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Lutte contre la désertification médicale : l'Assemblée adopte une proposition de loi vidée de son sens

Le député Guillaume Garot défendait une nouvelle proposition de loi qui prévoyait entre autres le conventionnement sélectif des médecins libéraux qui s'installent et la limitation des dépassements d'honoraires. Déjà sensiblement allégé en commission, le texte a été adopté en séance... après avoir été réduit à deux articles.

L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi "contre la désertification médicale et pour la prévention". Celle-ci a été déposée par Guillaume Garot, député de la Mayenne, et une dizaine de ses collègues du groupe socialiste, dont sa présidente Valérie Rabault. Mais la proposition de loi a été pratiquement vidée de tout son contenu initial et n'a plus vraiment de rapport avec son titre, qui a pourtant été conservé. Déjà sérieusement amendée en commission des affaires sociales, elle a été allégée encore davantage lors de la discussion en séance publique, au point d'être réduite à deux dispositions relativement secondaires.

Bis repetita...

Il serait difficile de ne pas reconnaître à Guillaume Garot le mérite de la constance. Ancien ministre délégué à l'Agroalimentaire du gouvernement de Jean-Marc Ayrault et actuel président du Conseil national de l'alimentation, il s'est surtout distingué dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, mais comme élu de la Mayenne, département touché par la désertification médicale, il revient régulièrement à la charge sur la question de l'accès aux soins. En janvier 2018, l'Assemblée avait ainsi décidé, en séance publique, le renvoi en commission d'une proposition de loi de Guillaume Garot "visant à lutter contre la désertification", déjà rejetée au préalable en commission (voir notre article ci-dessous du 12 janvier 2018). Puis, le 31 janvier 2019, le député de la Mayenne et le groupe socialiste ont fait adopter une proposition de loi "pour des mesures d'urgence contre la désertification médicale". Mais la version finalement adoptée n'avait plus grand-chose à voir avec le texte initial déposé par Guillaume Garot (voir notre article ci-dessous du 1er février 2019). Au demeurant, transmis aussitôt au Sénat, le texte n'a toujours pas donné lieu à la désignation d'un rapporteur et semble donc passablement enlisé.

La nouvelle proposition de loi adoptée en première lecture le 12 décembre a subi le même "écrémage" que la précédente. Le texte initial comportait en effet sept articles. Parmi les mesures prévues figuraient ainsi le conventionnement sélectif des médecins libéraux qui s'installent (le chiffon rouge pour les adversaires des mesures coercitives), la participation des associations d’usagers aux travaux des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), la mise à jour obligatoire par les médecins du dossier médical partagé, le développement de la médecine de prévention dans les zones sous-denses et la mise en place de la téléprévention, ou encore la limitation des dépassements d'honoraires (fixée à 50% du tarif opposable).

Un avenir très incertain

Après le passage du texte en commission des affaires sociales et en séance publique, le texte ne comporte plus que deux articles, dont le contenu est d'ailleurs très éloigné de celui des deux articles initiaux. Le premier se contente de prévoir que figure, parmi les dix personnalités qualifiées nommées au Conseil supérieur des programmes placé auprès du ministre de l'Éducation nationale, "au moins un professionnel qualifié en santé publique". L'objectif affiché par l'exposé des motifs de l'amendement est "de renforcer le volet prévention en santé dans les programmes".
Le second article laisse de côté toute idée de plafonnement des dépassements et prévoit seulement que pour les professionnels de santé non conventionnés et ceux qui adhèrent à la convention mais pratiquent des dépassements (secteur 2), l'information sur les tarifs "doit être disponible au plus tard lors de la prise de rendez-vous permettant ces activités". Jusqu'à présent, seul était obligatoire l'affichage préalable de l'appartenance au secteur 1 ou au secteur 2.

Lors des explications de vote, Guillaume Garot n'a pas caché qu'"à l'évidence, c'est une déception" et affirmé qu'en matière de santé, "les inégalités se creusent entre les territoires, entre les Français". Marc Delatte, député (LREM) de l'Aisne (et médecin), lui a répondu : "Vous ne pouvez pas enchaîner un jeune médecin à la chaise de son cabinet de consultation lorsque le territoire où il exerce n’est pas attractif ! Notre logique est globale : elle vise à rendre les territoires attractifs, par exemple à travers l’installation de maisons France Services". Pour sa part, Yannick Favennec Becot, député (Liberté et Territoires) de la Mayenne, a expliqué qu'"heureusement, on l’a rappelé aussi, des collectivités territoriales ont pris le dossier en main pour installer, avec les professionnels, des maisons pluridisciplinaires de santé. C’est là une réponse au problème, mais pas la seule".

La proposition de loi adoptée le 12 septembre a été aussitôt transmise au Sénat. Son sort y est des plus incertains. Soit, jugée trop anecdotique avec ses deux mesures très ponctuelles, elle s'enlisera comme le précédent projet de loi adopté par l'Assemblée le 31 janvier dernier. Soit le Sénat, qui s'est déjà montré favorable à des mesures coercitives, s'en servira comme véhicule législatif pour y réintroduire des mesures plus contraignantes. Ce qu'il n'a toutefois pas fait avec le texte de janvier dernier...

Références : proposition de loi contre la désertification médicale et pour la prévention (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 12 décembre 2019).

 

 

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