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Commande publique - Le manquement à l'obligation de conseil du maître d'oeuvre engage sa responsabilité contractuelle

Dans un arrêt du 26 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a eu l'occasion de préciser les règles relatives à la responsabilité du maître d'oeuvre à l'égard du maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux dans le cadre d'un marché public.
Dans les faits, des travaux avaient endommagé un ouvrage de travaux publics : la présence de galets dans le sol au contact de canalisations avait provoqué des fuites d'eau endommageant le réseau d'irrigation. Ce risque était connu avant le démarrage des travaux par le maître d'oeuvre mais ce dernier ne l'avait pas signalé. Le maître de l'ouvrage demande alors la condamnation du maître d'oeuvre au versement d'une somme de 205.000 euros correspondant au coût des travaux de remplacement de l'ensemble du réseau litigieux.
Par un jugement du 10 décembre 2010, le tribunal administratif de Pau n'attribue au maître de l'ouvrage qu'une somme de 18.105 euros correspondant aux frais déboursés uniquement pour le remplacement des tronçons défectueux.
Le maître de l'ouvrage estime alors que la somme qui lui est allouée par le tribunal est insuffisante et saisit la cour administrative d'appel.
La nature des remblais utilisés n'ayant fait l'objet d'aucune remarque voire d'aucune réserve, ni au cours de l'exécution des travaux ni lors de leur réception, alors "qu'un simple sondage aurait permis de déceler la présence dans le sol de galets incompatibles avec la nature des canalisations enterrées", la cour d'appel est amenée à définir la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, mais également le bien-fondé de la garantie décennale.
La cour considère que la responsabilité décennale ne peut être engagée car l'utilisation d'un remblai composé de galets incompatibles avec la nature des canalisations constitue "un vice de construction décelable à la réception des travaux". Dans ces conditions, "les désordres affectant la canalisation doivent être regardés comme ayant eu un caractère apparent". De ce fait, la responsabilité décennale, qui ne concerne que les vices non apparents lors de la réception, ne peut être retenue.
En revanche, la cour estime que "le maître d'oeuvre qui n'a pas vérifié la compatibilité du remblai avec la canalisation mise en place, et a proposé au maître de l'ouvrage de réceptionner les travaux sans réserve, a commis une faute dans l'exercice de son devoir de conseil qui engage sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage".
Ainsi, la réception des travaux par le maître de l'ouvrage ne désengage pas le maitre d'œuvre de sa responsabilité contractuelle qui reste tenu à un devoir de conseil.

L'Apasp

Référence : CAA De Bordeaux, 26 juillet 2012, n° 11BX00256
 

Rappel du rôle du maître d'oeuvre dans le marché public de travaux (Article 2 du CCAG Travaux)
Au regard des dispositions de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales CCAG-Travaux, "le maître d'oeuvre est la personne physique ou morale, publique ou privée, qui, en raison de sa compétence technique, est chargée par le maître de l'ouvrage ou son mandataire, afin d'assurer la conformité architecturale, technique et économique de la réalisation du projet objet du marché, de diriger l'exécution des marchés de travaux, de lui proposer leur règlement et de l'assister lors des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement. Si le maître d'oeuvre est une personne morale, il désigne la personne physique qui a seule qualité pour le représenter, notamment pour signer les ordres de service."