Commande publique - Ouvrage défectueux : l'absence de réserve jugée comme une imprudence particulièrement grave...
Dans les faits, une communauté de communes confie la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un centre aquatique, dont une "rivière à bouées", à un groupement de sociétés. Le maître d'ouvrage réceptionne les travaux sans réserve. Toutefois, suite aux désordres affectant cette rivière et à la dangerosité pour les utilisateurs, il saisit le tribunal administratif de Lyon et obtient la condamnation du groupement à des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle et décennale. Saisie par certaines sociétés du groupement, la cour administrative d'appel de Lyon annule le jugement. La communauté de communes forme alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat et soutient que le maître d'oeuvre aurait commis une faute en ne jouant pas son rôle de conseil et en ne l'informant pas des malfaçons. Pour écarter la responsabilité du groupement, la Haute Juridiction procède en deux temps.
Responsabilité décennale des constructeurs écartée
La responsabilité décennale des constructeurs ne peut être mise en oeuvre pour retenir la responsabilité du groupement dès lors que "les désordres affectant l'ouvrage étaient apparents lors de sa réception", précisent les Sages de la rue Cambon. En effet, cette responsabilité n'opère en faveur du maître d'ouvrage que si les vices sont cachés et s'ils apparaissent dans un délai de dix ans à compter de la réception des travaux.
Pas de responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre au titre de son devoir de conseil
Le maître d'ouvrage invoque le non-respect de l'obligation de conseil du maître d'oeuvre lors des opérations de réception de l'ouvrage, dans la mesure où il ne l'aurait pas informé des malfaçons. La communauté de communes avait néanmoins eu connaissance, avant la réception de l'ouvrage, de l'existence des dysfonctionnements et de la dangerosité pour ses utilisateurs de la "rivière à bouées", rendant impossible l'utilisation de celle-ci. Ainsi, le Conseil d'Etat estime qu'elle a "commis une imprudence particulièrement grave en prononçant sans réserve la réception définitive des travaux", et écarte dès lors "toute responsabilité des maîtres d'oeuvre au titre d'un manquement à leur obligation de conseil". La personne publique est donc seule responsable des dommages.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 10 juillet 2013,n°359100