Environnement / Transports - Notre-Dame-des-Landes : Ségolène Royal repart à l'offensive et s'oppose de nouveau à Manuel Valls
Ségolène Royal, qui n'a jamais caché son scepticisme sur le projet actuel d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, est repartie à l'offensive le 6 avril, lors d'une conférence de presse, contredisant à nouveau le Premier ministre Manuel Valls : elle souhaite que le projet soit revu à la baisse, avec une seule piste, et dénonce les expulsions "inadmissibles" d'agriculteurs.
Le projet d'aéroport, destiné à remplacer initialement d'ici 2017 le site de Nantes Atlantique, "doit être modifié", a lancé la ministre de l'Environnement, qui a appelé les élus à trouver un compromis, soit en réduisant sa taille soit en modernisant le site nantais. Pour elle, le rapport d'experts publié le 5 avril, qui conclut à un projet "surdimensionné", est "un moment de vérité". Quelques heures plus tard, elle a enfoncé le clou : "S'il y a décision de transférer (l'aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes, ndlr), le rapport s'appliquera, je vous le dis : ça sera une seule piste. Ce n'est pas la peine de faire croire aux gens que ce sera autrement." "Une piste, ça permet déjà 11 millions de voyageurs", a affirmé la ministre. "Et l'objectif d'augmentation de trafic d'ici 2020, c'est cinq millions de voyageurs. Ça suffit, une seule piste", a-t-elle insisté.
Des propos en contradiction avec la position de Matignon, qui estime que le rapport des experts valide la "pertinence" du projet et qui met en doute "la faisabilité juridique" du passage de deux à une piste. Dans leur rapport, les trois experts concluent que "les différents scénarios se résument en un choix entre une modernisation de Nantes Atlantique et un aéroport sur le site de Notre-Dame-des-Landes redimensionné à une seule piste au lieu des deux prévues".
"Un feuilleton qui a trop duré"
Pour Ségolène Royal, cette étude, qu'elle avait commandée, doit contribuer à clore un dossier vieux de 50 ans, qui divise toujours plus âprement élus, opérateurs, écologistes, habitants... "Ça n'a que trop duré, les Français sont fatigués de ce feuilleton, de gens péremptoires qui depuis des années nous disent qu'il n'y a pas d'autres solutions que ce qu'ils avaient mis sur la table, avec des aéroports à double piste. (...) Chacun doit faire un pas vers l'autre."
Mais l'affaire ajoute à la cacophonie au sein du gouvernement sur ce dossier. A Matignon, la démarche de la ministre agace. "Elle a bien joué son coup", grince un conseiller de Manuel Valls. Ces deux fortes personnalités, qui se sont déjà opposées sur le rejet de boues toxiques en Méditerranée ou la construction de l'A381 dans l'Ouest, n'en sont pas à leur première passe d'armes sur Notre-Dame-des-Landes. En janvier, Ségolène Royal assurait que les opposants ne seraient pas évacués, au moment où Manuel Valls déclarait l'aéroport "nécessaire".
Grâce à ce rapport, "il y a sur la table une base incontestable sur les différents choix possibles", a-t-elle fait valoir mercredi. "Donc les élus (...) vont se reparler, pour redéfinir soit l'aménagement de l'aéroport actuel (à Nantes, ndlr) soit la construction d'une seule piste" à Notre-Dame-des-Landes. Cela veut dire aussi "rendre des terres aux agriculteurs. Car il y a eu un certain nombre de problèmes d'expulsion inadmissibles : ces expulsions ne sont pas fondées, puisque le rapport dit que 200 hectares ont été gelés inutilement". La modernisation de l'aéroport actuel ou la construction d'un nouveau, avec une seule piste, à Notre-Dame-des Landes nécessiteront une nouvelle enquête publique, a encore relevé Ségolène Royal, précisant qu'une enquête publique durait un an.
Le référendum "va se faire"
Ce débat n'empêchera pas le référendum local du 26 juin de se tenir. Car il ne porte pas sur la taille du projet, a rappelé la ministre. La question sera simplement : "oui ou non, voulez-vous le transfert de l'ancien aéroport vers un aéroport à Notre-Dame-des-Landes?", a-t-elle précisé. Le référendum "va se faire". "Les citoyens vont enfin se saisir de la réalité des faits, alors que jusqu'à présent, on leur disait 'circulez il n'y a rien à voir, les choix sont faits'", a-t-elle poursuivi, se disant "prête à susciter des réunions autant qu'il en faudra". Une méthode qu'elle a déjà appliquée, avec un certain succès, fin 2014 dans la crise du barrage de Sivens (Tarn).
Mais il n'est pas certain qu'elle rencontre le même écho chez les élus locaux. Les propos de Ségolène Royal "sont très orientés", a jugé Philippe Grosvalet, président socialiste de la Loire-Atlantique, qui préfère se référer au Premier ministre, "beaucoup plus cohérent". "S'il doit y avoir un dialogue autour du dimensionnement (de Notre-Dame-des-Landes), oui je suis ouvert, à la seule condition que cela ne retarde pas le dossier", a-t-il cependant ajouté. Réagissant aux déclarations de Ségolène Royal, le président de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau, a estimé dans un communiqué qu'"une nouvelle enquête publique obligerait à repartir sur dix ans de procédures, auxquelles ne survivra pas le projet. Cela reviendrait à dire aux électeurs : 'même si vous votez oui, ce sera non !'". "Tout cela décrédibilise encore la parole du gouvernement et obscurcit l'avenir économique du Grand Ouest", a-t-il ajouté.
"Nous recommandons d'examiner une solution avec un aéroport à une seule piste", a pour sa part souligné l'un des auteurs du rapport, Nicolas Forray, en marge de la conférence de presse de Ségolène Royal. "La réponse à une piste nous paraît parfaitement pertinente, au-delà des besoins connus, imaginés de la desserte du Grand Ouest", a-t-il poursuivi, espérant que ce rapport ouvrira "un espace de dialogue".