont envie de donner un coup de main. Mais au bout de quelques mois, ils s'interrogent : a-t-on la compétence ? Cela peut-il se retourner contre nous s'il y a un pépin ? On observe alors le recul de monde associatif au regard de la responsabilité qu'on lui confie. La Fédération française de football forme des quantités de jeunes entraîneurs qui, une fois revenus au club, vont demander à être payés car ils sont montés en compétences. C'est vraiment délicat de transformer ces formations en emplois. On ne pourra pas toujours compter sur le monde bénévole.