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Territoires - Offre sanitaire : les villes moyennes défendent leur rôle de pivot

Le champ de la santé apparaît comme une problématique montante pour les élus des villes moyennes. Leurs troisièmes Assises en ont largement témoigné.

"Charnière", "pivot"? Ces termes ont été récurrents durant les troisièmes Assises des villes moyennes, les 26 et 27 septembre à Chambéry, pour tenter de définir la fonction spécifique, dans le maillage du territoire français, de ces villes comptant entre 20.000 et 100.000 habitants.
Pierre Mirabaud, le patron de la Diact, s'est lui-même appuyé sur cette notion, louant leur "rôle de charnière entre métropoles et espace rural" et donc aussi leur "rôle majeur dans la cohésion territoriale". "Un rôle difficile", a toutefois reconnu Pierre Mirabaud, qui venait de dévoiler la liste des collectivités lauréates de l'appel à expérimentation "vingt villes moyennes témoins" lancé en mars dernier autour de quatre thèmes jugés essentiels par sa délégation : la santé et l'offre de soins, l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle des diplômés, l'accessibilité et les transports, le logement et le renouvellement urbain des centres.
La première de ces thématiques, celle de "l'offre sanitaire et médico-sociale", est apparue comme l'un des axes forts de la réflexion actuelle des élus des villes moyennes et de leurs intercommunalités, y consacrant l'un des principaux ateliers de leurs Assises. Sur la base d'une étude réalisée par la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) et la Caisse des Dépôts, qui conclut elle aussi que "la ville moyenne est bien un échelon pivot" dans ce champ de la santé, ils se sont fait l'écho de leurs difficultés quotidiennes et inquiétudes face, notamment, au mouvement de concentration de l'offre sanitaire sur les métropoles. Pour eux, comme l'a résumé jeudi le président de la FMVM, Bruno Bourg-Broc, en clôture de ces Assises, les villes moyennes doivent se forger "une place entre les établissement ou réseaux de proximité et les CHU".

La faiblesse de l'offre devient préoccupante

Soulignant que "l'offre sanitaire d'un territoire contribue largement à l'attractivité" d'une ville moyenne - au moins au même titre que d'autres types de services au public -, Bruno Bourg-Broc a plaidé en faveur d'une véritable "stratégie territoriale" commune en matière de santé. Et le maire de Châlons-en-Champagne d'évoquer la "légitimité" des villes moyennes à rassembler l'ensemble des acteurs, publics et privés" ainsi que la nécessité de "développer des réseaux de coopération" tant avec les grandes villes qu'avec les territoires ruraux.
L'étude confirme que pour une grande partie des 220 villes moyennes - qui regroupent 63% des équipements de santé -, la faiblesse de l'offre de soins devient préoccupante : "plus de la moitié des villes moyennes, principalement dans le Nord et le Centre du pays, sont marquées par la faiblesse de la densité médicale et paramédicale" et certains équipements, tels que les établissements pour personnes âgées ou les services de soins de suite et de réadaptation, font cruellement défaut. Le constat fait également ressortir "l'inadaptation" de l'offre médicale, avec des sites chirurgicaux "trop dispersés pour garantir le niveau de sécurité auquel l'état des savoirs permet de prétendre", tandis que d'autres spécialités de médecine sont "sous-développées". Enfin, si les villes moyennes maintiennent leur offre de médecins généralistes "en assez bonne position" par rapport aux zones rurales, ce n'est pas le cas pour les spécialistes de plus en plus concentrés dans les grandes villes.

Claude Evin : mettre en place une "offre graduée"

Cette même étude, pour laquelle un important travail statistique a été réalisé, a permis de dégager six "profils" socioéconomiques de villes moyennes - des profils qui induisent des besoins et donc des réponses spécifiques (personnes âgées, santé au travail, souffrance psychique des populations vulnérables...).  Et, sur cette base, de proposer aux élus une série d'axes d'action.
Lors des Assises de Chambéry, les élus se sont certes montrés conscients qu'un certain nombre de réorganisations s'imposent. Claude Evin, le président de la Fédération hospitalière de France, qui participait aux débats, le leur a d'ailleurs rappelé : "Ce n'est pas le statu quo qui nous sortira de la situation dans laquelle nous sommes." "Faire croire que l'on peut maintenir partout un service de chirurgie 24 heures sur 24, c'est leurrer la population. En revanche, la chirurgie ambulatoire doit être développée", a-t-il indiqué en exemple. Il a également tenu à souligner que contrairement à ce que certains seraient tentés d'affirmer, "ce n'est pas la tarification à l'activité qui crée les problèmes" liés aux équipements hospitaliers. Préférant parler de "recomposition" plus que de "restructurations", l'ancien ministre de la Santé a donc lui aussi plaidé en faveur d'une "offre graduée", d'une "stratégie de groupe, au-delà des territoires traditionnels".

