Etat civil - Pacs en mairie : une simplification pour les usagers... un transfert de charge pour les communes ?
Depuis ce 1er novembre, les mairies ont en charge les déclarations, les modifications et les dissolutions de pacte civil de solidarité (Pacs). Pour les plus grandes, ces nouvelles responsabilités peuvent entraîner des dépenses conséquentes qui ne sont pas compensées. D’où l’agacement d’un certain nombre de maires.
Depuis ce 1er novembre, les couples désirant se pacser ne vont plus au tribunal d'instance, mais à la mairie de leur résidence commune. Beaucoup d'entre eux devraient apprécier ce changement qui découle de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ils devraient désormais effectuer la démarche plus simplement et rapidement. Et ce dans un lieu plus familier que le tribunal, où l'on se rend moins fréquemment et en général quand on a un litige. D'ailleurs, la signature du pacte civil de solidarité (Pacs) devant l'officier de l'état civil traduit la banalisation de ce contrat de droit privé dans la société française. En 2015, pas moins de 189.000 Pacs ont été conclus (dont 7.017 par des couples homosexuels), alors que 236.300 mariages (dont 7.735 mariages de personnes de même sexe) ont été célébrés. La même année, 79.300 Pacs ont aussi été dissous
Les temps ont changé. Les polémiques en cours lors des débats en 1998 sur le contrat d'union sociale, qui a pris finalement le nom de pacte civil de solidarité, se sont dissipées. A l'époque, plus de 15.000 maires avaient signé une pétition initiée par le Collectif des maires de France pour le mariage républicain. Ils déclaraient vouloir s'"opposer à la mise en place d'un contrat d'union pour les personnes du même sexe et à l'implication du maire en tant qu'officier d'état civil dans les célébrations d'un contrat de ce genre". Dans le but de ménager les susceptibilités de ces élus notamment, le législateur n'a pas voulu que le Pacs soit enregistré en mairie, tout en reconnaissant que ce choix serait plus pertinent. Après avoir envisagé de confier la compétence de la réception des déclarations de Pacs aux préfectures, les parlementaires l'ont finalement conférée aux greffes des tribunaux d'instance. Par défaut.
Changement "logique"
En 2017, l'état d'esprit général des maires n'est plus le même. La prise en charge des conventions des partenaires par les mairies leur paraît "logique", comme l'affirme Dominique Grador, première adjointe au maire de Tulle dans le quotidien La Montagne (édition du 17 octobre 2017). "La mairie célèbre les mariages et le Pacs est une formule d'union entre deux personnes qui consentent à cette union."
Les maires devraient donc accepter le transfert de responsabilité sans rechigner. Sauf qu’en lieu et place des tribunaux, les communes doivent aussi, depuis quelques mois, gérer les demandes de modifications de noms et prénoms et la rectification des erreurs matérielles des actes d’état civil. En outre, depuis le mois de mars, plus de 2.000 d'entre elles, équipées de dispositifs spéciaux, recueillent les demandes de cartes d'identité biométriques. Se rajoute, depuis ce 1er novembre, la réception des déclarations, des modifications et des dissolutions de Pacs. Pour les 284 communes sièges de tribunaux, ce n’est pas une mince affaire : à la mi-octobre, tous les dossiers de Pacs sous forme papier et numériques - non seulement les Pacs en cours, mais aussi ceux qui ont été dissous depuis moins de 5 ans - leur ont été transférés. Elles en assurent désormais la gestion.
"Un minimum de 30 minutes par dossier"
Or, les communes n’ont reçu aucune compensation pour l’ensemble de ces nouvelles missions, comme l’ont rappelé avec agacement de nombreux maires de toutes tendances politiques interviewés récemment par la presse régionale. En effet, l’accroissement des charges liées aux compétences des officiers de l'état civil n'est pas assimilable à un transfert de compétence et donc n'ouvre pas droit à une compensation.
Mais les maires oublient de préciser que la suppression - opérée par la loi du 18 novembre 2016 - de l'obligation pour les communes gérant leur état civil sous forme informatique d'établir un second exemplaire des actes de l'état civil et de transmettre les avis de mention aux greffes des tribunaux de grande instance générera des économies de l'ordre de 2,5 millions d'euros. Lors de la discussion parlementaire, le gouvernement a considéré que cette mesure rendrait quasi neutre le transfert de la responsabilité des Pacs.
Mais l’ancien exécutif n’a-t-il pas sous-estimé les dépenses nouvelles qu’auront à supporter les mairies ? A Cholet, le maire divers droite, Gilles Bourdouleix, a fait ses calculs. En 2016, le tribunal d'instance a traité 336 dossiers au titre du Pacs. "Le minimum de temps à consacrer à un rendez-vous est de 30 minutes par dossier, auquel il faudra ajouter le traitement des dissolutions de Pacs, le traitement de 13 mètres linéaires d'archives qui sont transférées à la mairie de Cholet", indique l’édile à Localtis. Il rappelle que sa ville a désormais "la charge pour l'ensemble de l'arrondissement des recherches et des envois à la demande des autres mairies". Un agent sera affecté à mi-temps à ces nouvelles missions, ce qui équivaut à une dépense de l'ordre de 16.000 euros par an. Autre problème : il a fallu dégager de l'espace dans l’hôtel de ville pour pouvoir accueillir les nouveaux usagers et ranger les archives, alors que la place manquait déjà.
Allongement des délais d’attente
A Boulogne-Billancourt, le maire (LR) Pierre-Christophe Baguet, est lui aussi irrité. Le 13 octobre, la ministre de la Justice s’est rendue dans sa commune pour assister à l’enregistrement d’un des derniers Pacs dans un tribunal d’instance. Dans son édition du lendemain, Le Parisien a rapporté que le maire était aussi présent et qu’il en a profité pour remettre à Nicole Belloubet une note de ses services. Ils y indiquaient que la ville des Hauts-de-Seine devra créer trois emplois pour assurer sa nouvelle mission. Le total de la facture s’élèvera à 110.000 euros par an.
Le mécontentement éprouvé par les maires pourrait aussi être partagé pendant un certain temps, ici ou là, par les personnes désirant se pacser, ou dissoudre ou modifier leur Pacs. Mais pour d’autres raisons. Dans le contexte du transfert, les délais d’attente pourraient s’allonger significativement. "Le tribunal d'instance a arrêté à partir du 1er octobre dernier d'accueillir les demandes de Pacs", explique Gilles Bourdouleix. L’absence d’activité pendant le mois d’octobre va "forcément" gonfler la liste d’attente, pointe-t-il. La ville de Dijon ne cache pas non plus qu’elle ne sera pas dans les starting-blocks dès ce 2 novembre. "Les premiers rendez-vous seront fixés mi-novembre 2017", annonce-t-elle sur son site internet. De même, à Strasbourg, l'enregistrement de la déclaration du Pacs "ne pourra être effectif au mieux mi-novembre", révèle la mairie aux internautes. Elle explique que le transfert "nécessite une mise à jour conséquente du logiciel informatique".
Les usagers pressés pourront tenter d’obtenir un rendez-vous express chez leur notaire, car celui-ci continue à recevoir les déclarations de Pacs (1). Mais il leur en coûtera la bagatelle de 355,77 euros, et plus dans certains cas.
(1) En 2015, 16% des Pacs ont été conclus devant un notaire, selon l’Association des maires de France.