Administration numérique - Nouveau départ pour l'accusé de réception électronique
Le projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, adopté en première lecture au Sénat le 17 juillet, prévoit, parmi trois réformes importantes, d'instituer un droit de saisine des autorités administratives par courrier électronique. Il s'agit en effet de "sécuriser juridiquement les nombreux échanges numériques existant déjà via internet, y compris en dehors des téléprocédures dédiées et de donner à ces échanges une valeur de nature comparable au courrier papier", a rappelé Marylise Lebranchu, la ministre en charge de la Réforme de l'Etat, devant les sénateurs.
En outre, le projet de loi prépare un autre changement de paradigme : le silence gardé plus de deux mois par une administration sur une demande vaudra non plus "rejet" mais "acceptation". S'il est vrai que 400 procédures dérogatoires étaient déjà soumises à un régime d'approbation tacite (Article 22 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000) comme les permis de construire ou encore les autorisations de défrichement, cette "inversion" constitue une petite révolution dans les règles administratives. Associée au droit de saisine électronique de l'administration, elle devrait s'insérer dans un nouveau code des relations entre les administrations et le public dont la rédaction serait confiée au Secrétariat général du gouvernement (SGG) et l'entrée en vigueur effectuée par la voie des ordonnances.
Pour l'heure, le texte adopté par le Sénat prévoit des exceptions - les domaines pour lesquels, le silence vaudra toujours rejet de la demande -, instaure un délai glissant lorsque l'administration doit demander des documents complémentaires pour statuer, prévoit la publication sur un site internet des différents délais d'intervention de la décision tacite et des procédures pour lesquelles le silence vaut acceptation. Il fixe également le début du compte à rebours, "à la date de réception du dossier complet par l'administration compétente", ce qui implique la production d'un accusé de réception confirmant le point de départ des délais.
Un changement de culture administrative
Le projet de loi va introduire de nouvelles téléprocédures et des changements organisationnels et de culture administrative dans les collectivités territoriales. Marylise Lebranchu a annoncé, au cours des débats, la constitution d'un groupe de travail avec les principales associations d'élus et de parlementaires des deux chambres afin d'identifier les procédures locales concernées.
Mais la concertation n'effacera pas l'ampleur des changements à opérer. Beaucoup d'élus s'interrogent en effet sur la capacité d'administrations locales souvent mal préparées, à absorber d'importants changements organisationnels. De quels moyens les services publics locaux vont-ils devoir se doter pour instruire les demandes dans des conditions satisfaisantes ? Comment éviter que l'acceptation ne résulte d'un embouteillage des demandes, mais bien d'un examen réfléchi ?
Le mécanisme d'accusé de réception électronique reste l'un des éléments centraux du dispositif à mettre en œuvre. L'ordonnance du 8 décembre 2005 (n°2005-1516) prévoyait déjà l'obligation de l'administration d'accuser réception de toute demande de déclaration ou de production de documents adressée par la voie électronique. Mais devant sa complexité et ses implications, le gouvernement avait renoncé à définir les modalités d'applications et notamment les dispositifs de certification des procédures.
De l'accusé de réception à la gestion des délais
L'application des nouveaux principes reposera sur une organisation capable de traiter tous les messages électroniques en tenant compte de nombreux cas de figure rendus possibles par les textes en vigueur :
- L'usager n'est pas tenu de s'adresser a priori au service compétent. En cas d'erreur d'adressage, c'est l'administration qui assure le routage au service compétent. Une procédure à double détente est alors appliquée : envoi d'un accusé d'enregistrement - une sorte d'accusé de réception provisoire - par le service ayant reçu la demande puis, après acheminement, envoi de l'accusé de réception du service compétent faisant courir le délai légal. L'absence d'accusé de réception se révélerait dangereuse, la date d'envoi de l'usager pouvant alors être prise en compte.
- Le contenu de l'accusé de réception émis par le service compétent reste également une procédure très codifiée. En principe, il doit fournir la date de réception de la demande et la date à laquelle celle-ci sera réputée acceptée dans la nouvelle formulation (ou rejetée) à défaut de réponse écrite ; la désignation, l'adresse postale, l'adresse électronique et le numéro du service chargé du dossier. Il précise que la demande, en cas de décision implicite d'acceptation, peut faire l'objet de la délivrance d'une attestation.
- Lorsque la demande est incomplète, l'administration fait connaître la liste des pièces manquantes. Les compteurs sont alors remis à zéro jusqu'à la réception des pièces réclamées. Ceci donnant lieu à nouveau à des accusés de réception appropriés. On peut supposer aussi qu'un verrou sera installé pour éviter qu'une administration ne fasse volontairement courir un nouveau délai en demandant systématiquement des documents manquants avant la date limite.
- Certaines procédures opposables imposeront la signature électronique de l'accusé de réception par le service traitant, ne serait-ce que pour sécuriser son action. Or, fait inquiétant, une enquête réalisée par l'ex-DGME auprès des administrations centrales pour identifier les procédures nécessitant une telle signature a révélé que la grande majorité des administrations ne se sentait pas concernée.
La gestion des accusés d'enregistrement et de réception, la surveillance des délais de réponse et la mise en œuvre de systèmes de routages efficaces des demandes, imposeront aux collectivités locales le déploiement de plateformes de gestion de courrier électronique conformes à la nouvelle réglementation. Or très peu disposent aujourd'hui des moyens techniques et d'une culture de gestion adaptée. La réforme part d'un bon sentiment, certains craignent que sa mise en application, prévue "dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi", ne provoque quelques dommages collatéraux. Les communes ne semblent pas prêtes à absorber ce nouveau choc de simplification. Aussi l'Etat ne devra pas se contenter de fixer les règles, il devra aussi proposer des solutions réalistes permettant à toutes les collectivités, quelle que soit leur taille, de se mettre en conformité.