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Elan - Paris et Nantes entendent maintenir les 100% de logements accessibles

Quelle que soit l'issue du projet de loi Elan sur la question du logement pour les personnes handicapés, Paris et Nantes ont décidé : la première imposera 100% de logements neufs accessibles dans son parc social, la seconde étendra l'obligation au parc privé.

Une disposition très discutée du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) prévoit à son article 18 de remplacer l'obligation d'accessibilité de 100% des logements neufs - instaurée par la loi Handicap du 11 février 2005 - par la notion de "logements évolutifs", autrement dit qui "peuvent être rendus accessibles à l'issue de travaux simples" (voir nos articles ci-dessous). Seuls 10% des logements neufs au sein d'un même ensemble resteraient accessibles d'emblée au sens de la loi de 2005.
Si les députés ont, en première lecture, confirmé les 10%, les sénateurs ont adopté le 3 juillet en commission un amendement le portant à 30%. Il est peu probable que ce pourcentage soit retenu au final. Mais quoi qu'il en soit - 0%, 10%, 30% ou même 50% - deux grandes villes ont d'ores et déjà annoncé que pour elles ce serait 100%. Paris imposera cette obligation pour les logements neufs de son parc social. Nantes envisage de l'étendre au parc privé.

100% des logements sociaux neufs à Paris

Le 13 juin, le lendemain du vote à l'Assemblée, Anne Hidalgo a adressé une lettre à l'ensemble des bailleurs sociaux parisiens, pour leur annoncer son souhait : "100% des nouveaux logements sociaux créés à Paris continueront à être accessibles" aux personnes en situation de handicap. La capitale imposera le maintien du 100% aux trois bailleurs sociaux publics* dont elle préside le conseil d'administration et qui assurent environ les deux tiers de la production de logements sociaux parisiens. Avec les ESH, la ville fera figurer l'obligation du 100% d'accessibilité dans les conventions de financement des programmes.
Pour la maire de Paris, "la solidarité et la fraternité sont des valeurs cardinales de Paris. Elles s'expriment par un service public municipal de qualité, notamment en faveur des familles et de l'éducation, mais aussi par notre capacité à permettre à chaque citoyen d'accéder à un logement adapté à ses besoins. J'y vois là un levier majeur d'émancipation, d'épanouissement et de réussite pour les citoyens". Un engagement repris dans le point d'étape sur la politique parisienne du handicap, présenté par Anne Hidalgo au Conseil de Paris, le 2 juillet.
La décision a été saluée par l'Association des paralysés de France. L'APF estime que "si cette initiative vient compenser l'aspect discriminatoire du projet de loi Elan, elle mériterait d'être reprise par de nombreux autres maires pour garantir une égalité de traitement entre tous sur l'ensemble du territoire".

Bailleurs sociaux et promoteurs privés à Nantes

Message reçu par Nantes Métropole, qui annonce à son tour qu'elle entend maintenir l'obligation actuelle d'accessibilité de 100% des logements neufs. Nantes va toutefois plus loin. Au-delà des bailleurs sociaux, Nantes Métropole envisage d'étendre au parc privé l'obligation d'accessibilité à 100%.
Cette obligation concernerait en premier lieu les opérations d'aménagement pilotées par la ville - comme les ZAC - et prendrait la forme de l'introduction d'une clause spécifique dans les cahiers des charges. Cette obligation concernerait déjà environ 60% des 6.000 à 8.000 logements construits chaque année sur le territoire de la métropole.
Johanna Rolland, maire de la ville et présidente de la métropole, veut aussi appliquer la mesure aux opérations de promotion privées réalisées hors opérations d'aménagement. Elle indique ainsi qu'elle "sollicitera la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) pour que l'objectif de 100 % de logements accessibles soit maintenu".

Quel impact financier et juridique ?

Il est toujours possible d'adopter des dispositions plus favorables que celles prévues par un texte législatif ou réglementaire. Dans le cas d'espèce, et du point de vue des personnes handicapées ou à mobilité réduite, il ne fait guère de doutes qu'une accessibilité à 100% est plus intéressante que 10% de logements accessibles et 90% "évolutifs".
Mais passer outre aux dispositions de la future loi Elan pourrait soulever des difficultés. La première est celle du renchérissement du coût des opérations et donc, au final, du logement. Cela vaut notamment à Paris où les coûts de construction et les prix de revient sont déjà très élevés en raison notamment du prix du foncier et des prix de l'immobilier pour les reconversions de locaux. L'accessibilité intégrale nécessite en effet des surfaces plus importantes pour un même cadre de vie (par exemple pour les déplacements et les demi-tours des fauteuils roulants et en raison de divers équipements favorisant l'accessibilité). Le coût de la mesure pourrait donc incomber aux locataires (ou aux contribuables si une compensation est envisagée pour les opérateurs, ce qui ne semble pas être le cas).

Des dispositions dans les "chartes promoteurs" ?

Dans le cas du logement social réalisé sur du foncier public cédé dans le cadre de la loi "Duflot 1", il faudrait accepter des décotes plus élevées. Or ce n'est pas dans l'air du temps puisque ces décôtes sont remises en cause dans une récente résolution de l'Assemblée nationale, qui pointe des décotes allant jusqu'à 100.222 euros par logement social dans le cas de la transformation en logements de l'ancienne bibliothèque de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, voir notre article ci-dessous du 19 juin 2018).
Vis-à-vis des opérateurs privés, la règle prendrait sans doute la forme d'une "charte de construction" ou "charte promoteur", prévoyant des contraintes allant au-delà de ce que prévoient la législation et la réglementation. La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a longtemps considéré comme "illégales" les dispositions contenues dans ces chartes, même si les promoteurs en signent de plus en plus, notamment en Ile-de-France (voir notre article du 15 juin 2018). Ils pourraient toutefois être tentés de saisir la justice, en invoquant l'impact du 100% d'accessibilité sur les coûts de construction des programmes.

*Paris Habitat, la RIVP (Régie immobilière de la ville de Paris) et Elogie-Siemp.

 

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