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Commande publique - Organisation d'un festival : délégation de service public ou marché public de services ?

Dans un arrêt du 23 mai 2011, le Conseil d'Etat a considéré que la convention confiant à une société privée l'organisation d'un festival de musique était, compte tenu des éléments, un marché public de services. Dès lors, les formalités de publicité et de mise en concurrence auraient dû être respectées.

Les activités culturelles ne sont pas toutes des services publics

Après plusieurs années de gestion directe du festival des Voix du Gaou, la commune de Six-Fours-les-Plages a décidé de confier l'organisation de ce festival à une société privée par le biais d'une convention, "dite de partenariat" (comme le souligne la cour d'appel), prévoyant une subvention annuelle de 495.000 euros. Saisi par des conseillers municipaux, le tribunal administratif a annulé cette délibération au motif que "la commune n'avait pu déléguer un service public sans procéder aux formalités de publicité et mise en concurrence applicables". Le jugement est confirmé en appel.
Le Conseil d'Etat casse l'arrêt en ce qu'il a qualifié l'organisation de ce festival de service public malgré l'absence de "tout contrôle de la personne publique sur la programmation artistique et sur les tarifs des spectacles". La commune ne faisait dès lors pas "preuve d'une implication telle que les conditions d'organisation de ce festival permettent de caractériser une mission de service public".
Certes, il existe un service public culturel, notamment consacré par l'arrêt Léoni de 1944 sur les théâtres municipaux. Mais une activité culturelle n'est un service public qu'à condition que la personne publique exerce son contrôle. Pour rappel, le Conseil d'Etat a dénié, dans un arrêt Société UGC Ciné-Cité de 2007, la qualification de service public à une exploitation de salles de cinéma par une société d'économie mixte au motif que la commune n'avait imposé aucune obligation particulière à l'exploitant ni mis en place un moyen de contrôle des objectifs fixés (voir ci-contre notre article d'octobre 2007).
Or, ce contrôle indispensable de la personne publique faisait également défaut en l'espèce, la commune s'étant, selon les termes du rapporteur public, déchargée de la responsabilité de l'organisation du festival. En l'absence de service public, la délégation de service public est donc exclue.

L'organisation d'un festival peut faire l'objet d'un marché public de services

Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat qualifie le contrat de marché public de services. En effet, l'article 1-I du Code des marchés publics énonce que "les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services sont des marchés publics soumis aux dispositions de ce code".
Or, en l'espèce, la convention confiant à la société l'organisation du festival, signée sans procédure de publicité et mise en concurrence, a été conclue à l'initiative de la commune "en vue de confier à un professionnel du spectacle des prestations d'exploitation de la billetterie et de promotion du festival des Voix du Gaou". Elle prévoit donc la fourniture d'un service à la commune pour répondre à ses besoins et ce, moyennant un prix "tenant en l'abandon des recettes du festival et au versement d'une somme annuelle de 495.000 euros". Cette convention devait donc être regardée comme constitutive d'un marché public de services. Dès lors, ce marché ne pouvait être passé sans mise en concurrence et publicité. Les juges du Palais-Royal optent ainsi pour la solution qu'ils avaient adoptée au sujet de la cession des droits d'exploitation d'un concert dans l'arrêt Commune de Garges-lès-Gonesse de 2010.
Enfin, le Conseil d'Etat estime que la dénomination de "subvention" des sommes allouées n'empêche pas la qualification de marché public. Il considère que la possibilité pour les communes d'accorder des subventions aux entreprises de spectacles vivants en vertu de l'article 1-2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 ne permet en aucun cas de déroger aux règles prévues par le Code des marchés publics.

L'Apasp

Références : Conseil d'Etat, arrêt Commune de Six-Fours-les-Plages du 23 mai 2011, n°342520 ; Conseil d'Etat, arrêt Commune de Garges-lès-Gonesse du 3 mars 2010, n°323076 ; Ordonnance n°45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles ; Conseil d'Etat, arrêt Société UGC-Ciné-Cité du 5 octobre 2007, n°298773 ; Conseil d'Etat, arrêt Léoni, du 21 janvier 1944 ; Cour administrative d'appel de Marseille, arrêt Commune de Six-Fours-les-Plages du 17 juin 2010 , n°09MA01507