Personnes âgées - Maison des Babayagas, le logement-foyer 2.0
L'inauguration, le 28 février, de la Maison des Babayagas à Montreuil (Seine-Saint-Denis) marque l'aboutissement d'un long combat pour les promoteurs de ce projet lancé il y a près de quinze ans par une vingtaine de femmes. La chef de file du projet, Thérèse Clerc, affiche d'ailleurs aujourd'hui 85 ans. L'âge n'empêche pas de conserver un esprit combatif et militant. Le projet s'inscrit en effet "dans les mouvements d'économie solidaire, de démocratie participative et de développement durable". On peut y ajouter le féminisme, puisque le document de présentation du projet précise : "Nous sommes toutes issues du mouvement de libération des femmes. Cet engagement durera toute notre vie."
Sur le plan pratique, la Maison des Babayagas de Montreuil - le nom donné aux sorcières dans les vieux contes russes - prend la forme d'un bâtiment regroupant 25 studios d'environ 35 m2. Ceux-ci accueilleront une vingtaine de femmes de 60 à 80 ans, aux revenus modestes et partageant le désir de vieillir ensemble, "en toute liberté". Le projet présente plusieurs originalités. La résidence se veut ainsi autogérée : "Assumant nous-mêmes, et chacune aussi longtemps qu'il lui sera possible, les activités d'entretien et d'animation. Pratiquant entre nous l'entraide la plus large, nous maintiendrons les frais de fonctionnement dans l'esprit de l'économie sociale et solidaire. Nous ferons appel, pour les interventions indispensables, aux services d'aide existant sur la ville." Ce mode de fonctionnement permet de proposer un loyer mensuel de 460 euros, très loin du tarif moyen d'une maison de retraite (2.242 euros par mois en Ile-de-France et 1.819 euros dans le reste du pays). Autre originalité revendiquée : la présence au sein de la résidence de locaux destinés à des activités collectives. La Maison des Babayagas dispose ainsi d'une salle de réunion, d'une bibliothèque, d'une salle de gymnastique, d'un petit jardin... Ces locaux collectifs devraient notamment accueillir une "université du savoir des vieux". Par ailleurs, quatre studios sont destinés à des jeunes de moins de 30 ans, afin de "développer le principe intergénérationnel". Enfin, bien qu'autogérée, la structure a bénéficié d'importantes subventions publiques - de la part la ville, de l'Etat, du conseil régional et de l'office public de l'habitat montreuillois - qui ont financé la quasi-totalité des quatre millions d'euros du projet. Au passage, on peut s'étonner que des subventions publiques financent un lieu d'accueil dont sont exclues les femmes avec un conjoint ou un compagnon.
Du neuf avec du vieux ?
Au-delà de cette approche et de ce discours militants, le projet est-il réellement novateur ? Pas vraiment. Tout d'abord, il s'inspire très directement du vieux principe du béguinage, ce que revendiquent d'ailleurs ses promoteurs. Mais de nombreux béguinages modernisés existent déjà et la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a lancé en 2011 un appel à projets pour les développer (voir notre article ci-contre du 26 septembre 2011). On pourrait aussi évoquer les Marpa (maisons d'accueil rurales pour personnes âgées), qui sont aujourd'hui plus de mille à travers la France.
De son côté, le loyer très faible s'explique certes par le recours à l'autogestion, mais aussi et surtout par le profil des résidentes, qui sont toutes - aujourd'hui - autonomes et dont l'âge se situe très en deçà de l'âge moyen des résidents en maison de retraite (plus de 85 ans). En réalité, le loyer de la Maison des Babayagas se situe dans la fourchette des loyers pratiqués en logement-foyer (de 450 à 1.000 euros), même si c'est dans le bas de cette dernière. Car, même si les documents de présentation sont muets sur le statut juridique et social de cette structure, son principe - logements individuels, parties communes, activités collectives possibles, services partagés... - s'apparente de très près à celui des logements-foyers, qui comptent déjà près de 2.500 unités dans toute la France et accueillent près de 120.000 personnes âgées...