Participation des "personnes concernées par la pauvreté et la précarité" : le CNLE tire les premières leçons de sa nouvelle composition
Depuis 2020, la moitié des membres du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale sont des personnes en situation de précarité. Dans un rapport rendu public le 23 mai, le CNLE analyse l’impact de ce "choc de participation" et propose de renforcer la dimension territoriale de cette participation des personnes concernées par la pauvreté.
En janvier dernier, lors de la réunion plénière du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) en présence du ministre des Solidarités, nombreuses ont été les personnes à prendre la parole pour témoigner des difficultés – liées à l’inflation et au coût de l’énergie, à la mobilité, au handicap… – qu’elles vivent au quotidien (voir notre article). Et pour cause : ces "experts du vécu" de la pauvreté représentent depuis 2020 la moitié des membres de cette instance consultative placée auprès du Premier ministre. Ce passage de huit à 32 "personnes concernées par la pauvreté et la précarité" (le 5e collège, ex 8e collège qui avait été créé en 2012) devait matérialiser le "choc de participation" souhaité par le président de la République et acté dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté (voir notre article). Composés chacun de huit membres, les quatre autres collèges sont ceux des élus et représentants de l’action sociale territoriale, des associations, des partenaires sociaux et des personnes qualifiées. Au terme de son premier mandat dans ce nouveau format, le CNLE publie un rapport pour tirer les enseignements de ce changement et préparer la suite.
Difficulté à mobiliser les personnes en emploi et les jeunes
"Ce fut un véritable choc", estime Jérôme Vignon, président honoraire du Comité scientifique du CNLE, avec selon lui une amplification effective de la participation des personnes concernées et "un sentiment positif prédominant de ces personnes elles-mêmes quant à la réception de leur parole au sein du CNLE". "Mais cette satisfaction relative n’en fait que plus regretter l’insuffisance ressentie quant à l’influence réelle" des travaux du Conseil, poursuit-il. Le rapport analyse les conditions de la participation et notamment l’impact du cadre organisationnel proposé aux participants. Par exemple : les réunions en présentiel facilitent les échanges mais créent une fatigue liée aux déplacements, tandis que les visioconférences offrent une souplesse mais peuvent freiner les échanges et génèrent aussi un coût de consommation en énergie pour les personnes.
Le rapport revient également sur l’accompagnement des personnes puisque, en plus d’un prestataire au niveau national, 16 associations ont été mandatées à l’issue d’un appel à manifestation d’intérêt pour rendre possible la participation au niveau local (outils informatiques, prise en charge des frais occasionnés, animation de groupes d’appui…). Le CNLE identifie au moins deux obstacles : des crédits insuffisants pour un accompagnement pleinement satisfaisant et une "mobilisation difficile" des personnes dans la durée – un tiers des membres du cinquième collège ont été remplacés au cours du mandat. "Les personnes en emploi ou les jeunes en situation fragile sont difficilement mobilisables", est-il constaté en particulier.
Vers une dimension locale plus affirmée pour un CNLE "laboratoire de la participation"
En guise de préconisations, sont identifiés neuf "objectifs stratégiques" dont celui de "démultiplier le CNLE au niveau local" par le renforcement des groupes territoriaux d’appui, en lien avec les Conseils régionaux des personnes accueillies et accompagnées (CRPA) ou d’autres instances participatives locales. Ces groupes permettraient à la fois aux membres du 5e collège ayant achevé leur mandat de poursuivre leur mobilisation, en contribuant à l’animation, et de favoriser des remontées de terrain pour alimenter les travaux du CNLE. Autres orientations : assurer une meilleure représentation géographique des "personnes concernées" dans le mandat 2023-2026 – par exemple, personne n’est issu actuellement du quart nord-est de la France ou des départements d’outre-mer – ou encore garantir une plus grande contribution des membres du 5e collège à la programmation des travaux. Pour Jérôme Vignon, ces "préconisations innovantes" sont "susceptibles de faire du CNLE un laboratoire de la participation en général".