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Environnement / Transports - Lutte contre la pollution de l'air : Ségolène Royal présente une série de mesures après une semaine de crise

Face à l'épisode de pollution le plus grave de ces dix dernières années, la ministre de l'Environnement a annoncé samedi 10 décembre de nouvelles mesures en faveur des transports "propres" et appelé les collectivités à s'engager davantage. Deux nouvelles conventions "Villes respirables en 5 ans" ont en outre été signées avec les communautés urbaines d'Arras et de Dunkerque.

Restée plutôt avare de ses propos depuis le début de l'épisode de pollution de l'air - le plus grave depuis dix ans - qui a frappé une très large partie du territoire en cette fin d'année, Ségolène Royal a présenté samedi 10 décembre en conseil des ministres de nouvelles mesures visant à améliorer la qualité de l'air. Les pics de pollution sont "un problème pris au sérieux par le gouvernement", a assuré dans la cour de l'Elysée la ministre de l'Environnement.
Parmi les mesures annoncées, une large place revient au déploiement des véhicules "propres", et particulièrement aux véhicules électriques. Ainsi, la prime à la conversion qui permet aux particuliers, depuis avril 2015, de bénéficier d'une aide jusqu'à 10.000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique en contrepartie de la mise au rebut d'un vieux véhicule diesel, va être étendue aux véhicules utilitaires légers et aux taxis à partir de 2017. L'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere) s'en est aussitôt félicitée.
Alors qu'un bonus écologique de 1.000 euros pour les 2 et 3 roues électriques a été créé dans le projet de loi de finances pour 2017, une aide de 200 euros pour l'acquisition de vélos à assistance électrique est aussi "mise à l'étude avec les associations de collectivités", a aussi indiqué la ministre.

Bus électriques et au biogaz en centre-ville

Ségolène Royal a également annoncé que toutes les nouvelles commandes de bus en centre-ville devront porter sur des bus électriques et au biogaz. La loi de transition énergétique de 2015 impose déjà l'achat de véhicules à faibles émissions par l'Etat et les entreprises nationales (50% minimum) et les collectivités territoriales (20% minimum) lors de leur renouvellement. Mais les décrets d'application ne sont toujours pas sortis : ils seront finalement publiés avant le 15 décembre pour une application à partir du 1er janvier, a affirmé la ministre. Quant à imposer un remplacement intégral, ce ne sera peut-être pas si simple, notamment par manque de fenêtre législative.
Ségolène Royal veut aussi obliger les ministres, préfets, chefs d'administration et élus de rouler en voiture électrique en ville "pour donner l'exemple". Cela passera par une circulaire à destination de l'Etat, et une modification du code de l'environnement pour étendre cette mesure aux élus, a-t-on précisé au ministère de l'Environnement.
Ségolène Royal a aussi fait des propositions que le gouvernement devrait commencer à arbitrer en début de semaine, selon elle, comme aligner les avantages entre essence et diesel en deux ans au lieu de cinq, en imposant le même niveau de remboursement de la TVA sur le carburant. Actuellement, les entreprises peuvent en effet déduire une partie de la TVA sur l'achat de gazole, mais pas dans le cas de l'essence. Autres mesures à l'étude : augmenter le "crédit d'impôt de transition énergétique" pour l'achat de bornes de charge pour les véhicules électriques, et le remplacement des chauffages polluants par des équipements propres chaudières à condensation, pompes, chaudières à micro-cogénération gaz). La généralisation de l'indemnité kilométrique vélo dans les secteurs privé comme public est également prévue. La ministre a aussi appelé à la gratuité des péages autoroutiers pour les véhicules électriques. L'Etat mène depuis "plusieurs semaines" des discussions avec les sociétés concessionnaires, a ensuite assuré son ministère.

Recours accru aux "certificats qualité de l'air"

Autre mesure mise en exergue, le recours accru, dans les régions soumises aux pics de pollution, aux "certificats qualité de l'air", ces vignettes de couleur différente selon le niveau de pollution du véhicule. Les préfets pourront, en cas de pic, limiter le trafic en fonction du niveau d'émission des véhicules, et non plus sur la base des seules plaques d'immatriculation. L'agglomération de Grenoble a appliqué samedi 10 décembre pour la première fois ce dispositif, une mesure qu'elle a reconduite dimanche et lundi, et qu’elle va renforcer ce mardi. En revanche pour ce qui est d'instaurer au quotidien des régulations de circulation, notamment dans les centres-ville, cela reste du ressort des collectivités, comme le permet la loi depuis 2015. A ce stade, seules Paris et Grenoble s'en sont saisies.
Depuis l'ouverture au 1er juillet 2016 du site internet de délivrance des vignettes, on compte, selon le ministère, 337.000 demandes dont 166.000 en Ile-de-France et 54.000 en Isère (Paris et Grenoble étant les deux villes ayant déjà annoncé des mesures de gestion de la circulation sur cette base).
Ségolène Royal en a appelé samedi aux élus locaux. "Ce qu'il faut maintenant, c'est la révolution du transport propre, des villes responsables (...) les maires doivent tenir bon!", a dit la ministre, que l'on a peu entendue la semaine passée tandis qu'à Paris droite et gauche s'affrontaient sur la circulation alternée instaurée pendant quatre jours. "Ce n'était pas la peine de participer aux polémiques. Et puis j'ai donné le pouvoir aux élus", a-t-elle expliqué samedi.
"C'est bien mais insuffisant", a réagi après ces annonces Chantal Jouanno (UDI), chargée de l'environnement à la région Ile-de-France, appelant à une remise à niveau du système de transports en commun. "Le gouvernement avait pris des engagements (...) qui devaient être financés par l'écotaxe poids-lourds, qu'on n'a pas mise en place" a-t-elle regretté.

