Oléron reconquiert friches et foncier au profit de l'agriculture (17)

Oléron dispose d'un foncier très morcelé. « Sur les secteurs où nous agissons, les parcelles font 1 500 m² en moyenne, indique Bastien Jouteau, animateur foncier à la communauté de communes d'Oléron. C'est lié à la place historique de la viticulture, à des multiples successions et au fait que des touristes ont acheté des terrains à camper. » Avec la déprise agricole et la multiplication de petits propriétaires, les friches gagnent alors du terrain. Dans les années 2010, des agriculteurs sollicitent l'intercommunalité pour les aider à conforter leur exploitation et soutenir la filière agricole. La communauté de communes crée alors un service agricole et mène en 2015 un diagnostic référençant tout le parcellaire, avant que les élus n'actent une stratégie de reconquête agricole. « Le travail a commencé doucement, avec des moyens limités. Il a pris sa pleine mesure en 2019, grâce aux moyens du conseil départemental de Charente-Maritime, qui ont permis de soutenir l'île dans sa stratégie de reconquête des espaces naturels et agricoles. »

Achats sur des secteurs clés

Le plan Oléron 21, un contrat de 3 ans (2019-2021) financé à 80 % par le département, permet alors de recruter un animateur foncier dédié. « Ma mission consiste à acheter des terrains à l'amiable sur une dizaine de secteurs clés de l'île, ciblés par les acteurs agricoles », poursuit l'animateur foncier. Malgré quelques refus, la plupart des propriétaires acceptent d’intégrer le projet : « Certains ne savent même plus qu'ils sont propriétaires ! Et lorsqu'ils hésitent à vendre, on leur propose de louer en bail rural afin qu’ils restent propriétaires mais que la terre soit remise en état et en activité ». Au fil du temps, la communauté de communes est ainsi devenue propriétaire de 83 hectares et prévoit d'acheter 30 hectares supplémentaires en 2023. 10 nouveaux agriculteurs se sont installés sur ces terrains, et certains approvisionnent la cantine publique. « Nous avons également aidé à relancer la filière salicole en soutenant financièrement quelques sauniers et en achetant des marais salants. »

L'animateur foncier répond également aux sollicitations individuelles des agriculteurs. « Je démarche pour eux les multiples propriétaires fonciers voisins, pour conforter leur exploitation. » Au fil du temps, la demande s'est amplifiée. La communauté de communes est passée d'une dizaine de sollicitations en 2019 à plus de trente en 2022, pour 59 hectares remobilisés au profit des agriculteurs, en achat ou bail rural. « Dès qu'on met le doigt dedans, on déroule une pelote indéfinie ! », souligne l'animateur foncier.

Ce qui rend particulièrement efficace le dispositif oléronais, c'est qu'il comporte également un volet de remise en état du foncier. « Chaque terrain acheté ou négocié en bail rural est débroussaillé aux frais de l'intercommunalité, avant d'être loué à l'agriculteur, prêt à être cultivé ou pâturé. C'est aussi le cas des terrains que nous négocions pour le compte des agriculteurs. » Si l'essentiel des terrains est débroussaillé de façon mécanique, la communauté de communes teste depuis un an l'éco pâturage dans 3 secteurs plus boisés, avec ânes, chèvres et moutons.

Du conseil aux propriétaires fonciers

L'originalité oléronaise ne s'arrête pas là : la communauté de communes propose aussi du conseil en patrimoine aux privés, soucieux de repérer leur patrimoine de le faire évoluer : « On dresse le bilan de leurs terrains, je leur donne le contact direct des bons interlocuteurs s'ils envisagent de céder leurs biens : le conservatoire du littoral, le département ou un agriculteur voisin intéressé. » Ce conseil permet ainsi de sensibiliser les propriétaires : « On y gagne à long terme, en prenant les choses en amont. Désormais, les privés m'appellent directement, ça fait boule de neige. » Près de 50 propriétaires ont bénéficié de ce conseil en 2022. En partenariat avec la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), la communauté de communes a acté un barème des prix fonciers selon leur typologie : « En cas de prix trop élevés à la vente, nous préemptons pour maintenir les prix ».À l'issue du contrat Oléron 21, l’île a bénéficié d'un nouveau dispositif départemental : le contrat de proximité. Il court jusqu'en 2026 et permet de poursuivre l'action. « Cette politique a vraiment trouvé sa place sur notre territoire », souligne l'animateur foncier. Depuis le Covid, l'île connaît en effet un regain d'intérêt : 25 à 30 porteurs de projets agricoles se présentent chaque année sur le territoire. La communauté de communes s'est alliée avec la Chambre d'agriculture de Charente-Maritime pour les accompagner dans leur formation et leur installation agricole. Seulement 2 à 4 projets voient le jour sur les 25-30. Le temps de la déprise agricole semble loin, Oléron peut désormais compter sur une agriculture vivante, au service de son autonomie alimentaire !