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Open Data - Opendata dans les collectvités locales : les enjeux économiques et de transparence

Le lancement de portails de données publiques s'accélère. Le 30 septembre dernier, le conseil général de Saône-et-Loire ouvrait le sien en annonçant une libération de toutes ses données, d'autres institutions, telles le Sénat, à l'occasion des élections, ou la ville de Nantes cet été, ont ouvert ou fait des annonces de prochaine ouverture. Le mouvement de l'Opendata prend de l'ampleur sur fond d'enjeux économiques et sociétaux. Il accompagne la montée en puissance de l'internet mobile et des technologies du Web 2.0.

Avant d'aller nager à la piscine il suffit de vérifier sur son mobile le taux d'occupation en temps réel, et, lorsqu'on habite dans une grande agglomération, de choisir par exemple l'équipement le plus tranquille. Les applications mobiles d'information administrative ou relatives aux transports publics, à l'environnement … se multiplient. Généralement issues des systèmes d'information des administrations publiques, elles utilisent tout type d'objet numérique, des tableaux, des cartes, des bases de données ou encore des jeux de données localisées. La multiplication d'outils de lecture ergonomiques, comme les smartphones ou les tablettes numériques, ont fortement élargi le champ d'information et d'action des usagers. Cette évolution de la technologie et des systèmes d'interfaces a joué un rôle d'accélérateur. Mais les données ouvertes comportent quelques restrictions : elles ne peuvent être nominatives, relever de la vie privée ou de contenus touchant à la sécurité nationale.
Plus d'une douzaine de collectivités territoriales ont lancé un portail présentant plusieurs dizaines de jeux de données réutilisables : la région Aquitaine, le conseil général de la Gironde et celui de la Saône-et-Loire. Du côté des villes, Rennes Métropole associée à Kéolis a été la première à ouvrir ses données en 2010. Elle a été suivie par Paris en janvier 2011, puis plus récemment par Montpellier et Bordeaux. Les villes de Nantes, de Brest, de Marseille et de Toulon devraient emboîter le pas prochainement.

Services numériques et démocratie

L'enjeu de la libération des données est souvent placé sur le versant économique. Selon Neeli Kroes, la commissaire en charge du Numérique, ce secteur est encore largement sous exploité alors qu'une estimation réalisée en 2006 (Measuring European Public Sector Information Ressource) estimait la taille basse du marché européen des données publiques à 26 milliards d'euros et à 47 milliards en hypothèse haute. Le marché britannique analysé en 2008 est évalué de son côté à 8 milliards d'euros. Enfin, une étude, réalisée au Danemark en 2010 (Danish enterprise and constuction authority), fournit des indications concrètes sur l'impact économique de l'ouverture des données publiques. La libération d'un fichier national des noms et adresses, réalisée en 2002, aurait, selon l'étude d'impact menée en 2010, conduit à une baisse unitaire de production de la donnée de 80%. Elle aurait contribué à la création de 48 entreprises avec 90 emplois à la clé, pour un bénéfice global financier de 62 millions d'euros (2005-2009) se répartissant entre le public pour 30% et le privé pour 70%. Ces informations fournissent des pistes mais ne constituent pas encore une démonstration de la viabilité du modèle économique d'ensemble ni des conditions dans lesquelles cette viabilité pourrait être assurée.
A côté de la dimension servicielle et des applications susceptibles d'améliorer la vie quotidienne des citoyens, les objectifs de transparence des décisions prises par les institutions publiques font également partie des nouveaux enjeux. Seules deux collectivités territoriales se sont positionnées sur ce terrain. La ville de Rennes a été la première à ouvrir la voie. La Saône-et-Loire vient de faire le "grand saut" en publiant ses données en finances publiques sur une profondeur de dix années, la liste des prestataires sur les marchés publics, la liste d'attribution des subventions, aux associations comme aux collectivités locales, les dépenses de l'administration, les dettes et les créances ainsi que les notes de frais des élus. Un geste qui ne devrait pas passer inaperçu à un moment de grande sensibilité citoyenne sur ces sujets.

Pas seulement des données qu'on publie

Les données publiques "ouvertes" doivent répondre à quelques critères fondamentaux. Elles ne sont pas seulement des informations que l'on dépose en vrac sur un serveur mais doivent être complètes sur les domaines traités, être diffusées sous la forme de données de base, directement collectées à la source, donc non agrégées ou modifiées. Outre les mises à jour régulières pour préserver leur valeur, leur accessibilité au plus large public et dans des formats exploitables par ordinateur est sans doute un des critères clé avec la gratuité.
Aussi un soin particulier est donné aux outils de visualisation disponibles sur les portails pour permettre à tous les publics de lire les données publiées. Le site de Saône-et-Loire (opendata71.Fr) permet non seulement de consulter des centaines de milliers de données mais aussi de les comparer et de les analyser grâce à une boîte à outils qui permet de produire des diagrammes de visualisation. Pour faciliter le travail de développement d'applications des professionnels, les collectivités mettent à leur disposition des jeux de données ainsi qu'une API (Application programming interface) c'est-à-dire un petit logiciel qui va faciliter la recherche et l'exploitation des données dans les propres programmes du développeur et permettre par exemple l'intégration de cartes exploitables comme le fait Google avec GoogleMap.

