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Finances locales - Maîtrise des dépenses locales : des sénateurs prônent un "pacte de stabilité interne"

Pour les sénateurs Charles Guené et Claude Raynal, il est essentiel d'associer les collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques. Pour cela, s'appuyant sur les exemples de l'Italie et de l'Autriche, ils prônent la mise en place d'un "pacte de stabilité interne" comportant des contraintes, mais aussi des contreparties.

Deux sénateurs de la commission des finances, Charles Guené (LR) et Claude Raynal (Soc), suggèrent, dans un rapport d'information rendu public le 9 septembre, la mise en place d'un pacte de "stabilité interne" encadrant les finances des collectivités territoriales françaises. Tous deux rapporteurs spéciaux de la mission du budget de l'Etat portant sur les "relations avec les collectivités territoriales", ils veulent s'inspirer de mécanismes d'encadrement des finances locales créés il y a plus de dix ans par l'Autriche et l'Italie, deux pays qui ont "une avance certaine" sur ce sujet.
La France a adopté en 2014, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019, un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel), mais celui-ci n'a qu'une valeur purement indicative. Si l'Odedel devait prendre une dimension plus importante (en devenant contraignant, par exemple), il faudrait au préalable respecter certaines conditions, estiment les deux rapporteurs. Ce qui justifie, selon eux, la mise en place d'un pacte de stabilité interne.
Celui-ci prévoirait la création d'un groupe de travail Etat-collectivités "chargé d'établir un diagnostic partagé" des efforts déjà faits en matière de dépenses et de ceux qui devront être fournis à l'avenir. La concertation sur le pilotage des finances locales a été insuffisante jusqu'à présent, soulignent les sénateurs.

Connaître le coût de fourniture des services publics

Les règles d'encadrement des dépenses des collectivités seraient déclinées collectivité par collectivité, comme c'est le cas dans les deux pays auxquels se sont intéressés les sénateurs. En contrepartie de leurs efforts pour réduire leurs dépenses, les collectivités bénéficieraient d'un allègement des normes et d'une plus grande liberté de gestion.
Ce pacte aurait pour mérite de donner plus visibilité aux collectivités, puisqu'il leur serait donné un objectif de moyen/long terme. En outre, afin de "donner des perspectives positives aux collectivités", l'évolution des concours de l'Etat une fois la situation des finances publiques assainie serait évaluée.
Pour mesurer les charges du secteur public local, ce qui est essentiel pour la répartition des fonds de péréquation, les sénateurs suggèrent de transposer les "besoins de financement standard" que l'Italie utilise depuis cette année. L'outil permet d'évaluer très précisément le coût de fourniture de douze services publics considérés comme les plus importants, et ce dans chaque collectivité. "On me disait toujours par le passé que, techniquement, c'était irréalisable", déclare Charles Guené. "L'exemple italien prouve le contraire." Pour les sénateurs, cet outil permettrait de dépasser la logique des indices synthétiques (comme le revenu par habitant, le nombre de kilomètres de routes, le nombre d'élèves scolarisés, etc), qui "ne suffisent pas à apprécier assez finement les contraintes de chaque territoire."
De l'exemple italien, il faut aussi retenir la chute de 40% des investissements des collectivités, consécutive à la réduction de 17,5 milliards d'euros en quatre ans de leurs recettes (à comparer à la réduction en France, en quatre ans, de 12,5 milliards d'euros des dotations). Le pacte français devra donc exclure les investissements de son périmètre, ou prévoir des souplesses spécifiques en leur faveur, estiment les sénateurs.

La France "en retard"

"La France est loin d'être le seul pays à réfléchir aux modalités d'un encadrement des finances de ses collectivités territoriales", constatent-ils, en affirmant qu'ils ont voulu contribuer à "décoincer le débat" sur le sujet.
L'Autriche a mis en place en 2001 un dispositif d'encadrement des finances locales. Le pacte actuel prévoit notamment l'encadrement du déficit, de la dette et de la croissance des dépenses des Länder et des communes. Ceux-ci restent libres de choisir les moyens à adopter pour respecter les objectifs fixés. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des objectifs par une collectivité, mais pour l'instant, aucune sanction n'a été infligée.
De son côté, l'Italie a mis en place en 1999 un pacte qui a eu pour objectif le respect de règles en matière de déficit ou de dépenses. Il a procédé à une distinction entre "collectivités vertueuses et non vertueuses", qui en France a été évoquée puis abandonnée par le gouvernement Fillon. Des sanctions ont été prises contre les collectivités qui n'ont pas respecté leurs objectifs, parfois sous la forme d'une baisse des indemnités des élus locaux.