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Industrie - Michel Barnier : "Il faut retrouver l'audace de la Ceca"

Pour le commissaire européen au Marché intérieur, l'Europe a commis une erreur en se détournant de l'industrie. La politique de relance qu'il appelle de ses voeux doit se faire en étroite association avec les territoires.

Pendant que les gouvernements européens se font les chantres de la rigueur, se livrant quasiment à un concours du plus grand plan d'austérité, d'autres essaient de donner de la voix dans un tout autre registre. Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur, en a fait la preuve lors de l'assemblée générale de la conférence des régions périphériques et maritimes à Aarhus, au Danemark, le 30 septembre.
"Je sais l'importance des services, mais ça ne suffit pas", a-t-il affirmé, déclinant un à un les arguments qui justifient, selon lui, le retour à une politique industrielle forte en Europe. "Tous les pays qui ont des déficits sont [ceux] qui ont abandonné l'industrie et sont obligés d'importer", a-t-il fait remarquer.

L'Europe évincée du G8 ?

Dans le top ten des économies mondiales, quatre pays européens, dont la France, figurent en bonne position. "Dans quarante ans, si nous continuons comme aujourd'hui, il n'y aura plus que l'Allemagne", a-t-il averti, allant jusqu'à prédire l'éviction, à terme, de tous les pays européens siégeant au sein du G8.
Le ton est alarmiste et le virage à effectuer colossal : Il faut "retrouver l'audace de la Ceca [la Communauté européenne du charbon et de l'acier, NDLR]", a-t-il lancé à un parterre d'élus locaux et de fonctionnaires. Les collectivités sont justement appelées à participer à ce nouvel élan : "Nous devons recréer les conditions d'une politique industrielle qui intéresse les territoires", a-t-il insisté.
En ligne de mire, l'appui sur les pôles de compétitivité et la montée en puissance des investissements dans des secteurs stratégiques : technologies de l'information, biotechnologies et santé, transports, matériaux et énergies propres.

110 propositions

Son discours intervient à la veille de plusieurs échéances européennes dans le domaine de l'innovation : d'ici la fin de l'année, une réforme sera proposée afin de permettre aux PME d'obtenir du capital risque dans toute l'Union européenne, quand celui-ci obéit encore aujourd'hui à une logique nationale. Le brevet européen devrait être opérationnel en 2013, afin de mettre un terme aux surcoûts générés par les demandes de protection des innovations industrielles adressées dans chaque Etat.
La période mobilise aussi les pôles de compétitivité français. Depuis 2007, un "tour de France de l'innovation" a été réalisé par l'organisme France Clusters, qui s'est attaché à recenser les idées visant à améliorer le financement européen des pôles de compétitivité. Le 9 novembre, plusieurs de leurs représentants se rendront à Bruxelles afin de présenter les fruits de ce travail. Au total, 110 propositions seront adressées aux services de la Commission européenne. "Les pôles de compétitivité et leurs entreprises ainsi que les autorités de gestion des fonds structurels européens et leurs partenaires rencontrent une difficulté grandissante en raison de l'extrême diversité d'interprétation des textes qui régissent le régime des aides à l'innovation et au développement dans les différentes régions françaises. D'une manière générale les pôles de compétitivité pointent une instruction lourde et souvent restrictive par rapport à d'autres pays de l'UE", explique un responsable de France Clusters.
Un mode d'emploi clair est donc réclamé, afin de ne pas passer à côté de la manne européenne. Le 3 novembre, les régions auront l'occasion d'échanger sur leurs expériences mutuelles pendant le 9e Carrefour européen des clusters. Comment assurer la reconversion de certaines filières industrielles ? Comment obtenir des financements européens ? En 2002, le traité instituant la Ceca prenait fin. Dix ans plus tard, un nouveau chantier industriel, certes plus porté sur le développement durable, semble s'ouvrir.