Commande publique - Litige entre acheteur et entreprise : le Conseil d'Etat met en avant la possibilité d'appeler le maître d'oeuvre en garantie
Le Conseil d'Etat estime recevable l'appel en garantie formé par un maître d'ouvrage à l'égard de son maître d'œuvre et ce, quand bien même le litige principal serait né entre l'acheteur et son prestataire. Dans le cadre d'un marché conclu pour la construction d'un auditorium à Dijon, un litige est né entre la commune et les trois entreprises auxquelles avaient été attribués les lots composant le marché. A la fin des travaux, le pouvoir adjudicateur notifie le décompte général à chacun des titulaires. Seulement, l'importance des pénalités de retard a pour conséquence de rendre le solde négatif au détriment des entreprises. D'où un conflit.
Les trois titulaires dénoncent les décomptes et demandent à être indemnisés du préjudice qu'ils ont subi du fait "de l'absence de conformité d'une partie de l'ouvrage et de l'allongement du chantier". De son côté, la commune forme un appel en garantie afin de mettre en jeu la responsabilité du maître d'œuvre à qui elle impute la cause de ces désordres. Les juges de première et seconde instances condamnent la commune à verser d'importants dommages et intérêts aux entreprises et rejetèrent l'appel en garantie qu'elle avait formé, au motif que "le litige ne portait pas sur le règlement du marché de maîtrise d'œuvre". Les juges du fond considérent en effet que la demande de la commune aurait dû être formulée contre l'assureur et non contre le constructeur.
Or, selon le Conseil d'Etat, la cour d'appel a commis une erreur de droit car le fait que "la commune de Dijon, maître de l'ouvrage, soit liée aux maîtres d'œuvre par des contrats distincts de celui sur lequel se fondait le litige principal ne faisait pas obstacle à ce que la commune soit recevable à présenter à leur encontre des conclusions à fin de garantie". Ainsi, tout comme dans l'arrêt Saint Rémy sur Durolle, même si le conflit en cause repose sur le lien contractuel entre le maître d'ouvrage et le titulaire, rien n'oblige la commune à se défendre sur le terrain de la responsabilité contractuelle de l'assureur. De même, rien ne l'empêche de mettre en jeu la responsabilité du maître d'œuvre et donc, à cette fin, de l'appeler en garantie.
L'Apasp
Références : CE 5 juillet 2010, n°314088, Commune de Dijon, CE 5 juillet 2010, n°314089, Commune de Dijon CE 5 juillet 2010, n°314090, Commune de Dijon CE 7 mars 2010, n°319563, Saint Rémy sur Durolle
Deux définitions
Appel en garantie : Procédure utilisée lorsqu'une personne assignée en justice estime qu'une autre devrait lui être substituée dans les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées contre elle. Par l'appel en garantie, celui qui prend l'initiative de cette procédure fait citer devant le tribunal déjà saisi la personne qui doit lui être substituée.
(Code de procédure civile : art. 109, 334 et s.)
Action en responsabilité contractuelle : Procédure engagée lorsqu'une mauvaise exécution des obligations nées du contrat fait apparaître un préjudice pour l'une des parties. Le fait dommageable donne droit à la réparation par des dommages et intérêts.
(art. 1147 du Code civil)