La stratégie de l'Etat se précise

L'ensemble de ces initiatives devrait être conforté avec le lancement en décembre du portail gouvernemental de données ouvertes (data.gouv.fr), coordonné par la mission Etalab. La mission sera chargée "de coordonner l'action des administrations de l'Etat" et le futur portail pourra "rendre accessibles les données de chaque collectivité locale qui le souhaite". La plateforme qui sera créée en fin d'année doit permettre la réutilisation des données la plus large, encourager l'innovation et "contribuer à renforcer la transparence de l'action de l'Etat en mettant en valeur le travail des administrations".
Quelques obstacles restent encore à lever. D'abord celui de la standardisation des licences sous lesquelles sont libérées les données des différentes collectivités. De son côté l'Agence pour le patrimoine immatériel de l'Etat (Apie) a également développé deux licences pour les données soumises à redevance. Elles concernent le téléchargement simple et les livraisons régulières d'information sur des sites dédiés et doivent permettre de nuancer les usages en fonction de leur nature ou de leur dimension.
Quant à la viabilité économique des démarches amorcées, elle n'est pas garantie. Les premières évaluations menées sur Rennes sont parfois décevantes, il y a bien eu 43 projets présentés par des sociétés lors du premier concours d'applications réalisé par la ville à l'occasion du lancement du site, mais à ce jour les plus importantes n'auraient donné lieu qu'à quelques milliers de téléchargements ce qui ne garantit pas aux sociétés d'édition un retour sur investissement par la publicité. Par ailleurs la libération des données budgétaires ne semble pas non plus avoir suscité de mouvement particulier venant de la presse ou des associations de défense des usagers. Problème d'éducation ? Désintérêt de la chose publique ? Il est un peu prématuré d'avancer des hypothèses sur un sujet nouveau et que les citoyens n'ont pas encore réellement apprivoisé. Il faudra sans doute un peu de temps et de détermination pour faire vivre les données ouvertes et leur donner toute la place qui leur revient.


Le conseil général de Saône-et-Loire libère toutes ses données publiques

Avec l'ouverture de son nouveau portail Opendata71, le conseil général de Saône et Loire affiche une politique qui se révèle innovante et audacieuse à plus d'un titre.
Les données libérées
Le principe posé est celui de la publication de toutes les données dont dispose le conseil général à l'exception des données nominatives et touchant à la vie privée. Le site permet à chaque citoyen de visualiser et utiliser les données sous la forme de carte ou de graphique par simple "glisser-déposer". Les recherches peuvent être affinées par date, lieu ou sous rubrique. L'usager n'a pas besoin de connaissances spécialisées pour manipuler les données et les résultats sont souvent spectaculaires notamment sur les projections à 10 ans. On y trouve aussi bien des informations sur les effectifs des collèges que sur les financements du département par commune ou des informations cartographiques sur les ballades vertes.
Les données sont gratuites et régies par la licence V2 de l'Apie, favorable à une réutilisation commerciale. Cette licence impose à tout utilisateur de citer la source, mais n'oblige pas à reverser de redevance dans le cadre d'une utilisation commerciale des données. L'interface pour les professionnels permet d'accéder aux fichiers source et de les télécharger sous différents formats numériques ou d'utiliser une API permettant d'interroger la base sans avoir à télécharger les fichiers.
Comité d'éthique
Pour accompagner l'ouverture et le partage de données numériques, le département met en place un comité d'éthique chargé d'observer et d'accompagner le département dans sa démarche. Il émettra des avis et des recommandations sur la nature des fichiers publics et s'assurera de leur protection
Concours d'applications
Il sera lancé au 1er d'octobre. Ouvert à tous il a pour objectif de développer de nouveaux supports numériques pour répondre aux besoins des usagers. Il est doté de 20.000 euros pour récompenser les réalisations les plus innovantes.
Investissement
Le développement du site et des outils de visualisation ainsi que de l'API ont couté 60.000 euros. Le conseil général a pour l'instant décidé d'utiliser le service Azure de Microsoft pour passer ses données publiques dans les nuages (service de "Cloud").