Parlement européen et Conseil trouvent un accord sur le règlement sur la restauration de la nature
Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil viennent de trouver un accord provisoire sur le projet, âprement discuté, de règlement de restauration de la nature. Menacé d’être rejeté, le texte n’aura survécu qu’au prix d’une révision à la baisse de nombre de ses dispositions. Sa portée ne sera réellement perceptible qu’avec l’adoption des plans nationaux de restauration que devront adopter les États membres à échéances régulières.
Après un parcours chaotique, notamment au Parlement européen (voir notre article du 12 juillet), le projet de règlement sur la restauration de la nature proposé par la Commission le 22 juin 2022 (voir notre article du 23 juin) approche du but. Parlement et Conseil (lequel avait adopté sa position en juin dernier – voir notre article du 20 juin) viennent en effet d’accorder leurs positions ce 9 novembre. Pour poursuivre son chemin, le texte aura néanmoins dû faire passer par-dessus bord un certain nombre de ses dispositions (globalement, des obligations de résultat ont été remplacées par des obligations de moyens).
Objectif principal maintenu
L’objectif principal proposé par la Commission est sorti indemne du processus : les États membres devront restaurer au moins 20% de leurs zones terrestres et 20% de leurs zones maritimes d’ici 2030 – en ligne avec les engagements pris lors de la COP de Kunming-Montréal –, et tous les écosystèmes "qui en ont besoin" d’ici 2050. Pour l’atteindre, ils devront restaurer au moins 30% des écosystèmes couverts par la directive Habitats (listés dans deux annexes du texte) qui sont en mauvais état d’ici 2030, 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050 – objectifs qui pourront être adaptés en fonction de certaines spécificités nationales. Priorité devra par ailleurs être donnée aux sites Natura 2000 jusqu’en 2030. Une fois les terres restaurées, les États membres devront veiller à leur absence de détérioration (des mesures compensatoires devront être prévues dans une zone équivalente en cas de dégradation inévitable).
Milieux agricoles
Pour les zones agricoles, les mesures mises en place seront évaluées d’ici 2030, puis tous les six ans, au regard de trois indicateurs : l’indice européen des papillons des prairies, la part des terres agricoles présentant des particularités topographiques à haute diversité (bandes tampons, jachères, haies, fossés…) et le stock de carbone organique dans les sols minéraux des terres cultivées. Une évolution positive de deux de ces trois indicateurs devra être obtenue. Des objectifs sont également fixés pour que reparte à la hausse l’indice des oiseaux communs des milieux agricoles.
30% de la superficie des tourbières drainées à usage agricole devront être restaurés d’ici 2030 (dont au moins un quart remises en eau), 40% d’ici 2040 (dont au moins un tiers remises en eau) et 50% d’ici 2050 (dont un tiers remises en eau). Ces pourcentages ont été revus à la baisse par rapport à la version de la Commission. Plus encore, un pourcentage plus faible serait appliqué aux États membres affectés "de manière disproportionnée" par ces obligations. À noter encore, la remise en eau restera facultative pour les agriculteurs et propriétaires fonciers privés. Le texte prévoit encore que le déclin des populations de pollinisateurs devra également être enrayé d’ici 2030 (elles devront progresser par la suite).
Comme l'a souhaité le Parlement, les objectifs fixés pour les écosystèmes agricoles pourront toutefois être suspendus pendant un an en cas de circonstances imprévisibles et exceptionnelles qui emporteraient de graves conséquences, à l’échelle européenne, sur la sécurité alimentaire. De même, le gel des 10% des terres agricoles présentant des caractéristiques paysagères à forte diversité, qui inquiétait particulièrement les chambres d’agriculture (voir notre article du 15 mars), a été supprimé.
Milieux forestiers
Des mesures devront également être prises pour améliorer la biodiversité des écosystèmes forestiers (mesurée notamment via l’indice sur le bois mort sur pied et au sol et l'indice des oiseaux communs des milieux forestiers), en tenant compte du risque d'incendies. Le texte prévoit également la plantation de 3 milliards d’arbres "supplémentaires" et la suppression d’obstacle artificiels afin de rendre au moins 25.000 km de cours d’eau en cours d’eau à courant libre (avec a priori une exception pour la "petite hydroélectricité").
Milieux urbains
Les négociateurs du Parlement et du Conseil ont également convenu que la superficie totale des espaces verts et du couvert arboré urbains devra rester la même en 2030 que celle existante à l’entrée en vigueur du règlement (avec une exception pour les écosystèmes urbains disposant de plus de 45% d’espaces verts), et devra par la suite augmenter tous les 6 ans. Là encore, les objectifs chiffrés initialement proposés semblent avoir vécu.
Plans nationaux de restauration
Des plans nationaux de restauration présentant les mesures qu’ils entendent prendre, en associant les collectivités et la société civile, pour atteindre ces différents objectifs et mesurer les résultats obtenus devront être soumis à la Commission par les États membres régulièrement. Le premier devra couvrir la période courant jusqu’en juin 2032, avec un "aperçu stratégique" pour les années suivantes. Le même exercice devra ensuite être conduit en juin 2032 pour les dix années suivantes (avec aperçu stratégique jusqu’en 2050), puis en juin 2042 pour la période allant jusqu’à 2050. L’accord prévoit que ces plans n’obligent pas les États membres à reprogrammer le financement de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche prévu pour l’actuelle programmation.
Financements
L'accord introduit une autre nouveauté : la Commission est chargée de soumettre un rapport, un an après l'entrée en vigueur du règlement, offrant un aperçu des ressources financières disponibles au niveau de l'UE et une évaluation des besoins de financement, incluant le cas échéant des propositions idoines, "sans préjuger du prochain cadre financier pluriannuel".
Cet accord provisoire doit encore être approuvé par les représentants des États membres au sein du Coreper et par la commission Envi (à la fin du mois) du Parlement, puis être officiellement adopté par le Parlement en plénière (en janvier) et le Conseil. Si cela devait être le cas, ce ne sera toutefois qu’avec le contenu des plans nationaux que l’on pourra réellement mesurer le niveau d’ambitions/d’exigences du texte.