Un problème de santé publique

Depuis le 30 novembre, la capitale a été soumise au pic de pollution hivernal le plus long et intense observé depuis 10 ans. Alimentées par le chauffage au bois et le trafic, les concentrations de particules, ces poussières fines en suspension dans l'air, ont atteint jusqu'à 146 microgrammes/m3. Paris est pourtant loin des sommets régulièrement constatés à Delhi ou Pékin où les niveaux peuvent être trois à quatre fois supérieurs à ce record. Globalement la qualité de l'air s'est aussi améliorée depuis 10 ans, en particulier grâce aux mesures sur les émissions industrielles.
Mais cela ne suffit pas : la pollution de l'air cause encore 48.000 décès prématurés, par cancers ou affections respiratoires, selon une évaluation de Santé publique France. "On ne peut pas continuer à mourir de respirer", ont écrit dans le Monde daté de dimanche 11-lundi 12 décembre Mélanie Laurent et Cyril Dion, réalisateurs du documentaire "Demain", soulignant que la pollution de l'air est "la troisième cause de mortalité dans le pays" et que ses victimes sont dix fois plus nombreuses que celles des accidents de la route et le sont presque autant que celles du tabac. Pour les auteurs de "Demain", "réduire la pollution implique de transformer notre modèle de société".
Sources principales de pollution, le trafic routier, le chauffage résidentiel, l'industrie, l'agriculture (via l'ammoniac des épandages), selon le bilan officiel de la qualité de l'air. "Avant on a pu agir sur les grosses sources fixes, comme les industries. Aujourd'hui ce sont des sources diffuses, sur tout le territoire", ce qui rend l'action complexe, souligne Nadia Herbelot, de l'Agence pour l'environnement (Ademe). "Il ne suffit pas que l'Etat fasse quelque chose nationalement : il faut aussi les collectivités, les entreprises, et tout un chacun", ajoute-t-elle.

Anne Lenormand avec AFP

Signature de deux nouvelles conventions "Villes respirables en 5 ans"
Ségolène Royal a signé le 9 décembre deux nouvelles conventions "Villes respirables en 5 ans" avec la communauté urbaine d'Arras et la communauté urbaine de Dunkerque Grand Littoral qui bénéficieront chacune d'un appui bénéficier d'un million d'euros. Ces conventions sont passées avec des collectivités lauréates de l'appel à projets "Villes respirables", lancé en juin 2015, pour faire émerger des "villes laboratoires" volontaires pour expérimenter des mesures permettant de faire baisser sensiblement la pollution de l'air dans un délai de cinq ans. Les 20 territoires sélectionnés s'engagent par exemple à créer ou préfigurer une zone à circulation restreinte où seuls les véhicules les moins polluants pourront circuler, à conduire des actions ambitieuses en matière de transports (renouvellement des flottes de bus, expérimentations sur la mobilité hydrogène, développement du vélo ou des voies cyclables…) ou encore à développer des systèmes de chauffage plus propres. Dunkerque Grand Littoral (199.700 habitants, 17 communes) prévoit ainsi de renouveler sa flotte de bus au profit de véhicules GNV et électriques, d'acquérir des véhicules propres pour l'entretien des espaces verts, de faire une étude de préfiguration d'une zone à circulation restreinte, de créer un "micro-plan" de de déplacement industrialo-portuaire en lien avec les activités du grand port maritime et de concevoir un nouveau plan local d'urbanisme intercommunal intégrant la qualité de l'air. La communauté urbaine d'Arras (101.879 habitants, 39 communes) entend elle aussi mener une étude de préfiguration pour la mise en place d'une zone à circulation restreinte et mener plusieurs actions en faveur des transports "propres" (location de navettes électriques ne centre-ville, achat de vélos pour le développement d'un service de location de vélos, aménagement de pistes cyclables, accompagnement des particuliers pour l'achat de vélo à assistance électrique ou l'installation de borne de recharge). Elle veut aussi étudier la mise en place d'une unité de distribution d'énergie renouvelable mutualisée pour les bus et bennes à ordures ou encore modéliser la qualité de l'air en réalisant une carte stratégique. D'autres conventions ont déjà été signées ces dernières semaines avec des territoires lauréats de l'appel à projets (communauté d'agglomération de Bordeaux Métropole, communauté urbaine du Grand Dijon, communauté de communes de Faucigny-Glières, métropole de Rouen Normandie, communauté d'agglomération de Saint-Etienne, Eurométropole de Strasbourg et communauté d'agglomération d'Annemasse). A.L.
 

 

 

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