Marché de l'assurance des collectivités : des pistes pour renforcer le "jeu concurrentiel"
Certains "dysfonctionnements du secteur de l'assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales" sont de nature "structurelle", mais ils peuvent être résolus ou atténués par la mise en oeuvre de plusieurs ajustements par les collectivités et les assureurs, estime l'Autorité de la concurrence, dans un avis rendu le 27 janvier.

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C'est à la demande de la commission des finances du Sénat que l'Autorité de la concurrence s'est penchée sur la question de l'assurance des biens des collectivités. Un sujet sensible, ayant fait l'objet, ces derniers mois, de plusieurs rapports (Sénat, mission "Chrétien-Dagès"…) et sur lequel des mesures gouvernementales sont régulièrement annoncées, mais différées.
"La structure et la dynamique concurrentielle positionnent les collectivités territoriales et les assureurs dans une relation déséquilibrée et ne permettent pas à la demande des collectivités d’être pleinement satisfaite", constate l’arbitre de la concurrence dans le document de 35 pages, rédigé notamment à partir d'auditions de représentants des collectivités et d'assureurs. Un constat que les sénateurs avaient déjà dressé. Les deux principaux acteurs, Groupama et SMACL Assurances SA "se partagent plus de 40% de ce secteur en valeur", indique l'Autorité de la concurrence. Des assureurs comme le groupe Covea (GMF, MAAF et MMA), Allianz, Axa, ou Generali sont également "actifs" auprès des collectivités, mais avec pour chacun des parts de marché inférieures à 10%. Et "à court terme", de nouveaux acteurs ne viendront a priori pas les rejoindre. Pour cause : le marché présente une trop "faible rentabilité".
Mieux connaître le patrimoine détenu par la collectivité
En outre, les collectivités "ont une connaissance insuffisante de leur patrimoine et du niveau de sinistralité auquel leurs biens mobiliers et immobiliers sont confrontés". Les assureurs n’auraient donc "pas suffisamment d’informations permettant de répondre aux appels d’offres".
L'Autorité de la concurrence constate par ailleurs que les règles de la commande publique constituent "une contrainte" tant pour les collectivités que pour les assureurs, en nécessitant notamment des connaissances qui ne sont pas toujours à leur portée.
Pour "renforcer le jeu concurrentiel" dans le secteur de l'assurance des biens des collectivités, l'organisme indépendant recommande en premier lieu d'"améliorer la préparation des marchés publics dans ce domaine". Cela passe, selon elle, par une connaissance plus fine par les collectivités de leur patrimoine et des risques auxquels elles sont exposées. Mais aussi par une meilleure expertise, rendue possible par le recours à "des services d'assistance à la maîtrise d'ouvrage" ou "des services partagés avec d'autres collectivités". La nécessité pour les collectivités de développer une politique de prévention des risques est également soulignée.
Afin que les appels d'offres ne demeurent pas infructueux, il est conseillé aux collectivités d'allonger les délais de réponse accordés aux assureurs (au moins 45 jours au lieu de 30), de prévoir des lots séparés "par type de risques ou par type de biens", et, enfin, d'étaler leur organisation sur l'année entière - alors qu'ils sont concentrés généralement sur la période de l'automne.
"Droit à l'assurance"
Appels d'offres sans réponses, résiliations unilatérales des contrats à l'initiative des assureurs, hausses considérables des tarifs, relèvement des franchises… Les difficultés rencontrées par les collectivités pour s'assurer, accrues depuis les émeutes de l'été 2023, persistent et inquiètent vivement les élus locaux. Avec, de leur part, des prises de paroles régulières. "Il est désormais urgent de réunir autour de la même table" les acteurs concernés par "la crise de l'assurance des collectivités", plaidait ainsi l'Association des maires de France (AMF) dans un communiqué, le 21 janvier. Et dès le lendemain, Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France (APVF) appelait, lors de ses vœux, à la création d'un "droit à l'assurance" pour les collectivités (voir notre article).
Dès que le projet de budget pour 2025 aura été promulgué, le gouvernement pourra "traiter" le sujet, lui a répondu en substance Françoise Gatel, la ministre de la Ruralité. "Nous annoncerons ainsi très prochainement une série d’actions concrètes, pour que chaque collectivité (…) puisse trouver une solution d’assurance adaptée", avait promis mi-janvier - dans l'hémicycle du Sénat - son collègue chargé des Transports, Philippe Tabarot.
Référence : Autorité de la concurrence, avis n° 25-A-04 du 23 janvier 2025 relatif au secteur de l’assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales. |