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Convention de l'ADCF - Nouveaux périmètres : les intercommunalités à pied d'oeuvre

La 26e convention de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) s'est tenue ces 8 et 9 octobre à Tours, au moment où les préfets dévoilent leurs projets de cartes intercommunales. Selon un premier bilan, le paysage intercommunal de certains départements pourrait profondément changer du fait de très nombreuses fusions. Le projet de territoire et la cohérence du périmètre doivent guider les réorganisations, souligne l'AdCF.

Malgré un seuil fixé finalement à 15.000 habitants dans la loi "Notr" et des adaptations rendues possibles dans les territoires peu denses et de montagne, un nombre très significatif de communautés doivent envisager des extensions ou des fusions. D'autant que certains des projets de carte intercommunale dévoilés depuis le début du mois par les préfets font preuve d'"ambition", suivant en cela la consigne donnée par la ministre en charge de la Décentralisation. Dans des départements comme "la Manche, le Cantal, les Hautes-Pyrénées, le Maine-et-Loire, les premières propositions des préfets vont bien au-delà des planchers légaux", a confirmé Charles-Eric Lemaignen, président de l'ADCF, en ouverture de la convention que son association tenait ces 8 et 9 octobre à Tours (voir aussi ci-contre nos autres articles liés à cette convention). Dans la Manche et les Pyrénées-Atlantiques, les préfets prévoient ainsi une réduction de 80% du nombre de communautés, ont détaillé, lors d'un forum, l'ADCF et Mairie-conseils, service de la Caisse des Dépôts.
Pour arriver à de tels résultats, les unions de communautés (souvent à trois, voire plus) sont privilégiées. Conséquence logique : les communautés "XXL" pourraient se multiplier et certaines d'entre elles pourraient même battre des records – telle une communauté de quelque 200 communes dans le Cotentin. Dans quelques cas, les anciennes intercommunalités ont vocation à devenir des communes nouvelles. Dans le pays des Mauges (Maine-et-Loire), ce sont les élus et non le préfet qui initient de tels changements. L'objectif est de "faire exister" un territoire rural "dans le paysage politique régional", de "devenir un interlocuteur de la région", a expliqué Didier Huchon, président de la communauté de communes Moine-et-Sèvre. Avec une population avoisinant les 120.000 habitants, la nouvelle intercommunalité dépasserait largement le seuil de 30.000 habitants au-delà duquel chaque communauté est représentée à la conférence territoriale de l'action publique animée par le président de région. Ultra-volontariste, un tel projet fait débat chez les présidents d'intercommunalité. Le problème, critique Marc Fesneau, président de la commission institutions de l'ADCF, c'est qu' "il y a toujours plus gros que soi".

"Avoir envie de travailler ensemble"

Le président de la communauté de communes Beauce et Forêt (Loir-et-Cher) planche lui aussi sur un projet de fusion, bien qu'il n'en ait pas l'obligation légale. Le mariage de sa communauté avec celle de la Beauce ligérienne doit aboutir à la création d'un ensemble de quelque 22.000 habitants. Mais là n'est pas l'essentiel, selon lui. "On n'a pas réfléchi à un périmètre : 'faut-il 15.000, 20.000, 25.000 habitants ?', explique-t-il. On s'est dit plutôt : 'Est-ce qu'on a envie de travailler ensemble ?'" La réponse a été affirmative. Les deux communautés appelées à fusionner partagent en effet des similitudes à la fois territoriales, économiques, sociales et financières.
S'il s'est dit "perplexe" sur les intercommunalités "XXL", Charles-Eric Lemaignen a appelé ses pairs à "prendre leurs responsabilités". La ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu s'en est félicitée. "Nous nous dirigeons vers la constitution de 1.100 à 1.200 EPCI dans notre pays", calcule-t-elle. "C'est un tour de force, bravo ! Allez-y, continuez !", a-t-elle lancé aux quelque 2.000 congressistes. En les invitant à venir s'asseoir aux premiers rangs de la salle du Parc des expositions de Paris qui accueillera le prochain congrès des maires de France du 17 au 19 novembre prochains. Dans cette enceinte où les maires seront ultra-majoritaires, "ça va être difficile sur l'intercommunalité", a-t-elle redouté. Un passage pourtant obligé. "La confiance des maires et des élus locaux" est essentielle, a souligné Olivier Audibert-Troin, président de la communauté d'agglomération dracénoise. Sans elle, "on ne peut aller vers plus d'intégration intercommunale".

Thomas Beurey / Projets publics, à Tours

Exercer des services de proximité sur des territoires plus vastes
Comment des communautés aux vastes périmètres peuvent-elles assurer des services de proximité de manière efficace ? Déjà présente lors de la réorganisation intercommunale qui s'est achevée en 2014, la question va de nouveau se poser dans les deux prochaines années lors des opérations d'extension de périmètres et de fusions. Les réponses seront variables d'une communauté à une autre.
Certains élus voient dans la création d'une commune nouvelle à l'échelle de l'ancienne intercommunalité le moyen de relever le défi, ont relevé les participants de l'un des forums organisés le 8 octobre. D'autres envisagent l'implantation de pôles de services sur le territoire, en dehors de la ville-centre. Autre possibilité encore : l'exercice décentralisé des compétences. La communauté de communes Beauce et Forêt a suivi cette piste pour la gestion des écoles, "une compétence de proximité par essence", selon Marc Fesneau, son président. La création d'un syndicat intercommunal permet ainsi de mutualiser les charges, notamment celles concernant le personnel. Concrètement, les agents communaux sont mis, par convention, à disposition du service scolaire intercommunal. En parallèle, le processus de décision est en partie décentralisé. Bilan : les élus municipaux ne se sentent pas "dépossédés de compétences dont la charge symbolique est forte".

L. Terrade et T. Beurey, à Tours