Culture - Le Conseil d'Etat légitime les subventions à des organisateurs de spectacles privés
Dans un important arrêt du 6 avril 2007, le Conseil d'Etat met un terme aux incertitudes sur la validité juridique des subventions versées par des collectivités territoriales à des organisateurs de spectacles privés. En l'espèce, M. et Mme A contestaient la légalité de deux subventions de deux et six millions de francs (305.000 et 915.000 euros) attribuées en 1998 par la ville d'Aix-en-Provence à l'Association pour le festival international d'art lyrique et l'académie européenne de musique d'Aix-en-Provence. Les plaignants faisaient valoir que cet organisme s'était vu confier une mission de service public et qu'une association, pour être à même d'exercer une telle mission et de percevoir une subvention, devait être liée à la personne publique par un contrat de délégation de service public.
Cette position, retenue par la cour administrative d'appel de Marseille dans un jugement du 4 juillet 2005, est infirmée par l'arrêt du Conseil d'Etat. Celui-ci rappelle que des collectivités publiques responsables d'un service public peuvent toujours, si la nature même du service n'y fait pas obstacle, décider d'en confier la gestion à un tiers. Dans ce cas, elles doivent en principe conclure avec cet opérateur - quel que soit son statut juridique et même si elles en sont membres ou actionnaires - un contrat de délégation de service public ou un marché public de service. Mais le Conseil d'Etat considère "qu'elles peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel".
Dans cet arrêt de principe, le Conseil d'Etat précise également que les collectivités publiques "doivent aussi être regardées comme gérant directement le service public si elles créent à cette fin un organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification purement accessoire, de gérer ce service et si elles exercent sur cet organisme un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services". De même, "lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la dévolution d'une mission de service public". Mais "son activité peut cependant se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements".
En prenant soin de détailler ainsi les différents cas de figure, le Conseil d'Etat légitime le soutien financier d'une collectivité territoriale à une personne privée en charge d'une mission de service public culturel, sans avoir pour autant à recourir à une délégation de service ou à transformer l'opérateur en établissement public de coopération culturelle.
Fait inhabituel, le ministre de la Culture a publié, le 17 avril, un communiqué se réjouissant de l'arrêt du Conseil d'Etat, qui "apporte aux nombreuses collectivités publiques qui subventionnent des festivals un éclaircissement décisif sur le cadre juridique de leur intervention".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil d'Etat, arrêt 284736 du 6 avril 2007, M. et Mme Jean-Louis A, Commune d'Aix-en-Provence.