Lutte contre le ruissellement et l’érosion : Raray choisit de montrer pour convaincre (60)

La Nonette, affluent de l'Oise, traverse des plateaux de grandes cultures avant de rejoindre Senlis. « Aujourd’hui, les pluies de plus en plus importantes créent des coulées de boues qui occasionnent des dégâts dans les fermes, une perte de terres fertiles, une pollution aux nitrates et un envasement des cours d'eau en aval, » explique Clara Morvan, directrice technique du Syndicat interdépartemental du sage de la Nonette (SISN). La gestion de ces eaux pluviales est ainsi devenue en quelques années la préoccupation numéro un du syndicat, qui a dû convaincre les propriétaires et exploitants, parfois réticents, d'installer des ouvrages d'hydraulique douce.

Les solutions d'hydraulique douce basées sur la nature sont multiples : plantation de haies, création de fascines (structures de branchages), noues (fossés) enherbées, remise en état de mares… « Le cumul de ces aménagements en des points stratégiques limite l'érosion des sols et facilite l'infiltration de l'eau sur place, ce qui permet de recharger les nappes phréatiques, souligne la directrice technique. Mais ils ont aussi d'autres atouts : ils accueillent de la biodiversité, procurent de la fraîcheur et sont aussi intéressants d’un point de vue paysager. » Malgré cela, lorsque le SISN lance en 2015 un premier projet pour aménager ainsi les terrains voisins de la Launette, un premier affluent de la Nonette, il fait face à la réticence des agriculteurs pour les terrains où il souhaite implanter ces structures naturelles : « Ils étaient inquiets des contraintes que ça allait leur apporter, du temps nécessaire pour les entretenir, relate la directrice technique. La concertation a été très compliquée, avec très peu d'aménagements réalisés pour finir. C'est là que nous nous sommes dit qu'il fallait un outil supplémentaire pour convaincre, en grandeur réelle. »

Un démonstrateur pour convaincre

En 2020, lorsque le SISN lance un nouveau projet d'aménagement sur l'Aunette, un autre affluent d'une quinzaine de kilomètres, il commence par créer un site pédagogique sur la commune de Raray, en tête de sous bassin-versant. « Nous avons eu la chance d'y trouver un agriculteur motivé et sensibilisé au sujet qui est aussi élu à la Commission locale de l’eau du Sage*, souligne la directrice. La cour de sa ferme étant inondée à chaque orage, nous avons proposé de réaliser sur ses terrains un site « vitrine » qui démontre l'efficacité des différentes techniques : linéaire de haies, noue plantée, dépression de type mare, fascine, haie doublée de fascine et restauration d'une mare. » L'ensemble des travaux est réalisé en fin d'année 2020, puis équipé de panneaux pédagogiques expliquant le fonctionnement des installations. Dès les premières pluies, il prouve son efficacité pour empêcher l'érosion des sols. Quelques ajustements sont toutefois réalisés, notamment pour mieux gérer les entrées de champs et permettre sans complication le retournement des engins.

Un programme d'aménagement simplifié

En 2021, la concertation sur l'aménagement de l'Aunette est lancée. Le SISN utilise le démonstrateur de Raray en y amenant les agriculteurs potentiellement concernés : « C'est un outil concret qui les rassure, ils peuvent aussi discuter avec l'agriculteur et avoir ses retours directs, souligne la directrice. La concertation s'est relativement bien passée sur ce secteur, en partie grâce à cet outil. » Le temps de constituer les dossiers pour la Déclaration d'intérêt général (les travaux se font sur terrains privés), la première tranche de travaux a pu être réalisée fin 2022. Deux kilomètres de haies ont déjà été plantés, deux merlons réalisés ainsi qu'une noue d'infiltration et un fossé à redents. D'ici 2024, date de fin du programme, une soixantaine d'ouvrages sont programmés. « Nous commençons aussi à relancer tranquillement le travail sur le bassin-versant de la Launette, premier territoire où nous avions eu peu de réalisations. »

Un site « vitrine » au bénéfice plus large

Au-delà de l'utilisation directe auprès des agriculteurs concernés, le site vitrine trouve également une utilité plus large : « Nous organisons chaque année une classe d'eau et des journées pour les élus et acteurs du territoire, précise la directrice. Après la première demi-journée de présentation, nous proposons une visite du site. » Le SISN organise aussi des visites à la demande des syndicats de bassins-versants voisins ou des services de l’État qui viennent aussi sur place pour anticiper leurs propres projets.

*Le site gest’eau présente les spécificités et le fonctionnement des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE)