Municipales 2026 : l'appel des maires à s'investir dans les mandats locaux

À un an du renouvellement des conseils municipaux, la question de l'engagement des citoyens dans la vie municipale, qui était en débat ce 1er avril lors d'une journée d'échanges au siège de l'Association des maires de France (AMF), nourrit autant d'espoir que d'inquiétude. L'AMF lancera en septembre une campagne de communication dans l'objectif de susciter des vocations.

En 2020, 902.465 candidats avaient brigué les suffrages à l'occasion des élections municipales et cette mobilisation de "un électeur sur cinquante" offre "des raisons d'être optimiste", selon Martial Foucault, professeur à Sciences Po. Mais la crise liée au Covid-19 est passée par là, facilitant l'émergence d'une "civilisation du cocon", où "se recroqueviller sur son petit îlot d'ultraproximité" devient un comportement très courant. Si on veut [au contraire] dessiner un projet [municipal], il faut avoir encore le goût d'autrui", a alerté Jérémie Peltier, codirecteur général de la Fondation Jean-Jaurès. 

"Pas de démocratie locale sans capacité à agir"

Pour les édiles se pose cependant davantage "la question du réengagement que celle de l'engagement", ainsi que l'a exprimé André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF. "Montée de l'individualisme et du consumérisme", inflation des normes, "carences de l'État", "injonctions contradictoires"... Le mandat municipal n'est pas de tout repos et parce qu'il devient chronophage, ses titulaires ont de plus en plus de mal à concilier son exercice avec une activité professionnelle et leur vie personnelle. En outre, les attentes des concitoyens sont élevées et leur priorité numéro un, le pouvoir d'achat, ne relève pas du champ de compétence des municipalités, comme l'a noté Martial Foucault. Il y a un risque de déception des Français, d'autant que les maires voient leur pouvoir se réduire, selon l'AMF. David Lisnard, le président de l'association, pointe là l'une des causes de la crise démocratique que traverse la France et des démissions de maires ("42 par mois en moyenne depuis 2020"). "Le sens de l'engagement, c'est d'être utile", a abondé André Laignel, en concluant que maintenir, voire redonner, "un pouvoir d'agir" aux communes permettra de "susciter plus facilement des vocations". 

La proposition de loi sur le statut de l'élu local, que le Sénat a adoptée en première lecture en mars 2024, peut lever "des freins à l'engagement", mais elle ne sera "pas suffisante", a regretté Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF. Il faudrait d'ailleurs que le texte soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce qui ne serait pas encore le cas, selon le député Stéphane Delautrette. Le président de la délégation aux collectivités territoriales a appelé les maires à se mobiliser et à faire pression pour que la proposition de loi figure bien au menu des travaux des députés en ce printemps.

"Raconter la belle histoire de l'engagement"

Reste que les titulaires du "plus beau des mandats" continuent d'obtenir la confiance d'une grande partie des Français - de l'ordre de 65 à 70%, selon les enquêtes - loin devant les députés, qui ne recueillent la confiance que de 25 à 30% de l'opinion publique. "Le carburant de cette confiance" est "le lien de proximité" entre ces élus et les Français, a analysé Martial Foucault.

Proches des habitants, les maires sont des acteurs essentiels du vivre ensemble et les événements collectifs qu'ils peuvent organiser participent à "l'enracinement" de la population, a souligné Rodolphe Amailland, maire de Vertou. Mais les édiles et leurs actions devraient être davantage valorisées, notamment dans la presse quotidienne régionale, a-t-il estimé. En suggérant de montrer qu'ils "ne sont pas seulement des gestionnaires, mais aussi des visionnaires".

"Il y a une autre réalité que celle des maires agressés", a abondé Jean-Marc Vayssouze-Faure, sénateur et président de l'association des maires et élus du Lot (AMF 46). Interrogés par celle-ci, les conseillers municipaux de ce département ne sont "pas sûrs de repartir", mais lorsqu'on leur demande s'ils regrettent de s'être engagés, ils sont 95% à répondre non. Et ils expliquent pourquoi : "J'ai trouvé une équipe, une forme de reconnaissance et cela m'apportera peut-être demain sur le plan professionnel", résume le président de l'AMF 46. L'association départementale n'en est pas restée là, puisqu'elle a initié en mars une campagne de communication(Lien sortant, nouvelle fenêtre) pour "raconter cette belle histoire de la démocratie locale et de l'engagement". Son slogan ("Je suis citoyen, je m’engage pour ma commune") et les témoignages inspirants de cinq élus lotois sont mis en lumière. Un kit de communication complet (affiches, internet, publications municipales…) a été adressé à toutes les communes et intercommunalités du Lot. Les affiches sont également visibles sur les abribus du département. Réalisée en interne, cette campagne n'a coûté que "2.000 euros". "Tout le monde peut le faire", a estimé Jean-Marc Vayssouze-Faure.

Campagne de l'AMF sur l'engagement

Les maires eux-mêmes peuvent d'ailleurs être les ambassadeurs de la cause de l'engagement civique, comme l'a relaté Florian Bercault. Élu maire du chef-lieu de la Mayenne pour la première fois en 2020, ce trentenaire a rendu visite à "toutes les classes, du CP au CM2", pour [se] présenter avec un message civique". "Il n'y a pas un enfant à Laval qui ne connaît pas son maire, j'espère avoir semé des graines, non pour ma réélection, mais pour qu'ils incitent leurs parents à s'engager et à être intéressés à la chose", a-t-il témoigné.

Avant la présence sur une liste électorale, l'engagement passe par le vote. Un acte qui ne va cependant plus de soi. Plus du tiers des électeurs se sont abstenus au scrutin municipal de 2014, contre 21% en 1977, a rappelé Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de Harris Interactive France. "Une des grandes raisons pour lesquelles les gens s'abstiennent, c'est qu'ils ne sont pas informés" et "deux semaines avant" le scrutin, "il est trop tard" pour s'inscrire sur les listes électorales, a expliqué Clémence Pène, coprésidente de l’ONG "A voté". Mais selon elle, les communes ne sont pas sans ressources pour mobiliser les électeurs. En vue des prochaines municipales, l'ONG travaille par exemple avec la mairie de Grenoble "sur comment on quadrille la ville avec du porte-à-porte pour inscrire tout le monde sur les listes électorales et engager vraiment du lien social".

Pour encourager les citoyens à s'investir dans la vie municipale - mais aussi dans les associations -, l'AMF va elle-même lancer en septembre une grande campagne de communication. Diffusée "sur les réseaux sociaux" et par voie d'"affichage", elle sera déclinable "avec le logo de la commune". En outre, pour "adopter une tonalité et des slogans qui vont parler aux jeunes", l'AMF "va faire appel à des influenceurs". Ce thème de "l'engagement civique et citoyen" sera au cœur des échanges du congrès des maires de France qui se tiendra en novembre, a dévoilé David Lisnard. À noter aussi que l'AMF créera sur son site internet une rubrique dédiée aux élections municipales. Avec l'objectif d'apporter des "informations utiles", à la fois aux candidats et aux citoyens (inscriptions sur les listes électorales, procurations…).

 

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