Pap Ndiaye fixe un objectif de mixité sociale pour l'enseignement public
Le ministre de l'Éducation nationale a fixé, à l'horizon 2027, un objectif de réduction des inégalités dans la composition sociale des établissements publics. Une instance de dialogue dédiée à la mixité sociale, associant les collectivités, sera créée dans chaque académie pour piloter cette évolution.
Jeudi 11 mai 2023, le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a annoncé aux recteurs et Dasen (Directeurs académiques des services de l'Éducation nationale) des mesures en faveur de la mixité sociale à l'école. Des mesures qui, dans un premier temps, ne vont toucher que l'enseignement public et non l'enseignement privé, avec lequel un protocole d'accord devrait être prochainement signé.
Cette annonce, attendue depuis plusieurs mois, fait suite à la publication à l'automne 2022 de l'indice de position sociale (IPS) des collèges. On y apprenait qu'à la rentrée de 2021, la population scolaire issue de milieux défavorisés était présente à hauteur de 61% dans les 10% des établissements les plus défavorisés, tandis que les collèges favorisés n'accueillaient que 14,6% de ces élèves. En outre, la publication des IPS révélait que le secteur public comptait 42% d'élèves défavorisés, contre 18% dans le secteur privé.
Pour rétablir un certain équilibre, l'objectif du ministre a d'abord été de mettre l'enseignement privé sous contrat à contribution. En mars, il était encore question "d'exiger qu'il favorise la mixité des élèves en s'engageant dans une démarche contractualisée". De son côté, Philippe Delorme, secrétaire général de l'Enseignement catholique (qui représente 96% des écoles privées sous contrat) assurait que la liberté de recrutement des élèves au sein de ces établissements était "non négociable".
Indice de ségrégation sociale
Les annonces du 11 mai ne portent donc finalement que sur l'enseignement public auquel le ministre assigne un objectif : réduire de 20% les différences sociales entre établissements à l'horizon 2027. Pour y parvenir, différents leviers sont à la disposition des recteurs d'académie : sectorisation, création de sections d'excellence dans les territoires défavorisés, binômes de collèges "proches géographiquement mais très contrastés socialement" dont les enfants seraient plus systématiquement mélangés, etc.
Pour s'assurer de la progression de la mixité sociale, le ministère va s'appuyer sur l'indice de ségrégation sociale correspondant à 0% "quand tous les établissements ont le même profil social, c'est-à-dire le même IPS, et que la mixité est maximale," et se rapprochant de 100% "en cas de forte ségrégation sociale entre établissements et quand il n'y a aucune diversité sociale à l'intérieur de chaque établissement, [que] tous les élèves d'un même établissement ont le même IPS".
Des instances de dialogue avant l'été
Pour partager les constats et adapter les actions à chaque territoire, le ministre a demandé aux recteurs de créer avant l'été prochain dans chaque académie une instance de dialogue et de pilotage de la mixité sociale et scolaire à laquelle prendront part les collectivités, mais également des parents d'élèves et des représentants des établissements. La composition précise de ces instances, et notamment la représentativité des collectivités, n'est pas encore précisée. Le ministère et les rectorats resteront toutefois à la manœuvre pour décider des actions ou expérimentations à mener.
Concernant la contribution de l'enseignement privé sous contrat à la mixité sociale à l'école, un protocole sera signé dans les prochains jours. Interrogé par Localtis, le ministère de l'Éducation nationale a évoqué un sujet "éminemment politique" et n'a pas apporté de précision sur le contenu même du futur protocole. Le 26 avril, Gérard Larcher, président du Sénat, avait estimé que "ce n'est pas le moment de rallumer la guerre scolaire avec le privé !"
"Bricolages locaux"
Dans un communiqué, Stéphane Troussel, président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, a souligné qu'"en laissant les acteurs poursuivre des bricolages locaux, sur la base du volontariat, le gouvernement rate l'enjeu majeur de la mixité pour l'école de demain", et regretté "l'absence d'annonces sur les filières d'excellence […] alors même que nous avions identifié, pour la seule Seine-Saint-Denis, quarante collèges parmi les plus évités qui auraient mérité des efforts spécifiques, afin d'éviter la fuite des enfants des classes plus aisées vers le privé ou vers Paris".
De son côté, Émilie Kuchel, présidente du Réseau français des villes éducatrices (RFVE), a confié à Localtis : "Nous étions contents que le ministre lance une réflexion sur la mixité mais nous sommes déçus qu'il n'ait pas été soutenu et que les annonces ne soient pas à la hauteur de l'enjeu." Jugeant que les deux axes du plan "restent intéressants sans être révolutionnaires", l'adjointe au maire de Brest chargée des politiques éducatives s'est également déclarée "satisfaite" que les collectivités soient intégrées à la réflexion mais attend de voir comment elles vont l'être : "Une instance académique se tourne vers les départements et les régions mais rarement vers les mairies. On n'a jamais pensé l'éducation en termes d'aménagement du territoire. Or, aujourd'hui, l'Éducation nationale doit y penser, surtout à propos de la mixité, et les communes et EPCI peuvent apporter des réponses."
Pendant que ces réflexions avaient lieu, une étude récente du Conseil scientifique de l'Éducation nationale (CSEN) mettait en lumière les limites de la mixité sociale à l'école : si elle améliore le bien-être des élèves, elle n'a aucun effet sur leurs résultats scolaires ou leurs comportements.