Mobilité électrique : le gouvernement recharge les batteries
Parmi les mesures sur les véhicules électriques annoncées le 12 octobre par le ministère de la Transition écologique, et les premières signatures d’une charte visant à parvenir à l’objectif de 100.000 bornes de recharge électrique d’ici fin 2021, plusieurs concernent les gestionnaires publics de flottes et les collectivités, qui sont les premiers aménageurs de points de recharge en accès public.
Vraie ou fausse croyance ? Face à la peur, fondée ou non, de la panne de batterie, seul un maillage consistant de bornes de recharge est en mesure de rassurer les automobilistes déjà équipés ou bien tentés de se convertir à l’électrique. Le ministère de la Transition écologique le sait et souhaite à la fois favoriser l’acquisition de véhicules électriques, mais aussi leur utilisation. Le 12 octobre, la matinée qu’il organisait intitulée "objectif 100.000 bornes", reprenant ainsi l’objectif fixé par le président de la République, a réuni des acteurs de la filière automobile, autoroutière, de l’énergie, de la grande distribution ainsi que des élus locaux.
70.000 bornes de plus en un an
L’électrification du parc a lentement progressé ces dix dernières années ; l’idée est maintenant "d’accélérer", a défendu Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Pour démystifier le débat, son ministère rappelle que 90% des recharges se font de toute façon à domicile ou au travail et que dans l’espace public, plus de 30.000 points de recharge sont aujourd’hui opérationnels, "soit plus que le nombre de stations-service ouvertes". Il est vrai que depuis 2012, quand le territoire ne comptait encore que 1.800 bornes, le déploiement des points de recharge suit tranquillement son cours. Mais comment, en un an, le gouvernement compte-t-il s’y prendre pour atteindre l’objectif, avancé dès le plan de soutien à la filière automobile (voir notre article), de 100.000 points de charge ouverts fin 2021 au public ?
Augmenter et élargir les aides
Avant tout, il table sur l'efficacité du programme Advenir et l’enveloppe (100 millions d'euros) dont il est doté. Généreuse, elle est financée grâce au mécanisme des certificats d'économie d'énergie (CEE). Lors d’un webinaire (voir notre article), l'Avere-France, structure porteuse du dispositif, expliquait que celui-ci consiste à aider toute entreprise ou personne publique à installer des recharges sur des parkings ouverts au public. Il peut s’agir de parkings privés mais ouverts au public, par exemple ceux des supermarchés. Advenir vise ainsi 11.000 points de recharge de ce type d’ici 2023. Jusqu’à 60% du coût de ces bornes ouvertes au public pourra être pris en charge, soit une aide allant de 2.000 à 9.000 euros, contre 1.000 à 2.000 euros jusqu’à aujourd’hui. Reconduit en novembre prochain, ce programme ne cesse également de s’élargir et vise des stations de recharge sur le réseau routier national, en zone à faibles émissions métropolitaines, ou encore celles dédiées aux deux-roues ou dans les immeubles résidentiels (programme 3.000 copropriétés).
Bastion réfractaire ou rendant complexe l’installation de bornes, les copropriétés ont été évoquées par Jean-Baptiste Djebbari. Le ministre délégué aux Transports a indiqué que le coup de pouce financier y prendra la forme d’un système d'avance remboursable. Pour les particuliers, d’autres aides sont annoncées, notamment pour permettre "aux ménages les moins aisés d'avoir accès aux véhicules électriques". Un dispositif de microcrédit, bénéficiant de la garantie de l'Etat, doit être déployé pour financer le reste à charge, c’est-à-dire "ces quelques milliers d'euros qui restent jusqu'ici un obstacle à l'achat", a ajouté le ministre délégué. Pour "démocratiser l’usage" de ces véhicules restant chers à l’achat, un bonus de 1.000 euros est prévu pour ceux qui sont d’occasion et en outre-mer, le bonus à l’achat de véhicule neuf sera augmenté de 1.000 euros, "pour tenir compte des surcoûts dans ces territoires".
Maillage de qualité
Par ailleurs, des aides au "rétrofit" de bornes déjà installées seront mises en place, pour remettre à niveau une partie du réseau existant, en les rendant notamment interopérables. En effet, disposer de bornes en grand nombre est une chose, "parer aux anomalies et difficultés rencontrées dans leur utilisation, lesquelles freinent l’adoption du véhicule électrique", en est une autre, souligne l’association Afirev. Créée il y a cinq ans par des opérateurs de la mobilité pour assurer cette interopérabilité des bornes, l’Afirev commence à diffuser des chartes issues de retours d’expérience, afin que chaque acteur de l’écosystème s’engage sur ce qui relève de la qualité de service. Elle a aussi créé un observatoire de la qualité : un bilan d’étape est prévu début 2021. Le ministère a par ailleurs annoncé une enveloppe de 100 millions d’euros pour les bornes de recharge rapide sur les autoroutes (aires de service) et le réseau routier national. Et plusieurs grands distributeurs (E.Leclerc, Lidl, Système U), signataires de la charte "objectif 100.000 bornes", promettent d’en installer des milliers sur leurs parkings. Une charte que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a également signée en vue d’accompagner les collectivités dans le déploiement de nouvelles bornes et réseaux, environ 6.000 d’ici la fin 2021. De même, la métropole du Grand Paris veut en déployer 5.000 et offrira un appui financier aux communes qui s’équipent, à hauteur de 5.000 euros par borne installée.
Enfin, d’autres mesures intéressent les collectivités, qui sont à la fois les premiers aménageurs de points de recharge en accès public, et qui disposent et gèrent elles-mêmes leurs propres flottes. L’opérateur Enedis (ex-ERDF) assure qu’il se mobilisera à leur côté pour raccorder un maximum de bornes au réseau de distribution. Sur le plan fiscal, une option évoquée consiste à faire évoluer les conditions d’éligibilité au fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). Ce fonds assure aux collectivités et à leurs groupements la compensation, à un taux forfaitaire, de la TVA qu’ils acquittent sur leurs dépenses d’investissement. Jusqu’alors, les dépenses afférentes à la location de longue durée (LLD) de véhicules électriques n’étaient pas considérées comme des dépenses d’investissement car elles ne se traduisent pas par l’intégration d’un nouvel élément dans le patrimoine de la collectivité. A plusieurs reprises, des sénateurs ont alerté le gouvernement sur ce blocage. La piste d’un recours rendu possible à ce fonds est désormais sérieusement étudiée et sera discutée dans le cadre du projet de loi de finances 2021.