Assurances des collectivités : "Il faut remettre le dossier au-dessus de la pile"
Alain Chrétien, le maire de Vesoul, qui avait été chargé en décembre par le gouvernement d'Élisabeth Borne d'une mission "sur l'assurabilité des biens des collectivités territoriales", a invité le 24 septembre le nouveau gouvernement et les assureurs à se saisir vraiment et rapidement des difficultés que rencontrent les collectivités pour s'assurer.
Si depuis un an, les collectivités ayant un litige avec un assureur peuvent saisir le Médiateur de l'assurance (voir notre article), elles n'en continuent pas moins de rencontrer d'importants problèmes : augmentations tarifaires à deux chiffres, niveaux des franchises relevés significativement, résiliations unilatérales annoncées par des assureurs sans aucune justification… "Les services de l'Association des maires de France reçoivent encore aujourd'hui, quasiment toutes les semaines des courriers de maires qui sont fous furieux" à cause de leur assurance, a résumé l'élu de Haute-Saône lors d'une conférence de presse au siège parisien de l'association dont il est vice-président (voir la vidéo).
"Nous souhaitons très rapidement une rencontre, ici à l'AMF, avec à la fois le nouveau ministre de l'Économie, la nouvelle ministre aux Collectivités territoriales et les assureurs [représentés par leur fédération France assureurs] pour mettre en place un dialogue tripartite au niveau politique", a déclaré Alain Chrétien, qui s'exprimait avec Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama et coresponsable de la mission confiée par le gouvernement Borne.
Observatoire des tarifs
L'élu a dit vouloir associer le Sénat à ces "réflexions", et notamment le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, auteur d'un rapport présenté fin mars et visant à "ranimer la concurrence sur le marché de l'assurance des collectivités" (voir notre article). Des travaux dont les constats et les propositions sont "très proches" de ceux de la mission Chrétien-Dagès.
Le rapport du tandem a été finalisé au printemps et aurait dû être remis officiellement le 26 juin à Bercy. Mais l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin, par le président de la République a remis en cause ce calendrier. Le rapport a quand même été remis officieusement au gouvernement sortant.
Depuis, les administrations de l'État "ont commencé un travail technique" pour tenter d'améliorer le sort des collectivités. Selon l'AMF, les travaux de mise à jour du guide de bonnes pratiques de passation des marchés publics d’assurance ont ainsi "débuté". Dans son rapport, la mission préconise de revoir la pratique du code des marchés publics, en vantant les mérites de la procédure des marchés négociés, qui "permet d'ajuster l'offre par rapport à la demande".
De plus, "une mission de réflexion" sur la création par la Caisse centrale de réassurance (CCR) d’un observatoire des tarifs des assurances souscrites par les collectivités "est en cours", selon l'AMF. Mais "c'est trop lent et ne répond pas aux attentes des collectivités qui ne trouvent pas d’assureur", fulmine l'association.
Mutualisation des risques pour les violences urbaines
Elle aimerait que d'autres propositions – parmi les plus sensibles - de la mission conduite notamment par son vice-président soient également mises en chantier. En particulier celles qui concernent la mutualisation des risques liés aux émeutes (comme celles que la France a connues en 2005 et 2023). Avec pour enjeu d'"éviter que ce risque pèse uniquement sur les élus qui n'ont rien demandé et subissent régulièrement la destruction de leurs biens publics", a résumé Alain Chrétien. Avec l'ancien président de Groupama, il propose que "quelques centaines de millions d'euros" provenant du fonds de mutualisation des risques liés aux attentats (le "Gareat" ou Gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et terroristes, qui a été créé à la suite des attentats de septembre 2001 aux États-Unis) et qui serait actuellement doté de 2 milliards d'euros, soient "orientés" vers la mutualisation du risque "émeutes". Le maire de Vesoul préconise également la création d'une mission d'information parlementaire, afin de faire la transparence sur le fonctionnement du "Gareat". Lors de leur audition, les responsables de ce dispositif financé par les assureurs avaient en effet été réticents à divulguer les données concernant ce dernier.
Le fonds de mutualisation ainsi étendu serait "accompagné d'une contribution publique nationale", a indiqué Alain Chrétien. Avec cette double solution, les assurances feraient leur retour auprès des collectivités touchées par les émeutes, estime l'élu.
En mai, la ministre déléguée en charge des collectivités territoriales, Dominique Faure, "avait déclaré que l’État allait étudier la proposition concernant la création d’un fonds alimenté par les assureurs" portant sur le risque lié aux émeutes, fait savoir l'AMF. Déplorant que cette proposition n’ait toutefois "pas été suivie d’actes significatifs", elle appelle à "agir rapidement".
Culture du risque
On saura par ailleurs que le gouvernement en charge des affaires courantes à partir de la mi-juillet a envisagé plus sérieusement une autre piste : la création d'une cellule d'accompagnement des collectivités au sein des services du Médiateur de l'assurance. Alain Chrétien devait auditionner Arnaud Chneiweiss - qui occupe cette fonction - sur cette hypothèse qui ne l'enthousiasme guère. Ce rôle d'accompagnement appartient plutôt aux services de l'État et aux courtiers, a jugé le maire. En concluant que "ce n'est pas en tordant le bras des assureurs qu'on les fera revenir" sur le marché des collectivités.
Dans leur rapport, Jean-Yves Dagès et Alain Chrétien préconisent d'"intégrer la culture du risque dans le fonctionnement quotidien des collectivités". Avec notamment plusieurs propositions : le recensement du patrimoine et des risques, la désignation d'un manager des risques, ou encore "l'harmonisation" des "référentiels" de sécurité appliqués dans le public avec ceux en vigueur dans le privé.
"On va mettre quelques mois, voire quelques années à pacifier la relation entre les assureurs et les collectivités, ça ne va pas se faire en trois semaines", a prévenu Alain Chrétien. Selon l'élu, il n'existerait pas de "mesure miracle".