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Lutte contre l'exclusion - On ne plaisante plus avec le droit au compte

L'Autorité de contrôle prudentiel a choisi de sanctionner lourdement une banque qui a manqué à ses obligations en matière de droit au compte, élément clé de la lutte contre l'exclusion bancaire.

Mis en place par la loi bancaire du 24 janvier 1984 et codifié à l'article L.312-1 du Code monétaire et financier, le droit au compte permet à toute personne, physique ou morale, susceptible de se voir privée d'accès aux services bancaires à la suite du refus d'un établissement de crédit d'ouvrir spontanément son premier compte de dépôt, d'obtenir la désignation par la Banque de France d'un établissement qui sera tenu de lui ouvrir un tel compte, assorti de la fourniture de certains services bancaires dits "de base".
Il s'agit donc d'un élément clé de la lutte contre l'exclusion bancaire. L'inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement constituaient d'ailleurs le thème de l'un des sept groupes de travail de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale des 10 et 11 décembre derniers (voir nos articles ci-contre du 22 janvier 2013 et du 7 décembre 2012). Mais si des progrès conséquents ont été accomplis (voir notre article ci-contre du 5 mai 2010), il reste néanmoins encore des réticences et des points noirs.
Dans une décision du 3 juillet 2013, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) - autorité administrative indépendante placée auprès de la Banque de France et chargée de surveiller l'activité des banques et des assurances - a choisi de taper fort. A la surprise générale, sa commission des sanctions a en effet infligé un blâme et une sanction de deux millions d'euros au Crédit Lyonnais (LCL) pour avoir manqué à ses obligations en matière de droit au compte. Le motif d'une telle décision ? : "LCL n'avait pas, à la date du contrôle, pris toutes les mesures d'organisation propres à assurer la correcte application de l'ensemble de ses obligations vis-à-vis des bénéficiaires du droit au compte institué par la loi, et auquel la profession bancaire a manifesté son adhésion".

Pas de mauvaise volonté, mais un manque de vigilance

La décision précise certes que "le dossier n'a fait ressortir aucune volonté délibérée [de LCL] de méconnaître ces obligations" (la banque recense 10.816 compte actifs au titre du droit au compte) et reconnaît que "l'établissement a engagé un important programme de mise en conformité de son dispositif informatique et procédural". Mais l'ACP considère "que la population particulièrement défavorisée concernée par cette législation appelait une attention particulière" et que les erreurs commises par les salariés de LCL dans l'application des consignes reçues - l'explication invoquée par la banque pour sa défense et d'ailleurs non contestée par l'ACP - auraient dû être repérées et corrigées.
Dans sa décision, l'ACP rejette aussi la demande de LCL qui souhaitait que la publication de la sanction soit anonymisée. Une façon de souligner encore davantage que cette décision a valeur d'avertissement et d'inviter l'ensemble du secteur bancaire à s'assurer de la réalité effective de la mise en oeuvre du droit au compte, dans le strict respect de ses modalités législatives et réglementaires.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Autorité de contrôle prudentiel, commission des sanctions, décision 2012-09 du 3 juillet 2013, Le Crédit Lyonnais.