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Réforme territoriale / Finances - Malgré les fusions, les régions françaises demeureront des "nains" budgétaires

Avec les fusions et avec les nouveaux transferts de compétences, les régions françaises vont quasiment doubler leurs budgets. Elles ne parviendront toutefois pas, loin de là, à faire jeu égal avec les budgets des régions des autres pays européens, estime l'agence Standard & Poor's. Et finalement, les fusions auront un impact limité, tant en termes d'économies d'échelle que de profil de crédit.

En réduisant au 1er janvier 2016 de 22 à 13 le nombre des régions de métropole, l'exécutif entend faire en sorte que les régions françaises puissent rivaliser avec leurs homologues européennes. L'objectif sera certainement atteint sur le plan démographique, puisque les régions vont passer de 2,9 à 5 millions d'habitants en moyenne. Mais en ce qui concerne les budgets, les régions françaises demeureront des "nains" par rapport à leurs voisines européennes, selon l'agence Standard & Poor's, qui s'est appuyée sur la connaissance des 11 régions françaises dont elle assure la notation et présentait son étude ce 22 septembre.
Avec les fusions et avec les transferts de compétences prévus par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), le budget moyen des régions va quasiment doubler, passant de 1,2 milliard à 2 milliards d'euros. L'Ile-de-France, dont les limites ne vont pas évoluer, demeurera la première région de France par son budget (4,4 milliards d'euros). En dépit de sa fusion avec l'Auvergne, Rhône-Alpes restera assez loin derrière, avec un budget de 2,8 milliards d'euros. La région Nord-Pas-de-Calais/Picardie occupera la troisième place (2,6 milliards d'euros). De leur côté, les régions Alsace/Champagne-Ardenne/Lorraine, Aquitaine/Poitou-Charentes/Limousin et Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon disposeront d'un budget quasi semblable, de l'ordre de 2,2 milliards d'euros. Ce montant sera nettement supérieur au budget de certaines des régions qui vont disparaître en tant que telles à la fin de l'année (par exemple, le Limousin dont le budget s'élève aujourd'hui à 400 millions d'euros).

"Pas de big bang"

Pour autant, les budgets des régions françaises demeureront faibles en comparaison de ceux des voisines européennes, constate Standard & Poor's en se basant sur les 27 régions italiennes, belges, allemandes et espagnoles qui font partie de ses clients. Malgré les réformes, l'Ile-de-France se classera encore à la 45e place européenne pour ce critère. D'autres chiffres sont évocateurs. Une fois additionnés, les budgets de l'ensemble des régions françaises (25,5 milliards d'euros) restera plus de deux fois inférieur au budget de la seule région Rhénanie-du-Nord-Westphalie (61,4 milliards d'euros) et équivaudront au budget de la communauté flamande (28,4 milliards d'euros), de la Catalogne, ou de la Lombardie (23 milliards d'euros pour chacune de ces régions).
La loi Notr va certes contribuer à accroître le budget des régions. Celles-ci vont en effet renforcer à partir de 2017 leurs compétences, en particulier dans les domaines des transports et de l'économie. Pour les exercer, les régions devraient bénéficier d'une part supplémentaire de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Mais la réforme devrait conduire à une augmentation de seulement 10% du budget des régions. L'"Acte 2 de la décentralisation" de l'époque Raffarin (avec en particulier le transfert aux régions des agents techniques des lycées) avait eu un impact beaucoup plus fort : le budget des régions avait augmenté de 10% chaque année entre 2004 et 2008, ont rappelé les analystes de Standard & Poor's lors de leur conférence de presse du 22 septembre.
Les économies d'échelle, que le gouvernement vantait au moment de la présentation de la nouvelle carte des régions, ne seront pas forcément au rendez-vous, selon eux. Dans un premier temps, il est possible que les fusions se traduisent même par des coûts supplémentaires. A long terme toutefois, des économies seront possibles. Cela dépendra de la capacité qu'auront les élus régionaux, par exemple, à renégocier le contrat liant leur collectivité à la SNCF. Par ailleurs, ils pourraient obtenir des économies en supprimant des lignes de cars ou en fermant des lycées, estime-t-on chez Standard & Poor's. Mais pour l'heure, aucune des régions avec lesquelles l'agence est en contact n'aurait fait la preuve de vouloir faire des économies d'échelle.

La dette des régions devrait bondir

Reste que les régions cherchent à limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement. Elles ont d'ailleurs sur ce plan des possibilités d'ajustement – bien davantage que les départements. Mais alors que leurs recettes sont mises à mal par la baisse des dotations de l'Etat (chaque année jusqu'à fin 2017, celle-ci équivaudra à une réduction de 2% de leurs recettes de fonctionnement), les régions vont surtout freiner fortement leurs investissements. Les échéances électorales de la fin de l'année vont d'ailleurs contribuer à amplifier le phénomène.
Pour autant, les régions françaises ne vont pas moins recourir au crédit. Au contraire. Alors que leur dette représentait 109% de leurs recettes de fonctionnement en 2014, celle-ci pourrait grimper à 134% en 2017. Standard & Poor's juge "élevé" ce volume de dette, mais ne s'en inquiète pas. L'endettement des régions françaises ne représentait en 2014 que 1,1% de la dette publique française et 11,7% de la dette publique locale, ont rappelé ses experts. En outre, ailleurs en Europe, la Rhénanie du Nord-Westphalie, Valence, ou encore la Catalogne sont bien plus endettées : leurs emprunts dépassent 250% de leurs recettes de fonctionnement.
Les fusions auront "un impact limité sur les forces et faiblesses du profil de crédit" des régions françaises et donc sur leur notation, conclut l'agence. En moyenne, précise-t-elle, les régions françaises sont actuellement notées dans la catégorie "AA", qui est celle de l'Etat français.