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Sécurité - Mesures anti-terroristes : quel impact pour les collectivités ?

Manuel Valls a confirmé mercredi que l'Etat subventionnera l'achat de gilets pare-balles pour les policiers municipaux. Par ailleurs, 60 millions d'euros sur trois ans, pris sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, serviront à financer des actions de prévention de la radicalisation. Le Premier ministre a en outre annoncé le recrutement de 1.400 policiers supplémentaires en trois ans. Quant au projet de loi sur le renseignement, il sera déposé au Parlement début mars.

Le ministère de l'Intérieur subventionnera "l'acquisition par les communes d'équipements de protection et de gilets pare-balles au profit des policiers municipaux qui ont droit à une plus grande protection". C'est ce qu'a assuré le Premier ministre, mercredi 21 janvier, à l'issue du Conseil des ministres, lors d'une conférence de presse sur les mesures anti-terroristes qui vont être mises en œuvre suite aux attentats qui, il y a deux semaines, ont fait 17 victimes en France, dont une policière municipale de Montrouge.
Vendredi dernier, une délégation de l'Association des maires de France (AMF) conduite par son président, François Baroin, s'était rendue au ministère de l'Intérieur pour demander un cofinancement de l'Etat pour l'acquisition de ces gilets pare-balles au profit des policiers municipaux armés.
Le Premier ministre a également annoncé qu'une enveloppe de 60 millions d'euros serait "spécifiquement consacrée à la prévention de la radicalisation" dans les trois ans à venir. Dans une communication en Conseil des ministres, le gouvernement précise que cet argent sera prélevé sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, et servira à "la mise en oeuvre de dispositifs de contre-radicalisation, de suivi individualisé et de réinsertion, dans chaque département", tels que prévu par le plan de lutte contre la radicalisation et le djihadisme d'avril 2014. Pour rappel, la dernière circulaire d'utilisation des crédits du FIPD publiée le 31 décembre 2014 a, pour la première fois, fait de la lutte contre la radicalisation une des priorités de 2015. "La radicalisation n'est pas propre aux quartiers. Il faut être lucide, ce phénomène touche tous nos territoires", a souligné le Premier ministre.
Manuel Valls a également rappelé que le président de la République avait fait de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme "une grande cause nationale", ce qui implique un travail de "remobilisation nationale et territoriale de toutes les forces vives de la République". Un nouveau délégué interministériel présentera "sous un mois" un plan interministériel de lutte dans ce domaine. Un travail sera également mené au sein de l'Education nationale (la ministre de l'Education en présentera le détail jeudi). Enfin, le gouvernement entend soutenir les "initiatives culturelles des collectivités et des artistes engagés".

3.000 personnes à surveiller

En dehors de ces quelques annonces, le discours de Manuel Valls est surtout une resucée des mesures déjà présentées la semaine dernière (voir ci-contre notre article du 14 janvier 2014). Il entend agir sur deux leviers : le renforcement des effectifs et la lutte contre le cyberterrorisme. Il a indiqué qu'à l'heure actuelle 122.000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés à travers le territoire pour assurer la protection "des synagogues, institutions et écoles juives, des mosquées et établissements scolaires musulmans et des espaces publics".
Manuel Valls a aussi expliqué que l'action contre le terrorisme serait un travail de "longue haleine" et que le nombre de personnes radicalisées ne cessait d'augmenter. Il estime à "près de 3.000" le nombre de personnes à surveiller, entre celles impliquées dans les filières terroristes en Syrie ou en Irak (1.300, soit une augmentation de 130% en un an), les 400 à 500 personnes concernées par les filières plus anciennes (pakistano-afghane notamment) et ceux qu'il désigne comme les "animateurs actifs dans la sphère cyber-djihadiste".

1.400 policiers recrutés en trois ans

En termes d'effectifs, Manuel Valls a annoncé que 1.400 policiers seraient recrutés dans les trois ans, dont "1.100 seront directement affectés au sein des unités de renseignement chargées de lutter contre le terrorisme". Les effectifs du service de protection des personnalités exposées et de la Police de l'air et des frontières (PAF) seront également renforcés ; ces derniers auront pour mission de mettre en place la nouvelle plateforme des données des déplacements aériens (PNR).
Sur les 1.400 nouveaux effectifs, 530 seront recrutés dès cette année. De son côté, le ministère de la Justice créera 950 nouveaux emplois en trois ans ; ils seront répartis entre les juridictions, l'administration pénitentiaire et la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Parallèlement à ces augmentations, les coupes des effectifs seront réduites, comme l'a confirmé François Hollande lors d'un conseil de défense à l'Elysée, mercredi : le chef de l'Etat a décidé de "réduire de 7.500 les déflations d'effectifs prévues pour le ministère de la Défense sur la période de 2015 à 2019 par la loi de programmation militaire, dont 1.500 dès l'année 2015", selon un communiqué de l'Elysée.
Au total, le plan de renforcement de la lutte antiterroriste de Manuel Valls se chiffrera à 425 millions d'euros de crédits d'investissement, d'équipement (dont les subventions aux polices municipales) et de fonctionnement. Ces dépenses seront compensées "par des économies à due concurrence sur l'ensemble du champ de la dépense publique", a précisé le Premier ministre.

Le projet de loi sur le renseignement au Parlement en mars

"Une partie substantielle des renforts humains sera affectée aux cyberpatrouilles et aux équipes d'investigation sur les délits commis sur internet", a encore ajouté Manuel Valls qui, depuis un an, a fait de la surveillance d'internet sa priorité. Il a, à ce titre, précisé que le projet de loi sur le renseignement (qui s'inspirera des travaux du président de la commission des lois de l'Assemblée, Jean-Jacques Urvoas) sera présenté "le plus vite possible" au Conseil des ministres et transmis au Parlement "début mars". Selon lui, la loi de 1991 sur les interceptions a été rendue "lacunaire" par l'arrivée d'internet. Cette nouvelle loi qui confortera les "capacités juridiques" des services de renseignement s'ajoutera à deux précédents textes, les lois de décembre 2012 et de novembre 2014 qui ont "permis d'édicter des outils permettant d'agir avec des bases légales plus solides contre la propagande et l'apologie de terrorisme". La loi de novembre 2014 a notamment introduit le blocage et le déférencement des sites internet à caractère terroriste. Les décrets d'application doivent être pris dans les prochains jours. "J'appelle (les fournisseurs de sites) de manière solennelle à répondre aux signalements du public et à coopérer étroitement avec les autorités", a martelé Manuel Valls, alors que la plateforme Pharos de signalement de contenus illicites a reçu 30.000 signalements depuis le 7 janvier. "Les communications électroniques sont un vecteur quotidien, non seulement de propagande, mais également d'organisation et de communication logistique. Les terroristes utilisent fréquemment les mêmes réseaux sociaux que le grand public", a affirmé Manuel Valls. Jamais pourtant, il n'a mentionné le "Dark Web", c'est-à-dire la partie du web non visible par les internautes, où prospèrent toutes sortes de trafics illicites, dont les ventes d'armes et les activités terroristes.