Logement - Mise aux normes des ascenseurs : report d'un an et "choc de simplification"
Comme on pouvait s'y attendre (voir notre article ci-contre du 11 janvier 2013), Cécile Duflot a annoncé, par un communiqué en date du 10 mai, un nouveau report de la date limite de la seconde échéance de la mise aux normes des ascenseurs. Une décision était urgente, car cette date limite était fixée au 3 juillet 2013.
Il s'agit là de l'une des trois dates butoirs prévues par le plan national de mise en sécurité des ascenseurs, issu de l'article 79 de la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003. Ce plan s'applique aux ascenseurs "destinés à desservir de manière permanente les bâtiments et les constructions". La première échéance de mise aux normes portait principalement sur les dispositifs de limitation de la vitesse de descente de la cabine et sur la sécurité des portes, tandis que l'échéance de juillet concerne notamment les dispositifs de télé-alarme, la précision d'arrêt de l'ascenseur et la protection contre les risques électriques.
La première échéance, initialement fixée au 3 juillet 2008 avait déjà été reportée au 31 décembre 2010, mais sans que les deux suivantes soient décalées.
Moratoire et remise en cause des normes
Si l'annonce d'un report de l'échéance d'un an - soit au 3 juillet 2014 - n'est donc pas réellement une surprise, il n'en va pas de même pour les modalités qui l'accompagnent. Cécile Duflot annonce en effet "la mise en place d'un moratoire concernant le dispositif de précision d'arrêt de la cabine pour tous les ascenseurs [en l'occurrence un dispositif coûteux : le variateur de fréquence, Ndlr], à l'exception de ceux installés dans des établissements recevant du public (ERP)". En attendant la décision définitive sur ce point, le communiqué annonce "la constitution d'un groupe de travail, piloté par les services du ministère, chargé de réexaminer la pertinence de poursuivre la mise en œuvre du dispositif de précision d'arrêt dans les ascenseurs installés en dehors des ERP, et le cas échéant, de proposer des solutions moins onéreuses".
Cécile Duflot ne fait pas mystère de l'origine de cette décision, en indiquant que "ces mesures illustrent le 'choc de simplification' annoncé le 21 mars par le président de la République dans le cadre du plan d'investissement pour le logement, qui vise à éliminer les réglementations présentant le rapport coût/efficacité le moins probant". Elle estime que les efforts financiers déjà réalisés par les propriétaires (entre 4 et 6 milliards d'euros) sur un certain nombre de dispositifs permettant d'éviter les accidents les plus graves ont permis d'atteindre "des résultats très positifs en termes de sécurité des usagers". Tout en semblant décidée à alléger les contraintes des normes techniques, la ministre rappelle également qu'elle a demandé aux ascensoristes de "consacrer les moyens nécessaires pour améliorer de manière significative la maintenance et assurer le fonctionnement des ascenseurs : de trop nombreux usagers se plaignent de pannes fréquentes et de l'indisponibilité de leur ascenseur sur des durées pouvant aller jusqu'à plusieurs jours".
Copropriétaires contre ascensoristes
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Manifestement surprises par la mesure, deux associations de copropriétaires, l'Union nationale des responsables de copropriétés (Unarc) et l'Association des responsables de copropriété (ARC), ne cachent pas leur satisfaction. Elles saluent "une victoire encore plus importante que prévu", tout en estimant que ce délai supplémentaire leur permettra de "faire jouer la concurrence" et d'obtenir ainsi des baisses de prix. Les deux associations dénoncent par avance "les 'hurlements' des gros ascensoristes et de certains bureaux d'études", ainsi que le chantage à l'emploi.
Le discours est naturellement très différent du côté des ascensoristes. S'ils admettent à contrecoeur le report d'un an - reçus le 12 avril par Cécile Duflot, les professionnels avaient demandé que le report ne dépasse pas un an -, ils accueillent en revanche très mal le moratoire sur les dispositifs de précision d'arrêt et la remise en cause des normes. Interrogé par l'AFP, le délégué général de la Fédération des ascenseurs (FA) a ainsi dénoncé "une décision démagogique et politique" et soupçonne Cécile Duflot de vouloir jouer "la bonne élève" du "moratoire sur les normes". La fédération dénonce également le "bon prétexte" donné aux propriétaires pour "surseoir à leurs obligations".
Alors que l'installation d'ascenseurs neufs recule de 5% par an - conséquence directe de la crise de la construction -, elle prévient que les mesures annoncées pourraient avoir un impact négatif sur l'emploi dans la profession, estimé "à court terme à 1.500 emplois directs et 500 emplois induits".
Jean-Noël Escudié / PCA