Logement numérique - Mieux vivre ensemble grâce à l'internet de proximité ?
C'est une première ! Logial-OPH, bailleur social de la communauté d'agglomération de la Plaine Centrale du Val-de-Marne, a inauguré ce 23 juin un "ascenseur numérique" à la résidence Bourdarias d'Alfortville. En partenariat avec le réseau social ma-résidence.fr et l'ascensoriste Schindler, ce nouvel équipement offre à l'intérieur de sa cabine un miroir écran qui diffuse des informations multimédia aux locataires : des bons plans échangés entre voisins, des flashs de l'ascensoriste et du bailleur social ainsi que les promotions des commerçants du quartier ou l'agenda culturel de la ville. Cette initiative originale fait de Logial-OPH, l'un des premiers offices agréés "Bailleur numérique & citoyen". Elle s'appuie sur l'expérience de ma-residence.fr, site construit dans le monde du web collaboratif (dit 2.0). Expérimenté dès novembre 2007 auprès de 50 résidents d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), ce réseau social a pour vocation de faciliter les relations entre voisins, dans un même immeuble ou d'immeuble à immeuble, et des habitants avec leur environnement : bailleur social, conseil syndical, syndic (pour les copropriétés), municipalité, associations, commerçants de proximité... Récompensé en mai 2008 par les pouvoirs publics en tant que lauréat de l'agrément "Service numérique & citoyen", ma-residence.fr compte environ 10.000 immeubles inscrits sur tout le territoire et notamment les OPHLM du Kremlin-Bicêtre (94) et prochainement de Levallois-Perret (92).
Réinitialiser la vie sociale
Ce réseau internet de proximité qui permet de retisser du lien social au sein des quartiers n'est pas une initiative unique en France. En mai dernier, Atanase Périfan, créateur de la Fête des voisins, lançait le programme "Voisins solidaires, les bons côtés d'être à côté" en partenariat avec le ministère du Logement. Ce projet s'appuie sur une plateforme en ligne "d'échange d'informations et de liaisons entre tous les voisins de France et de Navarre". L'objectif : prolonger la réussite de la Fête des voisins qui a rassemblé, pour sa dixième édition, près de 6,5 millions de Français et 9 millions d'Européens. "Nous ne serions jamais parvenu à ce résultat sans le partage d'informations via le Net : c'est ce qui se passe quand le web devient humain et qu'il se met au service d'une vision, d'un projet réellement humaniste", s'enthousiasme Atanase Périfan. Ouvert depuis quelques semaines, le site compterait déjà 40.000 inscrits, selon son créateur.
Meilleur exemple, le réseau social Peuplade, né des rencontres de quartier dans le 17e arrondissement de Paris, revendiquerait autour de 200.000 membres en France. Il avait gagné quelque 100.000 internautes en deux mois, grâce au soutien de la municipalité de Paris en 2007. A Rennes (Ille-et-Vilaine) en revanche, le site associatif La Ruche affiche seulement 1.447 comptes, malgré le soutien de la ville. Pourtant, ces réseaux sociaux de proximité sont nés dès la popularisation du web avec les premiers intranets d'immeubles dans les grandes villes américaines et le partage de connexions wifi, par exemple.
Atteindre une masse critique
Pourquoi alors le mouvement semble-t-il si long à démarrer en France ? Il y a d'abord, sans doute, un problème de modèle économique. Les premiers sites fonctionnent essentiellement sur le modèle associatif et l'équilibre, surtout dans ces temps de restrictions budgétaires, n'est pas facile à atteindre. Il faut d'autant plus souligner l'originalité de la démarche de ma-residence.fr, qui est une entreprise. Un essai de financement classique, hérité des start up, a d'abord été mis en place avec deux niveaux de services : un accès gratuit à une offre de base et un abonnement à un site plus complet payé par les syndics ou les bailleurs (de l'ordre de 20 euros par logement et par an). Désormais, l'ensemble du site est accessible gratuitement grâce à un financement par les commerces de proximité qui y font leurs annonces promotionnelles.
Autre explication possible : la diffusion de la culture internet est-elle encore insuffisante, a fortiori dans les quartiers où ce type de services numériques seraient les plus utiles ? La fracture numérique est encore bien réelle malgré les efforts des municipalités pour maintenir leurs espaces publics multimédias. Il y a enfin, probablement, un manque d'accompagnement par les acteurs locaux.
Plaidoyer pour un "Nouveau Vivre ensemble"
"Nous avons en France un manque de volontarisme pour tester des solutions qui marchent", regrette Gilles Feingold, directeur général de ma-résidence.fr. Pour y remédier, Charles Berdugo, créateur-entrepreneur du site, organisait, le 17 juin dernier au palais du Luxembourg, un colloque autour du lancement de son livre "Le Nouveau Vivre ensemble". A l'invitation du sénateur et président du conseil régional de Bourgogne, François Patriat, le sociologue Guillaume Erner, l'économiste Laurent Maruani et Atanase Périfan y ont débattu des avantages et inconvénients du développement de ces réseaux sociaux de proximité. "Les entreprises et les élus locaux auraient intérêt à s'intéresser à ces nouveaux réseaux au risque de rater un rendez-vous avec le monde !", a prévenu l'économiste. L'objectif ambitieux de l'entrepreneur est d'atteindre une masse critique locale de 20% d'inscrits dans chaque ville de France d'ici deux à trois ans. L'élu, en tant que prescripteur, peut faciliter ce mouvement via une campagne de communication, comme pour Peuplade. Il peut aussi organiser ce type de colloque au sein de sa ville : "Nous nous chargeons, de notre côté, de contacter localement les bailleurs sociaux, les syndics de copropriétés et les commerçants en vue d'organiser la manifestation de lancement", a repris, avec son sens commercial, Gilles Feingold. "Il y a l'internet qui tue, qui éloigne, et l'internet qui rapproche. Comme toutes les technologies, le web sera ce que nous en ferons !", a conclu Charles Berdugo. 82% des Français souhaitent améliorer leurs relations de voisinages, selon la Sofres.
Luc Derriano / EVS