À Willgottheim, des haies pour lutter contre les coulées de boue (67)

2014, 2016, 2018… La petite commune de Willgottheim a été touchée à maintes reprises par des orages violents, qui ont généré des coulées de boue qui atteignent le centre bourg. À chaque épisode, des dizaines de maisons sont sinistrées. « Notre bourg est situé en creux de vallée, dans le grenier à blé de l'Alsace, indique Claudine Huckert, maire de Willgottheim. Ces orages tombent sur des sols encore fraîchement retournés et entraînent des coulées de boue dévastatrices. C'est régulier depuis le remembrement de 2012 qui a supprimé les derniers bosquets et chemins. » Pour limiter les dégâts, la commune s'est engagée dans un programme d'aménagements d'hydraulique douce, avec le concours du Syndicat des eaux et de l’assainisement d'Alsace Moselle (SDEA), compétent en matière de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols.

Planter des haies pour retenir la terre

Deux bassins de rétention ont d'abord été réalisés sur terrains municipaux en 2014. En complément, plusieurs haies et fascines vivantes ont été implantées perpendiculairement à la pente, sur des parcelles agricoles situées en bordure de village. « Les fascines vivantes, des structures de branchages que l'on double généralement de haies, sont un outil efficace, indique Franck Hufschmitt, directeur de la transition écologique au SDEA. Elles permettent de filtrer 70 à 80 % des sédiments et limitent de 20 % la pointe de crue. Elles facilitent la décantation sur place de la boue et optimisent ainsi le fonctionnement des réseaux d'eaux pluviales qui peuvent mieux évacuer une eau moins chargée en sédiments. » Les essences choisies sont locales, avec une capacité à faire des rejets : noisetier, cornouiller sanguin… « Ce qui nous intéresse c'est de créer un paillasson très dense, 60 tiges par mètre linéaire, qui filtre l'eau. » Pour le choix des essences, le SDEA est conseillé par Haies vives d'Alsace et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) pour favoriser la biodiversité.

Le choix des implantations se base sur la connaissance documentée des coulées de boues : « À chaque événement, on dépêche un agent sur place pour faire les constats : d'où sont parties les coulées de boue, leur cheminement. Nous avons aussi un marché avec un photographe en ULM dans le cas d’événement majeur », indique le directeur. Une fois les sites identifiés, un plan d'action est validé avec la commune puis chaque exploitant concerné est contacté par des agents du SDEA. Il faut négocier la longueur et la localisation, consignées dans une convention de 10 ans avec l'agriculteur. « Nous nous engageons à entretenir la haie durant cette période. En échange de la contrainte nouvelle que crée cette haie fascine, nous indemnisons aussi l'agriculteur à hauteur de 1 à 2 € de loyer annuel par mètre linéaire. » L'ensemble du dispositif a été conçu avec la Chambre d'agriculture, qui anime également un dispositif de sensibilisation et de promotion auprès des agriculteurs. La plantation des haies et fascines se fait par le biais d'un marché de prestation, sur les périodes d'octobre à mars.

Une prise de conscience forte

Sur la commune de Willgottheim, 1,7 km de haies et fascines ont été créées sur les terrains de 10 exploitants différents. « Globalement, il y a eu une bonne acceptation par les agriculteurs, souligne le maire. Devant l'état de catastrophe, il allait généralement de soi pour eux qu'ils devaient participer à résoudre le sujet. Notre conseil municipal intégrait aussi plusieurs agriculteurs. » Depuis la première création de fascine par le SDEA en 2008, le directeur de la transition du SDEA fait le même constat : « Il y a une vraie prise de conscience et la création de ces aménagements permet de renouer le dialogue entre riverains sinistrés et profession agricole. »

Faire évoluer les pratiques

« On n'aurait pas pu lutter si la profession agricole ne s'était pas mobilisée », poursuit le maire. Qui souligne qu'au-delà de ces ouvrages, l'évolution des pratiques culturales est aussi indispensable : assolement concerté (maïs, betterave, blé) sur un même bassin-versant, labour moins profond, sillons perpendiculaires à la pente… « D'abord accompagnés par la Chambre d'agriculture, les agriculteurs se concertent désormais sans intermédiaire. Mais malgré les protections installées et ce travail concerté, nous restons très vulnérables, jamais à l'abri d'un nouvel épisode. Un propriétaire a même demandé à retirer une fascine : le sol est trop fertile pour que certains se résolvent à y planter des haies ! » Par le biais de la communauté de communes Kochersberg, Willgottheim s'est donc également engagée dans la formalisation d'une trame verte et bleue afin de mieux mailler l'ensemble de son territoire et récréer un réseau plus dense de haies.