Un collectif sur la liberté d'installation des professionnels

En tout cas, la FMVM compte bien poursuivre ses travaux sur le sujet. Et ce, d'autant plus que le secteur sanitaire risque d'être bousculé par un certain nombre de nouvelles mesures. Ainsi, certains points du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2008 pourraient quelque peu changer la donne, qu'il s'agisse de tarification à l'activité des hôpitaux ou de réglementation en matière de répartition des professionnels de santé sur le territoire.
La FMVM, de même que deux autres associations d'élus locaux - les grandes villes (AMGVF) et les petites villes (APVF) - ont d'ailleurs décidé de s'inscrire dans la démarche du "Collectif inter associatif sur la santé" qui a fait connaître ce 28 septembre ses positions sur cette question de la répartition des professionnels de santé. Sous l'intitulé "liberté d'installation, les vrais enjeux", ce collectif réunissant huit organisations évoque le risque de "véritables déserts sanitaires" et, tout en reconnaissant les limites des dispositifs incitatifs actuels, avance deux pistes de réflexions. Il s'agirait, au niveau régional, de "favoriser la formation d'internes dans les régions déficitaires en médecins, à l'occasion de la remontée du numerus clausus et d'assurer un respect plus strict des besoins par région et spécialité". Au niveau local, le principe serait de "limiter l'installation de nouveaux médecins dans les territoires où l'offre est jugée suffisante par les schémas régionaux de l'organisation des soins (SROS) qui devraient couvrir l'ensemble de l'offre de soins." Enfin, pour les zones les moins attractives, le collectif demande la définition d'un véritable "contrat de service public" avec les médecins libéraux qui accepteraient de s'y installer.

 

Claire Mallet

 

Les grandes villes aussi...

En plein débat sur la réforme du financement des hôpitaux à l'activité, une dizaine de maires ont participé à la première réunion du groupe d'étude "Santé et territoires" de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), mercredi 26 septembre, à l'Assemblée nationale. André Rossinot, maire de Nancy et président de la communauté urbaine du Grand Nancy préside ce groupe d'études.


Localtis : Pourquoi avoir réuni ce groupe d'études ?

André Rossinot :  il y a une volonté politique forte des maires des grandes villes d'être plus présents sur le domaine de la santé dans sa globalité. Les grandes villes sont des partenaires incontournables dans ce domaine. A la demande de plusieurs de ses membres, l'AMGVF a donc décidé de mettre en place ce groupe d'études.

 

Quelle est la feuille de route qui a été définie au cours de cette première réunion ?

Nous allons traiter plusieurs thèmes, parmi lesquels les nouveaux modes de gouvernance hospitalière, mais aussi ce qui se place au carrefour du social et du médico-social comme les réseaux ville-hôpital, la présence des associations, la santé publique, la lutte contre les maladies addictives ou l'accès des plus démunis aux soins. Le maire est un acteur qui, dans ces domaines, peut contribuer à faire bouger les lignes. Par ailleurs, la prévention et l'éducation à la santé deviennent un vrai problème de société, qui doit passer par le dialogue avec l'éducatif et le socio-éducatif. Nous allons réaliser un inventaire de toutes les initiatives prises dans les grandes villes et mutualiser ces expériences. Enfin, le développement durable et les questions urbaines que sont les problèmes de déplacement, la HQE (haute qualité environnementale) ou la sécurité sanitaire doivent faire l'objet d'une vision globale sur la valorisation du potentiel santé des grandes villes.

 

Quelles sont les prochaines étapes fixées par le groupe d'études ?

Nous allons nous réunir tous les mois et procéder dans les trois ou quatre mois qui viennent à une série d'auditions sur la gouvernance. Au début de l'année 2008, nous produirons un document qui exposera la projection dans l'avenir des maires des grandes villes et formulera un certain nombre de constats et de préconisations. Cette vision renouvelée, rénovée et pro-active de notre responsabilité donnera les moyens aux maires des grandes villes de France de faire progresser cette prise de conscience partagée à l'issue des élections municipales.

 

Propos recueillis par Delphine Goater