Passe d'armes au Sénat sur la prise en charge des AESH sur le temps méridien

Les récentes difficultés de mise en œuvre de la loi sur la prise en charge par l'État de l'accompagnement des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne ont été l'occasion d'échanges le 22 octobre 2024 au Sénat, entre Cédric Vial, auteur du texte, et la nouvelle ministre de l'Éducation nationale, Anne Genetet.

Alors qu'à la rentrée scolaire de septembre 2024 la prise en charge financière par l'État des AESH (accompagnants d'élève en situation de handicap) sur le temps de la pause méridienne était loin d'être effective (lire notre article du 24 septembre), plusieurs sénateurs sont revenus sur ce thème lors de l'audition, jeudi 22 octobre 2024, d'Anne Genetet, ministre de l'Éducation nationale, devant la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport de la Haute Assemblée.

Dans son propos liminaire, la ministre avait estimé que "l'application territoriale" de la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne "est encore inégale". 

"Une phrase dans la loi, huit pages de circulaire d'application"

Quand son tour de parole fut venu, Cédric Vial, sénateur de la Savoie et auteur de la proposition de loi adoptée en mai dernier, a bondi : "Je vais vous aider, madame la ministre, le problème n'est pas territorial. Si vous cherchez d'où vient le problème, il est au 107, rue de Grenelle, à la Dgesco [direction générale de l'enseignement scolaire, ndlr]." Et l'élu d'enfoncer le clou : "Une phrase dans la loi, huit pages de circulaire d'application, dont quatre pages d'annexes. La circulaire est sortie en période estivale [le 24 juillet 2024, ndlr]. Or, on savait depuis des mois que la loi devait s'appliquer. Si on avait voulu que la loi ne s'applique pas, on aurait fait comme cela."

Puis, écartant l'excuse du coût de la mesure pour le budget de l'État – "environ dix millions d'euros" – le sénateur a demandé à la ministre de "s'engager à abroger cette circulaire et à en reprendre une autre rapidement pour qu'on puisse enfin mettre en œuvre de manière simple ce que beaucoup de gens, de parents attendent". À sa suite, plusieurs sénateurs ont fait part des difficultés d'application de la loi dans leur circonscription.

Ne pas contractualiser avec le "tout-venant"

Dans sa réponse, Anne Genetet a d'abord reconnu "que la circulaire est très complexe" et a assuré qu'elle ne manquerait pas "de regarder s'il y a des mesures de simplification à prendre". Puis elle s'est lancée dans des explications visant à justifier le retard dans la mise en œuvre de la loi : "Ce que nous voulons, ce n'est pas contractualiser avec les personnes tout-venant [sic] qui arrivent et prennent en charge les enfants sur la pause méridienne. L'objectif est de voir, parmi celles qui sont sous contrat avec nos rectorats, quelles sont celles qui souhaitent ou qui peuvent ou qui veulent être également disponibles sur la pause méridienne et rémunérées en tant que telles. C'est comme ça que c'est envisagé. Évidemment, il faut une analyse locale extrêmement fine pour voir comment ce dispositif est mis en place, et je n'ai pas l'intention de cautionner une usine à gaz. L'objectif, c'est l'efficacité, pour que nos élèves en situation de handicap qui ont besoin d'un accompagnement pour leur déjeuner puissent l'avoir." C'était également l'intention de la loi Vial dont l'entrée en vigueur était prévue... à la rentrée 2024.

Retard pour le "plan métier" des AESH

Ce 22 octobre a également fourni l'occasion au gouvernement de revenir sur l'avenir du métier d'AESH. Dans une question orale, la députée de la Loire Sylvie Bonnet se demandait comment le gouvernement allait s'y prendre pour trouver les deux mille AESH supplémentaires prévus dans le projet de loi de finances pour 2025 "alors que le métier est si peu attractif". 

Dans sa réponse, Paul Christophe, ministre des Solidarités et de l'Autonomie, a tout d'abord admis que "dans certains territoires, le vivier de recrutements ne permet pas d'honorer toutes les demandes". Puis il a précisé que, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, il est prévu "à l'horizon 2026 de réformer le cadre d'emploi des AESH en élargissant le champ de leurs missions". Il est par ailleurs revenu sur l'annonce de la construction d'un "plan métier" faite lors du dernier comité interministériel du handicap (lire notre article du 16 mai). "Nous travaillons donc sur une grande campagne de valorisation et d'attractivité des métiers", a conclu Paul Christophe... tout en reconnaissant implicitement que le calendrier annoncé au printemps n'est déjà plus d'actualité, puisque ce "plan métier" était attendu avant l'été 2024.