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Urbanisme commercial - Malgré la crise, les projets de grandes surfaces se maintiennent en Ile-de-France

Le ralentissement de la consommation depuis la crise conjugué au développement du e-commerce a eu un impact limité sur le rythme de construction de grandes surfaces en Ile-de-France. Créations, extensions ou restructurations : 360.000 m2 de surfaces de vente ont en effet été autorisés en moyenne chaque année depuis dix ans dans la région, selon une étude de l'IAU (Institut d'aménagement d'urbanisme – Ile-de-France) publiée le 20 octobre. C'est l'équivalent de trois grands centres commerciaux de la taille des Quatre Temps à la Défense, précise l'institut.
Sur les deux dernières années, le rythme d'autorisations est resté élevé, avec 300.000 m2 en 2013 et 308.000 m2 en 2014. 2015 semble toutefois marquer un infléchissement : il pourrait s'expliquer par "l'attentisme" des opérateurs suite aux nouvelles dispositions de la loi Pinel 18 juin 2014 et à ses décrets d'applications (cette loi a notamment élargi la composition des commissions départementales aux intercommunalités et permis à la Commission nationale de l'aménagement commercial de s'autosaisir des gros projets de plus de 20.000 m2).

Beaucoup de "recyclage urbain"

En elles-mêmes, les surfaces autorisées ne donnent qu'un petit aperçu de l'empreinte réelle au sol. Car un commerce de 10.000 m2 a besoin en réalité à 4,6 hectares de terrains, la moitié correspondant à l'emprise au sol et 28% aux parkings. Le reste est occupé par les voies d'accès, les éventuels espaces verts…
Alors que le Sdrif préconise des espaces plus économes en foncier, l'étude montre que, "contrairement aux idées reçues", la croissance du parc commercial se fait aux trois quarts "par recyclage urbain". 60% des futures surfaces commerciales étaient déjà utilisées par d'anciens commerces. "L'ampleur des autorisations commerciales délivrées a fait craindre le développement important de friches commerciales en Ile-de-France. Aucun inventaire n'est aujourd'hui disponible, mais ce résultat témoigne de la réappropriation fréquente des friches de commerces par de nouveaux commerces", en conclut l'IAU.
Ces chiffres signifient quand même qu'un quart des constructions se fait sur des espaces naturels ou agricoles. C'est le cas du nouveau centre commercial de Saint-Fargeau Ponthierry en Seine-et-Marne, construit en pleines terres arables. La Seine-et-Marne est d'ailleurs le département le plus gourmand avec une quarantaine de projets autorisés pour un total de 200.000 m2 entre 2011 et 2012. Globalement, sur ces deux années, 80% de l'emprise foncière des autorisations accordées concerne la grande couronne, principalement la Seine-et-Marne (31%) et l'Essonne (28%). La petite couronne, à l'exception de la Seine-Saint-Denis, apparaît comme moins consommatrice de surfaces.

Plus du quart des autorisations concernent de gros projets

Autre enseignement : plus du quart des autorisations concernent de gros projets dont Aéroville à Tremblay en France, le plus important depuis dix ans avec 50.000 m2, mais aussi Quartz à Villeneuve la Garenne (44.000 m2), So Ouest à Levallois Perret (33.000 m2), Beaugrenelle à Paris (31.000 m2). Cette course au gigantisme se poursuit avec le méga-projet EuropaCity aux portes de Gonesse, symbole des nouvelles tendances et de ce que les spécialistes appellent en bon français le "retailtainment", contraction anglaise de commerce et divertissement.
En matière d'activité, l'équipement de la maison représente 23% des autorisations et l'alimentaire un cinquième d'entre elles.
L'IAU s'est également intéressé à l'accessibilité des sites, sachant que la limitation de la voiture fait partie des objectifs d'aménagement affichés par les élus régionaux. 39% des opérations sont situées à moins de quinze minutes à pied du centre de la commune, 42% entre 15 et 30 minutes et 29% à plus d'une heure. Mais à peine plus de la moitié des opérations sont bien desservies par les transports en commun. Et encore, dans la grande couronne, 58% des opérations sont "mal desservies". En Seine-et-Marne, sur cinq projets de plus de 10.000 m2, trois n'ont pas de transport en commun à moins d'une demi-heure. Toutefois, les pratiques sont en train de changer. L'institut constate une meilleure prise en compte du stationnement vélo, des places dédiées aux familles ou aux véhicules électriques…
Cet engouement non interrompu des élus et des investisseurs pour les surfaces commerciales en période de crise fait craindre un risque de bulle commerciale. "Les cas de friches commerciales sont nombreux", observe bien l'IAU. Mais il n'a pas poussé l'étude sur le terrain de la rentabilité des sites autorisés. "L'objectif est maintenant d'arrêter avec les services de l'Etat et les départements volontaires une liste de critères permettant un suivi systématique des opérations autorisées", conclut-il. Ce suivi s'intéresserait à la qualité architecturale et environnementale des opérations, ainsi qu'au volet social, y compris en termes d'emplois créés.