Enfance - L'Unicef se penche sur la mesure de la pauvreté des enfants
L'Unicef publie une étude intitulée "Mesurer la pauvreté des enfants". Réalisée par le centre de recherche Innocenti de Florence, elle porte sur les 27 pays de l'Union européenne, ainsi que plusieurs autres pays développés comme les Etats-Unis, le Japon, le Canada, l'Australie, la Suisse... Le rapport "présente les dernières données comparables à l'échelle internationale sur les privations et la pauvreté relative des enfants dans l'ensemble des pays les plus riches".
Le document propose deux approches de la pauvreté et des privations subies par les enfants. La première - classique et essentiellement monétaire - repose sur "le pourcentage d'enfants vivant dans une pauvreté relative, c'est-à-dire dans des ménages dont le revenu disponible, ajusté en fonction de la taille et de la composition de la famille, est inférieur à 50% du revenu médian national du pays dans lequel ils vivent". Dans cette approche, la France occupe un rang honorable (14e sur 35) avec un taux de pauvreté relative de 8,8%, derrière les pays scandinaves et juste derrière l'Allemagne (8,5%), mais devant plusieurs grands pays européens comme le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Espagne ou d'autres grands Etats comme le Canada, le Japon ou les Etats-Unis. Le classement est - relativement - resserré, puisque le taux de pauvreté relative des enfants va de 4,7% en Islande à 25,5% en Roumanie, soit un rapport de un à cinq.
La deuxième approche, "qui n'a encore jamais été publiée", compare la proportion d'enfants défavorisés dans chaque pays, c'est-à-dire n'ayant pas accès à au moins deux des quatorze variables considérées comme normales et nécessaires pour un enfant vivant dans un pays économiquement avancé. Ces variables vont de "Trois repas par jour" à "Possibilité de célébrer des occasions spéciales (anniversaire, fête et fête religieuse, etc.)", en passant par "Fruits et légumes frais tous les jours", "Connexion internet" ou "Endroit calme avec assez d'espace et de lumière pour faire ses devoirs". Si la proportion d'enfants concernés en France est assez proche de celle du classement précédent (10,1% au lieu de 8,8%), le classement relatif de notre pays est nettement moins bon. La France occupe en effet le 18e rang sur 27 pays européens (les données sur les quatorze critères, tirées de l'enquête de l'Union européenne sur le revenu et les conditions de vie 2009, n'étant pas disponible pour les pays de l'OCDE hors UE). Parmi les grands pays européens, seule l'Italie figure alors derrière la France. On observera également que les écarts sont beaucoup plus importants que dans l'approche strictement monétaire, puisque la proportion d'enfants n'ayant pas accès à deux au moins des quatorze critères va de 0,9% en Islande à 72,6% en Roumanie, soit un rapport de 1 à 80.
De nombreuses questions méthodologiques
Cet écart s'explique toutefois par le fait que cette approche repose sur une mesure fixe (accéder ou non à douze des quatorze critères), alors que l'approche monétaire mesure une pauvreté relative (la mesure se faisant par rapport au revenu médian du pays considéré). Le rapport est d'ailleurs bien conscient du fait que "de tels exemples illustrent une question épineuse, au coeur de l'une des principales controverses entourant la mesure de la pauvreté des enfants". Le document indique également que l'approche par la privation est originale et prometteuse, mais soulève encore de nombreuses questions théoriques et méthodologiques : choix des variables, fiabilité des statistiques par questionnaire, prise en compte des tranches d'âge (par exemple pour la connexion internet), choix du facteur discriminant (au moins deux ? au moins trois ? au moins quatre ?)…
Pour compliquer le tout, il existe bien sûr d'autres approches de la mesure de la pauvreté. Le rapport lui-même en donne un exemple, avec la notion d'écart de pauvreté, autrement dit la distance entre le seuil de pauvreté et le revenu médian des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (exprimée en pourcentage du seuil de pauvreté). Dans cette approche et sur la base d'un seuil de pauvreté situé à 50% du revenu médian, la France - pays moins inégalitaire que la plupart des grands Etat développés - est classée 7e sur 35, devant tous les autres grands pays comparables... Sur ces questions complexes de la mesure de la pauvreté, le rapport propose d'ailleurs une série de réflexions et d'éclairages très intéressants qui mériteraient de nourrir le débat public. Mais ceci ne change rien à la conclusion de l'Unicef, qui s'impose d'elle-même : "La politique en faveur des enfants doit être une priorité absolue, même et surtout en période de crise !"